Samstag15. November 2025

Demaart De Maart

Guilty PleasuresUne rose parmi les épines: „Unorthodox“ sur Netflix

Guilty Pleasures / Une rose parmi les épines: „Unorthodox“ sur Netflix
Amit Rahav et Shira Haas dans la mini-série „Unorthodox“ Photo:  Netflix 

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En quatre épisodes, la réalisatrice Maria Schrader met en scène le destin exceptionnel d’une jeune femme issue d’une communauté hassidique ultra-orthodoxe. A découvrir en mini-série sur Netflix.

Lorsqu’il a entendu parler d’„Unorthodox“ et avant de courir se présenter au casting, Jeff Wilbusch (qui interprète le rôle de Mosche) s’est exclamé: „C’est mon histoire!“ En effet, le destin de l’acteur allemand découvert dans „Bad Banks“ est étonnamment similaire à celui du personnage principal de la mini-série de Netflix, Esty (lui-même inspiré de Deborah Feldman et de ses mémoires). Comme cette dernière, Wilbusch a fui une communauté hassidique ultra-orthodoxe pour s’installer à Berlin et tenter d’y devenir un artiste libre. Mais contrairement à Wilbusch qui venait de Jérusalem, Feldman, elle, avait passé toute sa vie dans quelques rues de Williamsburg, à New York.

C’est sur les images d’un erouv (une clôture qui délimite l’espace dans lequel la communauté juive est autorisée à se mouvoir ou transporter des objets les jours de chabbat), un simple fil de fer installé dans ce quartier de Brooklyn, que la mini-série s’ouvre. Depuis son appartement, la jeune Esty, perruquée, vêtue d’habits modestes et couvrants, contemple un instant le monde extérieur, avant de se mettre en action: munie de quelques documents et d’une photo de sa grand-mère glissés dans un sac plastique, Esty est prête à s’enfuir. Mais arrivée dans le vestibule, elle se heurte à une cohorte de femmes et d‘enfants dans l’incapacité de sortir au grand air: l’erouv a été cassé par le vent et ne pourra être réparé, car c’est le jour de chabbat. Esty ne peut donc pas quitter l’immeuble …

Berlin, une terre d’histoire significative

Une entrée en matière efficace, qui nous plonge directement dans la réalité du quotidien au sein de cette communauté Satmar, soumise à des règles religieuses extrêmes. C’est ce monde en dehors du monde qu’Esty a décidé de fuir, déterminée qu’elle est d’utiliser le droit à la nationalité allemande lui venant de sa mère pour tenter d’accéder à une existence encore inconnue – une vie où elle pourrait s’instruire et choisir son propre destin. Une destination: Berlin – à l’antithèse de ce qu’elle a connu jusqu’à présent, mais également une terre d’histoire particulièrement significative pour une jeune juive.

Malheureusement, avec l’arrivée dans la capitale allemande, les défauts de la série apparaissent. Car l’univers qu’Esty y découvre fleure bon la binarité et les excellents sentiments. Très vite, les planètes semblent toutes s’aligner: Esty rencontre Robert, un magnifique Allemand qui l’introduit à son groupe d’amis musiciens. Ils sont drôles, accueillants, d’horizons divers – une vraie brochure publicitaire pour leur Conservatoire.

Tout de même, Yael, une violoniste israélienne, se montre franche et directe – aussi bien en ce qui concerne les velléités d’Esty d’étudier la musique que les traumatismes du peuple juif. Netflix oblige, les dialogues et situations dépeintes ne sont pas toujours les plus subtils. Malgré tout, les acteurs parviennent à émouvoir, même lorsqu’on les sent lutter avec certaines répliques un peu lourdes. Et quand les scènes se font plus justes, leur talent se révèle alors avec une belle puissance.

Victimes d’un système qu’elles nourrissent

Shira Haas offre une interprétation qui force le respect, entre extrême vulnérabilité et grand courage. Ses immenses yeux rendus plus présents encore par sa chevelure rasée de près (une coupe imposée aux femmes hassidiques mariées, tenues de cacher leurs cheveux sous foulards ou perruques) nous font ressentir le moindre de ses émois.

Malgré les défauts d’„Unorthodox“, il est fascinant de s’immerger dans le quotidien d’une jeune femme hassidique. Structurée sur deux temporalités, la série navigue entre passé et présent par le biais de flashbacks, en colorant chaque moment de joie ou de liberté à Berlin d’une teinte plus sombre relative aux années Williamsburg.

Unorthodox | Bande-annonce principale VF | Netflix France

Une jeune femme en quête de liberté quitte sa communauté juive ultraorthodoxe de New York pour démarrer une nouvelle vie à Berlin. Mais alors qu’elle commenc…

Récit de la libération d’une femme, la série n’a pas peur de plonger dans les plus intimes de ses traumatismes: torture de rapports non désirés, menaces face à son incapacité à procréer – la seule mission qui lui octroie une infime valeur au sein de sa communauté. Chez les Satmar, les femmes sont certes les premières victimes et prisonnières, mais également les actrices d’un système qu’elles nourrissent et reproduisent.

Il faut voir avec quelle force le matriarcat fonctionne, au sein de ce patriarcat religieux (la scène du supermarché, où Esty est reléguée au rang de marchandise sur pattes). En cela, la fin ouverte sur laquelle se clôt la mini-série constitue un joli symbole. Bien qu’également un peu appuyée, elle rend un bel hommage (comme l’avait déjà fait l’excellent documentaire iranien „No Land’s Song“) à ces femmes qui ont bravé les interdits au péril de leur vie, pour faire entendre les voix féminines.

Les créatrices Alexa Karolinski et Anna Winger nous offrent ici une nouvelle interprétation des paroles du poignant et traditionnel chant yiddish Mi Bon Siach, qu’elles transforment en chant féministe et révolutionnaire: „Qui comprend le langage d’une rose parmi les épines …“