Le premier ministre François Bayrou a ainsi dénoncé „un jour sombre“ qui aura vu l’Europe „se résoudre à la soumission“. Les Etats-Unis, a estimé le ministre délégué à l’Europe Benjamin Haddad, „font le choix de la coercition économique et du mépris complet des règles de l’OMC“. Et les différentes oppositions se sont montrées tout aussi virulentes. Jean-Luc Mélenchon, au nom de La France Insoumise, a déploré que „tout ait été cédé à Trump: le libéralisme, la concurrence libre et non faussée et autres règles du traité de Lisbonne ne sont plus qu’une mauvaise blague“. D’autres, dans son parti, dénoncent „l’accord de la honte“.
Pour l’eurodéputé socialiste Pierre Jouvet, on assiste à une „vassalisation“ de l’Europe. Même rejet pour Marine Le Pen, qui parle de „fiasco politique, économique et moral“ et de „capitulation en rase campagne pour l’industrie française, et pour notre souveraineté énergétique et militaire“. Quant à l’ancien premier ministre Dominique de Villepin, il a choisi de rebaptiser le dimanche 27 juillet „jour de la déclaration de dépendance européenne“, par opposition, bien sûr, au jour de la déclaration d’indépendance américaine.
Dans ce concert de critiques, le silence observé par le président Macron aura été, paradoxalement, assourdissant. Il aura en fait fallu attendre le conseil des ministres d’hier pour qu’il s’exprime personnellement sur le sujet, en des termes relativement plus modérés que la plupart de ses ministres et en tout cas du premier d’entre eux. „Pour être libres, il faut être craints; or nous n’avons pas été assez craints“, a-t-il déclaré. Ajoutant: „La France a toujours tenu une position de fermeté et d’exigence. Elle continuera de le faire. Ce n’est pas la fin de l’histoire, et nous n’en resterons pas là.“
La France a toujours tenu une position de fermeté et d’exigence. Elle continuera de le faire. Ce n’est pas la fin de l’histoire, et nous n’en resterons pas là.
C’est d’ailleurs là une hypothèse, celle selon laquelle, en réalité, les négociations vont continuer et que le dernier mot n’est pas dit, que plusieurs voix gouvernementales se sont employées à évoquer avec insistance. Même si la façon dont Donald Trump a aussitôt célébré son incontestable victoire sur les Européens laisse tout de même assez peu de chance à ces derniers de le faire revenir sur son diktat. C’est le cas par exemple du ministre des Finances, de l’Economie et de l’Industrie Eric Lombard, qui a réuni aussitôt après le conseil une brochette de ses collègues, de responsables économiques et de hauts fonctionnaires pour faire le point, et tenter d’insuffler un peu d’espoir à des industriels dont certains craignent d’être très durement touchés – et leurs sous-traitants plus encore.
Il est vrai que M. Lombard aura pu faire valoir que le premier secteur d’exportations français vers les Etats-Unis, à savoir l’industrie aéronautique, va bénéficier d’une exemption totale des nouvelles taxes américaines. Plus marginale dans les exportations françaises (4% du total), l’industrie automobile voit carrément les taxes américaines abaissées de 27,5% à 15%. PSA, Renault et leurs équipementiers bénéficient donc d’un allègement substantiel.
Pas encore la catastrophe, mais…
On ne saurait en dire autant du secteur des cosmétiques: LVMH, Hermès et L’Oréal (au total environ 2,5 milliards d’euros annuels d’exportations outre-Atlantique) vont subir uniformément les 15% fatidiques décidés par Trump. Il est vrai que la clientèle américaine la plus aisée ne s’arrêtera sans doute pas à la hausse des tarifs de ces produits français de prestige. Quant à l’industrie pharmaceutique, Sanofi conserve très temporairement son exemption actuelle de taxation, mais une enquête de „sécurité nationale“ est en cours aux Etats-Unis, à l’issue de laquelle il n’est pas exclu que des droits de douane de 15% viennent également frapper le groupe. S’agissant des vins et alcools français, enfin, l’incertitude reste grande: c’est le seul grand domaine où les négociations – laborieuses, dit-on – soient encore en cours, étant entendu que tout peut encore arriver aussi pour différents autres produits agro-alimentaires de l’Hexagone.
C’est dire que pour les secteurs-phares des exportations françaises à destination des Etats-Unis, on n’en est pas encore à la catastrophe que prédisent un certain nombre d’industriels et d’économistes. Mais une crainte plus globale subsiste: celle de voir les foucades économiques du président américain générer une crise mondiale, y compris dans son propre pays qui devrait entrer avec ces hausses douanières dans une période inflationniste. Cependant qu’en Europe, et notamment en France, la reprise serait cassée. Surtout si l’Europe s’engage aussi – mais c’est à vérifier – à investir pour 600 milliards de dollars dans l’industrie et les services d’outre-Atlantique. Quant à l’ordre d’acheter aux Etats-Unis pour 750 milliards de dollars d’énergie fossile, il achève de réduire à néant la politique européenne, malheureusement déjà en perte de vitesse côté français, en faveur de la planète.
Et puis il y a aussi, voire surtout, chez les supporters français de la construction européenne, au-delà de tous ces comptes et recomptes, le profond malaise créé par le spectacle d’un locataire de la Maison-Blanche dictant ses ordres à la plus haute représentante de l’UE. „Allez encore dire aux Britanniques, après cela, que leur Brexit les a bêtement privés de la puissance européenne, alors qu’avec 10% de taxes douanières ils s’en sortent mieux que nous face à Trump!“, se désolait hier un eurodéputé centriste. Non sans noter aussi que cette „capitulation“ fera le bonheur des anti-européens.
De Maart
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