Mittwoch5. November 2025

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Escurial version 21e siècle

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C’est donc sous le chapiteau du Théâtre d’Esch qu’a eu lieu mercredi à Esch-Lallange la représentation de Escurial, pièce absurde de l’auteur belge Michel de Ghelderode (1898-1962) et dont Frédéric Frenay a signé la mise en scène d’une façon bien particulière.

Michel Ourth
 

Un palais espagnol quelque part au cours d’une nuit. Longs hurlements effroyables d’une meute de chiens désespérés à en avoir la chair de poule, accompagnés par une musique genre industriel, sombre, le genre qui sonne le glas. „Je sens mon âme se glacer“, dira le roi. D’ailleurs, durant la majeure partie de la pièce, les effets musicaux accentueront cette ambiance lugubre. Un roi cruel (Daniel Plier) et son bouffon nommé Folial (Lucas Bleger) occupent, pieds nus, cette scène poussiéreuse. Leurs vêtements ne sont que des haillons. De Ghelderode s’est sans doute inspiré du terrible roi d’Espagne Philippe II pour créer le caractère de son souverain, interprété majestueusement par Daniel Plier.

De coutume, la mission délicate du bouffon, incarné par un excellent Lucas Bleger, consiste à faire rire le roi, mais avec ce roi terrible la partie s’annonce vraiment difficile. Folial s’adonne à des singeries sans trop convaincre son souverain mais il y parviendra plus tard en se saisissant du rôle de celui-ci. C’est parti pour le théâtre dans le théâtre. Il importe de dire que le texte original de Escurial prévoyait deux personnages supplémentaires, le moine dont l’apparition n’était que furtive (au début et la fin) ainsi que le bourreau qu’on ne voyait pas du tout.

Or, dans la mise en scène de Frédéric Frenay les choses sont différentes. L’apparition du moine est remplacée par une projection vidéo qui montre le Christ cloué sur sa croix en train de parler au roi. Le moine-Christ essaye d’amadouer le souverain mais celui-ci lui jette, en guise de son mécontentement, de la poussière aux yeux ce qui donne une touche de comique de voir le Christ détourner son visage. Entretemps la folie de l’inversement des rôles bat son train, le roi, à présent conscient de son ridicule, veut rétablir la situation, mais le bouffon persiste dans son rôle de souverain.

„Gardez l’amour, rendez-moi la couronne“, dit Folial. Puis les rôles s’inversent une nouvelle fois. Le bouffon redevient bouffon.
Jouer, pendant 65 minutes, des personnages comme celui du roi et celui de Folial demandent une débauche d’énergie exceptionnelle, les deux acteurs sont en ébullition permanente, quasiment du début à la fin.

Aussi le metteur en scène a-t-il réussi à doubler la durée de la pièce en ajoutant les répliques inversées. On pousse l’impossible jusqu’au bout et c’est en plein milieu de ce délire que la chanson du film „The Meaning of Life“ des légendaires Monty Python vient couper cette ambiance serrée de plein fouet. Ce changement musical abrupt donne un air grotesque à la scène mais l’effet de surprise est réussi, et puis le sens de la chanson colle très bien avec le texte ghelderodien.

La farce continue

La farce continue. Le bouffon se prend à nouveau pour le roi, on ne sait plus à quel saint se vouer. Le moine-Christ annonce l’agonie de la reine. Curieusement aucun des personnages ne prononcera le mot de reine, à chaque fois il n’en sortira de la gorge qu’un étouffement, un Ahh, Ahh, Ahh.
Dans le texte original de Michel de Ghelderode la fin est toute proche, le bouffon se fait étrangler par le bourreau mais cette fois, grâce à l’addition des répliques inversées, l’histoire prend un autre cours.

Au fond du palais on aperçoit soudain, à travers la lumière signée Karim Saoudi, les vitraux multicolores d’une église. Un chant émouvant de femme, un chant paradisiaque, le public assiste au meurtre du roi par Folial, et de loin on entend les hurlements effroyables des chiens désespérés.

Théâtre d’Esch
Escurial
 Représentations: le 16, le 20 et le 21 avril à 20 h
au chapiteau du théâtre d’Esch, place de l’Exposition, Esch-Lallange
 Réservations:
Tél.: (+352) 540387
Tél.: (+352) 540916
www.theatre.esch.lu