Les regards, et même, bien souvent, les accusations. Un tout récent sondage montrait d’ailleurs que les électeurs étaient trois fois plus nombreux à rendre responsable de la crise le chef de l’Etat que celui du gouvernement. Avec un reproche lancinant: avoir cru pouvoir „clarifier“ la situation politique française en dissolvant l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, alors que le scrutin qui s’est ensuivi, loin de faire naître une nouvelle majorité, a au contraire fracturé l’Assemblée nationale comme jamais sous la Ve République.
Curieusement, ce constat, dont la crise présente est la conséquence directe au-delà de la controverse sur le „plan Bayrou“ destiné à redresser les finances publiques, ne dissuade pas pour autant plusieurs partis, et un grand nombre d’électeurs, 69% pour être précis, de demander à M. Macron de prononcer à nouveau la dissolution de l’Assemblée – puisqu’il en a maintenant le droit, plus d’un an s’étant écoulé depuis la dernière.
Les sondages sur d’éventuelles intentions de vote vont déjà bon train, et placent tous le Rassemblement national de Jordan Bardella et Marine Le Pen largement en tête, avec au minimum 31% des voix (et environ 5% pour le reste de l’extrême droite). Le RN s’imposerait particulièrement chez les ouvriers et employés (44-45%), mais aussi parmi les retraités (29%). A gauche, l’union apparaît déterminante: dans ce cas, l’alliance des partis recueillerait 23,5% des intentions de vote, mais si la gauche se présente divisée, une alliance entre socialistes, communistes et Verts atteindrait 16,5%, devançant nettement La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, créditée de seulement 10%. Quant au camp présidentiel, il reculerait encore: Ensemble est donné à 13,5-14%, seuls quelque 57% de ses électeurs de 2024 lui restant fidèles, une part significative se tournant vers la gauche ou la droite modérée, parmi laquelle LR, de son côté, plafonne à 10,5%.
„Je remplirai mon mandat jusqu’au bout“
C’est dire que tous les partis, tant s’en faut, n’ont pas le même intérêt à une dissolution. Et de toute façon, Emmanuel Macron a clairement indiqué, voici deux semaines dans Paris-Match, qu’il n’en voulait pas. „On a actuellement un Parlement qui reflète les fractures du pays, c’est aux responsables politiques de savoir travailler ensemble“, a-t-il dit. Quitte, pour le locataire de l’Elysée, à souligner tout de même officieusement, à destination des plus remuants membres de sa „majorité“, LR en particulier, que de nouvelles législatives favoriseraient l’extrême droite et l’extrême gauche et achèveraient de réduire leurs propres troupes, les centristes risquant même une quasi-disparition.
Il est vrai que dans l’opposition, même ceux pour qui les sondages ne se montrent guère optimistes réclament la dissolution de l’Assemblée. Mais en fait, c’est moins dans l’espoir de bénéficier tout de même d’une bien aléatoire redistribution des cartes que dans celui de contraindre à la démission un Emmanuel Macron qui, face à une même division des élus, serait toujours aussi incapable de nommer un gouvernement durable disposant d’une majorité solide.
Démissionner? Le président de la République écarte pourtant radicalement cette hypothèse, sur le thème: „J’ai reçu un mandat du peuple français, je le remplirai jusqu’au bout.“ Une fermeté qui rappelle un peu le „quoi qu’il en coûte“ par lequel il avait, au début de la crise du Covid, ouvert grandes les vannes des crédits d’Etat, ce qui n’allait d’ailleurs pas peu contribuer à plomber les finances publiques, parmi d’autres facteurs.
Rester, mais avec quel gouvernement?
Mais demeurer à toute force à l’Elysée, avec quel gouvernement? La gauche, particulièrement le PS et le Rassemblement national, qui se comportent depuis les législatives de 2024 comme si l’une ou l’autre les avaient gagnées, s’affirment prêts dès maintenant pour Matignon. Quant à LFI, elle assure qu’elle ne soutiendra que son propre gouvernement. Le problème étant, de toute façon, qu’aucune de ces trois forces ne disposerait au Palais-Bourbon de la majorité qui fait actuellement défaut aux macronistes. Lesquels avancent tout de même, sans conviction, quelques noms de „premiers ministrables“ possibles parmi les membres actuels du gouvernement. Ainsi le veut cette forme de tripartisme actuel qui ne veut pas entendre parler de dialogue et de coalition.
En attendant lundi prochain, François Bayrou ne veut manifestement pas, lui, s’avouer vaincu, alors même que son nom est en train de disparaître des discours et des éditoriaux de la presse française. Il est vrai que son visage, lui, ne disparaît pas des écrans: l’encore premier ministre se livre à la télévision, de chaîne en chaîne – et encore hier soir sur quatre d’entre elles! – à son réquisitoire désormais traditionnel contre la dérive des finances de la France, et l’aveuglement qu’il prête à ceux qui ne veulent même pas lui reconnaître la nécessité d’y remédier.
Sans qu’il mesure toujours bien, semble-t-il, que son discours aurait sans doute davantage convaincu s’il avait commencé par ce diagnostic plutôt que par le train de mesures qu’il préconisait pour y remédier … alors qu’il a fait exactement l’inverse cet été.
Macron a toujours su à s'entourer de personnes qui font la besogne pour lui, sans que lui se salisse les mains. Borne, Attal, Barnier et maintenant Bayrou.
Il est grand temps qui cette petite personne aux grands mots, ayant des traits napolièn, quitte son poste.