21. Oktober 2025 - 9.28 Uhr
RockLast Train en concert ce mardi à la Kulturfabrik

Ils sont quatre comme les mousquetaires, Jean-Noël Scherrer, Julien Peultier, Timothée Gérard et Antoine Baschung; en ne faisant qu’un, ils répondent au prénom-nom de Last Train. Ce nom-là, par définition impossible à louper, ils le choisissent à l’adolescence, alors qu’ils ne sont pas dans un train qui filerait droit entre Mulhouse, leur ville d’origine, et n’importe quelle capitale électrique. Depuis, c’est devenu un serment tenu contre les vents, au point de symboliser une amitié qui, pour le coup, tient la route; des Smiths aux Libertines, on ne peut pas en dire autant de tous les groupes.
Dans le nom et dans le son, Last Train renvoient à cette urgence continue, mais aussi à cette conscience du temps qui passe très vite depuis les fenêtres du wagon comme des paysages insaisissables, mais ce n’est pas le rock d’un groupe pressé; la musique s’allonge („The Big Picture“), se gorge de souffle pour, quelques riffs après, mieux exploser. Sans faire de lecture aléatoire, „This Is Me Trying“ contient une intro qui dévore la chanson et, au-delà du fracas, le groupe part en ballades („How Does It Feel?“); les morceaux s’étendent, balayés par des rafales de guitare, il y a la montée, la suspension, la descente, mais a priori point de terminus. Classic ou post rock, orage psychédélique ou éclaircies pop, le chaos vire minimaliste; c’est bien le dernier train, mais de la première fois: „On a envie de garder de la spontanéité et de la simplicité, mais ça demande du travail, parce qu’aujourd’hui on est rapidement amené à tomber dans les pièges de la surproduction et dans la tentation d’empiler les couches, ce qui détourne du propos principal, alors que moins tu en mets et plus tu t’approches de la sincérité.“
Ce qu’il y a de plus beau, c’est de voir les artistes performer. Même au-delà d’Internet, quand on n’est pas en tournée pour nos lives, on passe un temps fou dans les salles de concerts.
Pour cimenter ou disloquer les compositions, la voix vibre tantôt aiguë tantôt grave et frénétique, sur „All Alone“ ou sur „I Only Bet On Myself“, à s’en déchirer les cordes ou les tripes, cette voix qui, d’une station à une autre, bascule sans jamais prévenir de la caresse à la morsure – la pochette de „III“ (2025) montre les dents. Pogo solo: les instruments dessinent des bleus et la voix des suçons.
La bande originale d’une amitié
Si le rock est un moyen de transport alors il se regarde souvent dans le rétro; il n’y a qu’à voir la pochette du premier LP de nos hommes, „Weathering“ (2017), une captation live en noir et blanc, la sobriété esthétique en déséquilibre avec l’ivresse de la scène. Jean-Noël: „On ne fait pas cette musique parce que c’est marginal, mais on sait qu’on ne joue pas dans la même cour que le rap, la pop ou l’électro, et là où le lien se crée, c’est pendant les concerts; pour nous comme pour le public, il y a un attrait certain pour le caractère libérateur du rock.“ Mais alors, dans le cas de Last Train, il s’agit de défricher de nouveaux horizons sonores ou alors, pour reprendre un de leurs morceaux, juste de faire des „Golden Songs“? Sinon, de jouer pour la beauté du geste (le pogo, ad lib), via des „Between Wounds“ et autres „Cold Fever“? Car, à part les influences d’albums, la source d’inspiration du groupe, c’est la sueur – les prestations scéniques. Depuis le début du siècle, il est évidemment possible de visionner des lives, assis, depuis chez soi, jusqu’à plus soif; il ne s’agit pas que d’écouter, mais aussi de voir. Tout. Et plus encore. „Ce qu’il y a de plus beau, c’est de voir les artistes performer. Même au-delà d’Internet, quand on n’est pas en tournée pour nos lives, on passe un temps fou dans les salles de concerts.“ Et le groupe lui-même de jouer tant dans une petite salle à Madrid que dans deux Zénith; le train en fait des kilomètres.

Une chanson s’intitule „Tired Since 1994“. 1994, c’est l’année de naissance des quatre potes, c’est aussi celle de la sortie de „Grace“ de Jeff Buckley, du „Definitely Maybe“ d’Oasis, mais aussi celle de la disparition de Kurt Cobain. A écouter leurs albums, il y a de quoi se demander parfois s’ils ne sont pas nostalgiques des nineties ou de ce qu’on a appelé en début de siècle, avec le succès des Black Rebel Motorcycle Club, The Kills, The White Stripes ou The Strokes, le „retour du rock“. „Il n’y a pas de nostalgie, plutôt une admiration; ce sont des années qui nous ont bercé. On avait quinze ans, on a été de bons clients de ces groupes, BRMC, Strokes, Arctic Monkeys. C’est génial que ça ait existé au même titre que les années 1960 ou 1970; on faisait le croisement entre le classic rock et nos contemporains – j’ajoute Wolfmother ou Parlor Mob; la réutilisation des codes seventies avec une production plus moderne, années 2000, ça nous faisait vriller les oreilles.“
Pour citer d’autres repères 1990-2000, le tourbillon électrique à la fin de leur „This Is Me Trying“ fait un peu un écho lointain à la deuxième partie „NYC“ d’Interpol; l’intonation dans „Never Seen The Light“ renverrait au grillage de câble du „Not Yet“ de The Veils, alors que sur „Sunday Morning Son“, le piano lourd de „Blank Page“ des Smashing Pumpkins laisserait la place à une envolée à la „Bitter Sweet Symphony“ de The Verve. Aussi, en 2024, Last Train sortent „Original Motion Picture Soundtrack“, une bande-son rêvée, puisqu’ils intègrent dans leur imaginaire jukebox les compositions pour le cinéma. Et si le groupe devait réaliser la sienne, de b.o, voire … son propre long-métrage? Jean-Noël: „Ça fait quinze ans que je fais de la musique avec mes meilleurs amis, et qu’avec eux, alors un film sur Last Train porterait forcément sur l’amitié; ça serait intense.“ C’est clair et net: en plus de composer des chansons, Last Train écrit une amitié, la sienne, sur chaque scène. Ce soir encore à la Kulturfabrik.
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