Mittwoch17. Dezember 2025

Demaart De Maart

FranceLa colère paysanne bloque de nouveau les routes françaises

France / La colère paysanne bloque de nouveau les routes françaises
La dermatose nodulaire se répand surtout au sud-ouest de la France, comme ici en Gironde, où les paysans bloquent l’autoroute près de Cestas Foto: AFP

La colère a commencé à monter depuis la fin de la semaine dernière chez les agriculteurs français, d’abord dans le Midi puis dans d’autres régions. En cause: la décision du gouvernement de faire abattre entièrement plusieurs troupeaux de vaches, comptant parfois plus de cent bêtes, au motif que certaines d’entre elles étaient contaminées par la redoutable dermatose nodulaire contagieuse.

Et cette colère est en train de se muer en une véritable mobilisation paysanne, qui menace de gagner peu à peu l’ensemble de l’Hexagone. Lequel renoue depuis hier avec des scènes auxquelles l’ont habitué depuis longtemps les bouffées de mécontentement des agriculteurs, d’autant plus qu’il ne s’agit plus seulement des éleveurs, mais aussi des représentants de bien d’autres activités fermières.

Naturellement, le ministère de l’Agriculture a aussitôt lancé une campagne de vaccination, d’abord très circonscrite puis aujourd’hui assez massive puisque dans un second temps, un million de vaches pourraient être traitées. Mais cette solution est insuffisante selon les experts vétérinaires, car le vaccin met environ trois semaines à agir – trois semaines pendant lesquelles les bêtes déjà porteuses du virus peuvent en contaminer, sans qu’on puisse le savoir, des centaines ou des milliers d’autres.

Le problème est que, si un certain nombre d’éleveurs reconnaissant la validité de ces informations, et donc de cette procédure (c’est en particulier le cas parmi la puissante FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), d’autres s’insurgent de plus en plus radicalement contre ce qu’ils considèrent comme le massacre inutile de leurs troupeaux, là où, pensent-ils, un abattage très sélectif suffirait. Ils appuient leur protestation sur des rapports publiés à l’étranger et allant dans ce sens. C’est notamment ce que font valoir, à peu près aux deux bouts de l’échiquier politique, deux autres formations syndicales du monde paysan: le Coordination rurale, que l’on dit proche du Rassemblement national, et la Confédération paysanne, proche, elle, de l’extrême gauche.

De sorte que manifestations, blocages d’autoroutes et de voies ferrées, et déchargements de fumier ou de lisier sur des préfectures vont bon train, dans une épaisse fumée de pneus brûlés. Le tout dans un vacarme de slogans que n’a pu faire taire, lundi soir, la visite sur un de ces sites de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, qui ne pouvait guère répondre à cette colère que par l’annonce de nouvelles vaccinations, car les autorités sanitaires françaises ne veulent prendre aucun risque.

„Sacrifier le steak français contre des Mercedes?“

Mais le gouvernement, qui s’est partiellement réuni hier matin autour de Sébastien Lecornu à Matignon pour procéder notamment à „une clarification et une accélération de la stratégie vaccinale qui doit davantage tenir compte de la réalité de chaque département“, a précisé l’entourage du premier ministre. Lequel doit recevoir dans les prochains jours l’ensemble des syndicats agricoles.

Cette crise vient en tout cas illustrer, après bien d’autres (la dernière date du printemps 2024), la difficulté de gérer les malaises que traverse le monde rural. D’autant plus que, toutes oppositions confondues, les oppositions ont souvent tendance à souffler sur les braises, et n’y manquent encore pas cette fois-ci, surtout à quelques mois des élections municipales. Certes, les éleveurs vont être indemnisés pour chaque vache abattue, à hauteur d’au moins 2.000 euros pièce pour les races les plus courantes. Ils font cependant valoir que même indemnisés, il leur faudra beaucoup de temps pour reconstituer l’intégralité de leurs troupeaux, outre que le fait de se retrouver du jour au lendemain avec des étables et des prés vides constitue aussi pour eux un véritable choc affectif.

Et comme si cela ne suffisait pas à la colère paysanne, la crise risque de s’envenimer encore avec la toute prochaine signature par l’Union européenne de son traité commercial avec le Mercosur. Sans doute, dans certains secteurs, les agriculteurs français devraient y gagner: dans la viticulture ou la production fromagère, par exemple.

Mais beaucoup d’autres s’exaspèrent de voir bientôt entrer librement en France des denrées dont la production ne respectera aucunement les règles européennes dont ils sont eux-mêmes accablés. „Faudra-t-il sacrifier le steak français pour que Mercedes puisse vendre ses berlines à l’Argentine?“, s’indignait hier un représentant des éleveurs en colère. Sans répondre à cette question, le président Macron a prudemment demandé à ses partenaires de reporter cette signature au mois de janvier.