13. November 2025 - 6.51 Uhr
Il y a 10 ansCe bain de sang du 13 novembre que les Français n’ont pas oublié
L’attaque terroriste de l’organisation Etat islamique allait se développer sur six lieux au total, la plus célèbre dans le music-hall du Bataclan, et le bilan total en serait très lourd: 130 morts dans un premier temps, et 413 blessés hospitalisés, dont 99 en situation d’extrême urgence.
Même si l’intervention très courageuse de la police, en particulier de sa brigade anti-attentats et de ses médecins urgentistes allait permettre de sauver de nombreuses vies, on dit encore simplement aujourd’hui en France, et tout particulièrement dans la capitale, pour évoquer ce terrible souvenir, „le 13 novembre“; un peu comme les Américains disent „le 11 septembre“ (2001).
Les deux événements ne sont certes pas de même ampleur numérique, et n’ont pas engendré les mêmes conséquences internationales; mais le traumatisme, toutes proportions gardées, reste aussi fort. Et ce n’est pas un hasard si l’on célèbre cet anniversaire durant toute la présente semaine, malgré la virulence du débat budgétaire actuel et la glorieuse concurrence, côté anniversaires patriotiques, du 11 novembre.
Cette triste célébration a donné lieu, dans les médias, à la publication de nombreux témoignages qui étaient restés inédits dans l’hébétude du choc qui a succédé à ce bain de sang. Certains mots reviennent en particulier dans la bouche des sauveteurs qui sont entrés les premiers dans l’enceinte du Bataclan, ou ont découvert, et tenté de ranimer, les corps gisant aux terrasses des cafés du quartier: „Un spectacle d’apocalypse“, „une atmosphère de fin du monde“. „Une bombe, ou quelques rafales, des morts et des blessés, on en a hélas l’habitude, c’est notre métier qui veut ça“, explique par exemple un commandant de police parmi les premiers sur les lieux; „mais là! Non, ça dépassait l’entendement, on évoluait sur une scène de guerre.“
Une guerre, oui
De fait, il aura sans doute fallu ce sombre 13 novembre pour que les Français prennent conscience qu’il s’agissait bel et bien d’une forme de guerre, de la part de ceux qui n’admettaient pas qu’un peuple puisse rester libre de faire la fête un soir aux terrasses des cafés, en buvant éventuellement de l’alcool et – horreur! – hommes et femmes confondus, cependant que d’autres allaient écouter, là aussi dans une scandaleuse mixité, de la musique mécréante.
Une guerre, oui. Et dont ce que l’on a pu apprendre depuis par les services de renseignement montre qu’elle n’est pas spontanément née par cette soirée d’automne annonçant le week-end. Mais il y aura fallu quatre années d’une enquête complexe et internationale, et un procès historique de plus de dix mois à Paris, celui de Salah Abdeslam, arrêté par la police belge dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean en mars de l’année suivant les attentats.
Il semble désormais certain qu’une année s’était écoulée entre la décision de l’Etat islamique, prise en Syrie, de frapper la France de cette tuerie de masse, et sa mise en œuvre. Il a alors fallu former des commandos et les infiltrer en Europe, avec l’appui de complices basés à Bruxelles, qui leur ont en outre fourni des caches et des armes. Personnage-clé de l’opération, toujours selon les enquêteurs: Abdelhamid Abaaoud, coordinateur des commandos et participant actif aux tueries des terrasses parisiennes.
Maëva, la compagne de Salah Abdeslam, qui avait déjà été incarcérée précédemment, a en outre été mise en examen par la justice française lundi dernier pour deux raisons: elle aurait conçu de son côté un nouveau projet d’attentat islamiste, et aurait en outre fait passer à son complice détenu une clé USB dont le contenu n’a pas encore été divulgué par la police. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’est d’ailleurs déclaré „abasourdi“ par la (bien facile, manifestement) circulation de téléphones portables, d’ordinateurs et de clés USB en prison, y compris celles de haute sécurité; et il s’est engagé, avant-hier à la télévision, à y mettre un terme.
Des conséquences politiques
Restent les conséquences du 13 novembre 2015 sur la politique intérieure française. Globalement, la terreur que comptaient instiller les tueurs islamistes dans la population ne s’est aucunement répandue: les deux suicides qui ont eu lieu après parmi les survivants ont été le fait de malheureuses personnes qui ne parvenaient plus à oublier de telles scènes, et y avoir peut-être perdu des êtres chers, non de Français terrorisés par l’avenir. Mais le rapport de l’opinion avec le monde islamique, à l’étranger et surtout dans l’Hexagone même, s’est inévitablement compliqué. Même si beaucoup de gens, et notamment de responsables politiques, se sont appliqués à souligner qu’il ne fallait surtout pas confondre terrorisme islamiste et pratique de l’islam, et immigration moins encore.
On ne saurait certes nier qu’en dix ans, une certaine propagande xénophobe a pu trouver des aliments dans la tragédie multiple du 13 novembre. Mais il serait simplet d’y voir le seul carburant de la nouvelle poussée du Rassemblement national. En fait, la barbarie déployée ce soir-là (et dans d’autres lieux et circonstances, comme le 14 juillet 2016 à Nice: 86 morts et 458 blessés), a fait le travail pour lui.
En se lançant dans la défense des Français musulmans – une défense absolument honorable, avant qu’elle ne se complète de celle du Hamas terroriste – mais aussi, hélas, dans une campagne de haine – elle, odieuse – contre les Français juifs, „La France insoumise“ de Jean-Luc Mélenchon a contribué à brouiller un peu la forte leçon que l’opinion avait pu tirer de la tragédie d’il y a dix ans.
Il n’empêche: si les Français ne savent pas toujours ce qu’ils veulent – et en ce moment moins que jamais, semble-t-il – ils savent du moins ce dont ils ne veulent pas. Et s’ils étaient tentés de l’oublier, ce qui s’est passé il y a dix ans aujourd’hui serait là pour le leur rappeler.
De Maart
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