Freitag19. Dezember 2025

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FranceLes sombres perspectives de rentrée privent le premier ministre de vacances

France / Les sombres perspectives de rentrée privent le premier ministre de vacances
Le premier ministre français, François Bayrou, explique sa politique sur sa chaîne YouTube „FB Direct“ Photo: Thomas Samson/AFP

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Le mois d’août est traditionnellement, sur le front de la politique intérieure française, une période creuse, quelle que soit l’agitation régnant sur la scène internationale. Cette année ne ferait pas exception à la règle, si un responsable de l’action publique au moins, en l’occurrence François Bayrou, ne s’appliquait avec obstination à conjurer les périls qui planent sur sa rentrée de septembre.

Au point qu’aux vieux amateurs de romans français, l’été du premier ministre pourrait rappeler le titre d’un lointain opus de Gilbert Cesbron: „Tout dort et je veille.“ M. Bayrou, en effet, s’évertue à convaincre, mais aussi à préparer une suite que tout annonce fort hasardeuse, dans une évidente solitude. Ses ministres sont, pour la plupart, en vacances (même s’ils ont en général pris soin de ne pas quitter l’Hexagone, pour le cas où les devoirs de leur charge les rappelleraient brusquement à Paris).

Quant au président Macron, il coule des jours sans doute studieux, mais discrets, au fort de Brégançon, résidence officielle d’été pour l’hôte de l’Elysée, d’où proviennent de loin en loin quelques phrases sur la situation à Gaza, ou quelques conseils de gros bon sens face aux feux de forêts qui ravagent le littoral méditerranéen.

Très clairement, l’obsession du chef du gouvernement est d’abord parlementaire, avec le risque qu’une nouvelle motion de censure, dès la rentrée des députés, soit déposée, puis votée, contre son plan de redressement des finances publiques, un plan dont peu de gens contestent la nécessité globale mais dont, à en croire le dernier sondage sur le sujet, quelque 72% des Français contestent les modalités concrètes. Ce qui ne saurait inciter les élus à l’indulgence. Et cela d’autant plus que, désormais, tant le PS que le RN pourraient voter cette censure, en tout cas si les mesures annoncées par M. Bayrou ne sont pas sérieusement atténuées.

Une intervention sur YouTube

Du caractère majeur de cette préoccupation de Matignon, on aura eu une illustration évidente avec, mardi, une intervention du premier ministre sur YouTube, inaugurant une série d’épisodes explicatifs qui devrait se poursuivre sous le titre général de „FB Direct“ (FB pour François Bayrou, bien sûr), et qui lui a d’ailleurs donné l’occasion de souligner que si „tous les responsables politiques partent en vacances, bien méritées, je ne ferai pas“. Le voici donc en directeur de la communication du gouvernement, avec pour ambition de défendre auprès de l’opinion les orientations du budget 2026 qu’il avait présentées le 15 juillet.

Avec ses 44 milliards d’euros d’économies, comportant notamment une „année blanche“ pour toutes les prestations sociales, la suppression de deux jours fériés et de l’abattement de 10% sur le revenu imposable des retraités. Un plan dont il a redit qu’il s’agissait du seul moyen de sortir, à terme, du „surendettement, ce mal qui menace notre survie même, et qui finira par exiger d’importants sacrifices si rien n’est fait pour l’endiguer“.

Cette première tentative n’a manifestement pas convaincu les oppositions de gauche et d’extrême droite, pour lesquelles il s’agit surtout d’une tentative pour infantiliser et culpabiliser les Français. Et le député mélenchoniste Antoine Léaument d’ajouter: „Si vous vous voulez vraiment échanger avec nous, et pas juste nous sermonner, alors pensez à ouvrir les commentaires sur YouTube!“ On verra si de prochaines interventions du même genre sont mieux reçues; ce n’est pas, pour le moins, acquis d’avance.

„Bloquons tout!“

Mais les soucis du premier ministre dans la perspective de la rentrée ne sont pas exclusivement d’ordre parlementaire. Depuis ses annonces concernant son plan de redressement, un mouvement d’opinion s’est dessiné, qui se propose de „bloquer tout“ en France le 10 septembre, sur un ton qui rappelle celui du mouvement des Gilets jaunes de fin 2018 à 2020, dont le souvenir est d’ailleurs évoqué avec insistance par les organisateurs. „À partir du 10 septembre 2025, nous entrons en arrêt total et illimité“, peut-on lire dans une de leurs déclarations publiques. „Nous ne payons plus, ne consommons plus, ne travaillons plus, gardons nos enfants avec nous. Notre seul pouvoir est le boycott total, nos trois slogans sont: boycott, désobéissance et solidarité.“ Il est encore trop tôt pour mesurer l’importance réelle de cette contestation radicale, et pour l’instant plus bavarde qu’effective, mais qui n’en constitue pas moins pour François Bayrou une raison supplémentaire de s’inquiéter de la rentrée.

A quoi s’ajoutent les divisions croissantes au sein de son gouvernement. Des divisions qui doivent en partie à des divergences d’analyses, sur le plan économique et social, sur la sécurité, la justice ou l’immigration. Mais plus que tout, sans doute, à l’approche de l’élection présidentielle du printemps 2027, en vue de laquelle les appétits s’aiguisent et les esprits s’échauffent. Même si, pourtant, les prétendants les plus en vue, au sein de la majorité relative, à commencer par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et son collègue de la Justice Gérald Darmanin, sans parler de François Bayrou lui-même, se gardent encore d’annoncer clairement leurs intentions.

Déjà privé de majorité à l’Assemblée nationale, le premier ministre semble même l’être désormais au sein de son propre gouvernement, ou peu s’en faut, en tout cas parmi ses „poids lourds“. Sans que, pour autant, le chef de l’Etat lui apporte le soutien sur lequel il aurait pu compter. On comprend décidément que M. Bayrou ait fait, cette année, une croix sur ses vacances.