Une poésie ambivalente

Thi Chi N’Guyen
 

Nina Mambourg collecte un grand nombre d’images, issus de différents supports, dont elle se sert ensuite lorsque se forme une idée en elle. Alors, elle fait appel à certaines de ces images qui lui évoquent un sentiment précis, comme la solitude par exemple. Ses tableaux sont donc le fruit de ce collage thématique effectué dans l’esprit de l’artiste, telle l’association d’idées, fameuse technique en psychanalyse.

Du collage mental à l’image onirique

La composition du tableau est très souvent identique. On y voit une femme sur un fond monochrome. La femme représentée est dénuée de mouvement, elle pose. Son regard neutre s’adresse directement au spectateur, sans provocation, ni exhibition. L’ensemble forme une image déconcertante et onirique, dénotant d’un univers en-dehors du réel.
En 2008, l’artiste disait qu’elle avait commencé à prendre comme modèles les femmes de son entourage, ses amies. Par ce geste, elle renversait le rapport traditionnel du peintre masculin à son modèle féminin, empreint d’érotisme ou tout de moins d’une altérité irréductible. En tant que femme peintre, Nina Mambourg neutralise ce regard: les femmes représentées sont un autre „je“. Elles évoquent dès lors des thématiques plus universelles.

Aujourd’hui, Nina Mambourg s’est affranchie du modèle vivant et, grâce à sa „technique de collage mental“, elle crée des portraits de femmes qui n’existent pas dans la réalité, des modèles primitifs, idéaux c’est-à-dire des archétypes au sens littéral du terme. L’ancrage dans la réalité toujours particulière et contingente n’est plus nécessaire à ses œuvres complexes et intemporelles.

Et dans la peinture en particulier

Pourtant, ses œuvres sont chargées de références à l’histoire de la peinture. L’artiste l’assume complètement et se sert avec brio de citations picturales. Depuis la naissance de son enfant, Nina Mambourg étudie de manière intensive beaucoup de livres de peinture.

Ceci a influencé son travail, principalement dans le traitement des thématiques. Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, l’artiste cite pêle-mêle Ingres, Velasquez ou Lucian Freud. Pourtant, il ne s’agit là nullement d’un travail de copie. Sa démarche artistique est aux antipodes de l’imitation du style d’un peintre admiré.
On ne peut s’empêcher d’admirer la virtuosité dans le traitement formel des œuvres exposées. Les aplats de couleurs monochromes sont très aboutis visuellement et paraissent être le produit d’une grande expérience et d’un long travail.

Des angoisses immémoriales

Même si son œuvre peut être qualifiée comme figurative, elle n’est pas réaliste (c’est-à-dire ancrée dans le réel), en effet elle fait appel aux ressources de notre inconscient pour en déchiffrer la signification possible. C’est à un jeu de déchiffrage similaire à celui de l’exercice de la psychanalyse auquel nous convie Nina Mambourg. Elle nous confronte à certaines angoisses immémoriales qui semblent resurgir de notre petite enfance, telle la peur de l’eau, élément insondable et dangereux ou le tragi-comique univers du cirque fascinant, mystérieux et effrayant. Même l’apparente neutralité de ses femmes est paradoxalement inquiétante.

Générant des sentiments complexes, ambivalents sans pour autant imposer une lecture unique, les tableaux de Nina Mambourg tendent vers l’économie de moyens et la sérénité comme en témoignent ses deux dernières pièces à l’entrée de la galerie.

Nina Mambourg
Galerie Clairefontaine I
Jusqu‘au 19 juin 2010
Ma-Di: 14.30-18.30 h
Sa: 10-12 h et 14-17 h
7, place de Clairefontaine
L-1341 Luxembourg
Tél.: (+352) 47 23 24
galerie-clairefontaine.lu