Donnerstag6. November 2025

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FranceSuicide politique ou opération de la dernière chance? Le probable ‚après-Bayrou’ ouvre déjà les spéculations

France / Suicide politique ou opération de la dernière chance? Le probable ‚après-Bayrou’ ouvre déjà les spéculations
La déclaration de François Bayrou a suscité de très nombreuses réactions Photo: AFP/Dimitar Dilkoff

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L’annonce faite lundi après-midi par François Bayrou selon laquelle il allait engager le 8 septembre prochain la responsabilité de son gouvernement devant le Parlement (voir Tageblatt d’hier) sur une déclaration réaffirmant la nécessité de réduire fortement la dette publique a suscité de très nombreuses réactions. Accompagnées le plus souvent d’une grande incertitude sur les suites qui pourront être données à ce qui semble attendre le premier ministre: un échec, qui lui imposera de démissionner.

Qu’a cherché le locataire de Matignon en lançant ainsi un fort périlleux quitte ou double – avec beaucoup plus de risques de devoir quitter son poste que de chances de doubler sa mise? Deux analyses au moins se partageaient mardi l’essentiel des commentaires, cependant que la Bourse de Paris accusait une baisse sensible.

Pour les uns, le premier ministre, se voyant de plus en plus menacé d’une motion de censure au moment du vote du budget, et plongé par les sondages dans des abîmes d’impopularité, aura préféré, plutôt que de traîner encore quelques semaines de crise en crise (puisque se profile aussi celle du „Bloquons tout“ programmé à partir du 10 septembre, avec le soutien de La France Insoumise et la connivence plus molle du PS), sortir du malaise par le haut en opérant ce qui ressemble fort à un suicide politique. Avec si possible un certain panache „à la Mendès France“, ce président de gauche du Conseil de la IVe République que le „système“ allait broyer en 1955 après un court exercice du pouvoir, mais qui a laissé le souvenir d’un homme d’Etat intègre et courageux.

Cette hypothèse d’un suicide politique de Bayrou s’appuie en tout cas sur les déclarations immédiates de l’opposition, dont toutes les formations, de l’extrême droite à l’extrême gauche, on aussitôt annoncé qu’elles lui refuseraient la confiance le 8 septembre à l’Assemblée. Ce qui était extrêmement prévisible, et que le chef du gouvernement ne pouvait donc pas ignorer lorsqu’il a fait son annonce lundi.

„Je vais me battre comme un chien“

D’autres se demandent tout de même si ce dernier ne veut pas encore croire, contre vents et marées, que dans les quelques jours qui le séparent de l’échéance qu’il a lui-même fixée, il saura trouver les mots qui convaincront les plus modérés de ses adversaires qu’à tout prendre, il vaut mieux ne pas le renverser avant la discussion budgétaire, surtout sur une question aussi grave que la nécessité de faire sortir la France de la spirale infernale de la dette. Puisque, après tout, c’est là-dessus, et non sur le contenu du „plan Bayrou“, très controversé en effet, que portera le vote du 8 septembre. Le problème étant que le premier ministre n’a plus d’adversaires „modérés“: il a réussi à faire fuir vers la sphère radicale des socialistes qui lui avaient pourtant sauvé la mise voici quelques mois, et qu’il n’a jamais consultés depuis.

Mais M. Bayrou, qui s’exprimait hier devant l’université d’été de la CFDT, première centrale syndicale de France, est revenu à la charge: „Les députés ont 13 jours pour choisir entre le chaos et la responsabilité“, a-t-il déclaré, et „il s’agit d’un moment de bascule, alors que nous imaginions révolu (…) le monde des rapports de force militaire, financier, commercial, ou de la domination par les réseaux“.

Et dans l’hebdomadaire L’Express, le premier ministre explique qu’il n’a pas „choisi cette voie du vote de confiance, mais simplement conclu qu’il n’y en avait pas d’autre.“ Avant d’ajouter: „Les Français se sont relevés de deux guerres mondiales, on sortira de cette situation-là. Mais je me battrai comme un chien!“ C’est vraiment ce qu’on appelle ne pas en démordre.

Vers une nouvelle dissolution?

Reste, quelque analyse que l’on fasse de la posture tactique du premier ministre, la question de la suite immédiate des opérations. Lepénistes et mélenchonistes réclament de concert une nouvelle dissolution de l’Assemblée, à laquelle M. Macron pourrait tout à fait procéder constitutionnellement puisque la précédente date de plus d’un an. Mais le chef de l’Etat passe pour hostile à une telle initiative de sa part, ce que l’on comprend aisément en se souvenant des résultats désastreux de la précédente, dont il avait pourtant promis une „clarification“ de la vie publique française, et qui a au contraire fragmenté le Palais-Bourbon comme jamais sous la Ve République. Résultats dont ne diffèreraient pas forcément beaucoup, en outre, ceux d’une nouvelle consultation dans le climat actuel.

Mais si le gouvernement Bayrou est contraint de démissionner le soir du 8 septembre, cela signifie qu’il n’y aura plus d’autorité centrale autre que celle de l’Elysée pour affronter la tentative de blocage de la France à partir du 10, et préparer les échéances parlementaires et budgétaires urgentes. Théoriquement du moins, car M. Macron pourra toujours, soit nommer aussitôt un nouveau premier ministre – le troisième depuis la dissolution de l’été dernier, et à qui il faudra donc souhaiter bon courage… – soit charger l’équipe battue d’assurer la gestion des affaires courantes. Une pratique très courante sous les IIIe et IVe Républiques, chroniquement instables, mais dont le retour sous la Ve aurait de quoi faire se retourner dans sa tombe le général de Gaulle.

D’ores et déjà, Jean-Luc Mélenchon, jamais en panne d’idées susceptibles de créer le chaos, en souffle une autre: si Bayrou est battu, Macron aussi doit démissionner; non sans, bien sûr, organiser au passage de nouvelles élections législatives. Toujours sur fond de possible blocage de la France par le mouvement, manifestement issu d’une partie de l’ultra droite mais à l’assise aujourd’hui bien élargie vers la gauche, et qui s’est donné pour objectif d’y parvenir dans deux semaines pour une durée indéterminée.

L’été dernier, le président Macron avait réussi à semer dans la classe politique française un rare désordre avec sa dissolution perdue. Avec sa question de confiance à très haut risque, celui qui est encore son premier ministre pourrait bien, sur ce point au moins, et tout aussi involontairement sans doute, suivre sa trace.