Montag27. Oktober 2025

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Littérature du Luxembourg„LTZBG“ de Samuel Hamen, ou les fragments d’existence

Littérature du Luxembourg / „LTZBG“ de Samuel Hamen, ou les fragments d’existence
Samuel Hamen présente un recueil centré sur le Luxembourg où trois personnages voient leur quotidien basculer Photo: Editpress/Hervé Montaigu

Dans „LTZBG“, l’auteur Samuel Hamen explore la fragilité du quotidien luxembourgeois avec poésie et lucidité. Une lecture qui questionne, touche et transforme.

Samuel Hamen est né en 1988 à Luxembourg-ville. Il partage aujourd’hui son activité entre le Luxembourg et l’Allemagne (Heidelberg) où il a mené des études en lettres et histoire; il travaille comme écrivain indépendant, critique littéraire et chercheur en littérature. Auteur pluriel, Hamen publie en luxembourgeois et en allemand: il écrit de la prose, des nouvelles, de la poésie et des pièces de théâtre. Son premier livre collectif/solo „V wéi vreckt, w wéi Vitess“ (2018) a marqué ses débuts éditoriaux, suivis par le recueil „Zeeechen“ (2020) et des ouvrages en allemand tels que „Quallen: Ein Portrait“ (2022) et le roman „Wie die Fliegen“ (2023). Plus récemment, il a publié „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“, un recueil atypique centré sur le Luxembourg où trois personnages voient leur quotidien basculer, offrant chacun un regard poétique et lucide sur la fragilité de la vie et de la société luxembourgeoise.

Dans „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“, Samuel Hamen dresse, sous la forme de monologues, le portrait de trois personnes qui sortent de leur quotidien monotone au Luxembourg: un jeune parent âgé d’environ 35 ans qui, dans „Um Enn sinn“, se cache avec son enfant en porte-bébé dans un petit jardin à Hollerich et découvre la violence du mode de vie urbain. Un retraité d’environ 65 ans (dans „Vehement ginn“) ressent le passage du temps et, avec le courage du désespoir, prend d’assaut une zone industrielle. Enfin, dans „Genuch ze dinn“, une jeune entrepreneuse, âgée d’environ 35 ans, reste bloquée dans son food-truck à cause d’une averse et voit dans la vapeur de cuisson des Kniddelen la vérité plus clairement que jamais. La présentation sur le site des éditions Guy Binsfeld – „L’escalade peut survenir n’importe où, et c’est alors le moment de se poser des questions – sur son propre pays, qu’on ne comprend pas, et sur sa propre vie, qu’on comprend encore moins“ – condense plusieurs idées essentielles sur la fragilité du quotidien et la conscience individuelle.

Observations

Samuel Hamen, „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“, éditions Guy Binsfeld, 2025
Samuel Hamen, „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“, éditions Guy Binsfeld, 2025 Copyright: Editions Guy Binsfeld

Elle suggère que la rupture ou la crise peut apparaître de manière imprévisible, comme une montée progressive ou insidieuse qui débouche sur un point de basculement où l’on ne peut plus rester passif. L’expression „c’est alors le moment de se poser des questions“ souligne la fonction réflexive de cette crise: elle oblige à prendre du recul et à observer à la fois le monde et soi-même. L’opposition entre „son propre pays, qu’on ne comprend pas“ et „sa propre vie, qu’on comprend encore moins“ met en lumière l’opacité du quotidien et la difficulté encore plus grande de se comprendre soi-même. L’auteur invite donc à une introspection critique: le Luxembourg familier devient un terrain d’observation poétique et lucide, révélant la fragilité des certitudes et la complexité des existences, et transformant les moments de crise en occasions de réflexion profonde.

En outre, le sous-titre „Dräi eestëmmeg Geschichten“ („Trois histoires d’une seule voix“) peut se comprendre comme l’expression de l’unité profonde qui relie les trois personnages du livre. Malgré leurs parcours distincts – un jeune parent, un retraité et une entrepreneuse –, leurs monologues partagent une tonalité commune et un regard critique sur le Luxembourg contemporain, où solitude, fragilité et questionnements existentiels se croisent. L’unanimité n’est pas dans l’action mais dans la réflexion et l’introspection, créant une cohérence thématique autour de la confrontation au temps, à l’espace urbain et aux choix de vie. Sur le plan formel, le terme „eestëmmeg“ suggère également une harmonie narrative, une sorte de mélodie poétique où chaque voix participe à un ensemble qui dépasse la somme des histoires individuelles. Ainsi, Hamen semble vouloir montrer que derrière la diversité des expériences se dégage une conscience unique et collective, capable de brosser un portrait lucide et poétique de la société luxembourgeoise.

Fragmenter le réel, unir les voix

Les titres „Um Enn sinn“, „Vehement ginn“ et „Genuch ze dinn“ tracent une progression claire dans cet ouvrage. „Um Enn sinn“ évoque l’épuisement et la confrontation aux limites du quotidien, moments où la vie semble saturée et où l’individu doit faire face à lui-même. „Vehement ginn“ traduit la réaction, la force et l’intensité nouvelles que les personnages déploient pour s’affirmer ou réagir à leur situation. Enfin, „Genuch ze dinn“ marque un retour au concret et à la routine transformée, où chaque geste ou tâche prend un sens renouvelé. Ensemble, ces trois titres dessinent un parcours introspectif et psychologique: de la crise à la prise de conscience, puis à l’adaptation et à la réorganisation de la vie quotidienne. Ils mettent en lumière la tension entre rupture, réflexion et réengagement, au cœur de l’expérience humaine que Hamen explore.

La lecture est stimulante et invite constamment le lecteur à réfléchir à sa propre vie ainsi qu’à la manière dont nous percevons le monde qui nous entoure

Ainsi, dans „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“, Samuel Hamen réussit à capturer toute la complexité des émotions humaines à travers des récits apparemment simples, mais profondément réfléchis. Ce qui frappe d’emblée, c’est la singularité de son approche narrative et la richesse thématique de l’ensemble. Le titre, „Trois histoires d’une seule voix“, reflète parfaitement l’unité qui relie les trois personnages du recueil. Même si leurs parcours sont très différents, leurs monologues partagent la même tonalité et le même regard critique sur le Luxembourg contemporain. Cette unité thématique et stylistique montre que, malgré leurs différences, ces personnages vivent des expériences universelles, entre solitude, quête de sens et confrontation avec le quotidien.

Ce qui touche par ailleurs le lecteur, c’est la manière dont Hamen transforme des moments de crise en véritables occasions de réflexion. Les ruptures que traversent ses personnages ne sont pas seulement des points de basculement narratifs: elles obligent à prendre du recul et à observer à la fois le monde et soi-même. „LTZBG: Dräi eestëmmeg Geschichten“ dépasse largement le cadre national dans la mesure où ses thèmes résonnent bien au-delà du Luxembourg et touchent à l’universel. La lecture est stimulante et invite constamment le lecteur à réfléchir à sa propre vie ainsi qu’à la manière dont nous percevons le monde qui nous entoure.