Juillet 2025. Au milieu de l’une des crises les plus profondes de l’histoire contemporaine de l’Iran, la question de l’avenir du pays et de la possibilité de changement est devenue plus urgente que jamais. Je reviens sur le chemin parcouru. Je pense à mes amis encore emprisonnés. Aux 120.000 âmes courageuses qui ont donné leur vie pour la liberté que nous n’avons pas encore obtenue. Je me souviens d’avoir touché les murs de la cellule d’isolement, ne sachant pas si j’en sortirais un jour vivant …
Aujourd’hui, nous sommes à un tournant historique.
La République islamique est devenue une source d’instabilité internationale, mue par une série de crises concomitantes, de son programme nucléaire en progression à sa répression interne brutale et ses interventions destructrices dans la région. Les approches précédentes de la communauté internationale se sont principalement appuyées sur deux voies: l’apaisement et les tentatives de trouver des „modérés“ au sein du régime ou la menace d’une intervention militaire. Pourtant, quatre décennies d’expérience ont prouvé l’échec des deux chemins.
Je n’oublierai jamais le moment où, depuis l’intérieur de la prison d’Evin, j’ai vu à la télévision les images des dirigeants occidentaux serrant la main de Javad Zarif — le visage policé mais trompeur du régime — après la signature du JCPOA. Nous étions là, emprisonnés par ce même régime, tandis que le monde fermait les yeux sur notre existence. Comme si nous n’existions pas. Les dirigeants mondiaux ont normalisé un régime qui prospère grâce à la torture, à l’exécution et à la répression, le légitimant par un accord qui n’a apporté ni paix ni sécurité. Quel en a été le résultat? La déception mondiale, l’intensification de l’enrichissement d’uranium et des milliards de dollars détournés vers le Corps des Gardiens de la Révolution et les forces supplétives du régime à travers la région. Pendant ce temps, en Iran, nous nous sommes appauvris, opprimés et isolés de jour en jour.
Ces poignées de main et cette politique d’apaisement ont engendré la guerre que nous avons aujourd’hui sous les yeux.
La „Troisième voie“
Il y a plus de vingt ans, le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) a proposé une troisième voie: ni guerre, ni apaisement, mais changement par le peuple iranien et sa résistance organisée. Cette „Troisième voie“ repose sur la force historique, sociale et organisationnelle du peuple iranien. A la suite de la récente guerre de douze jours, cette force est apparue plus clairement que jamais.
Après le cessez-le-feu, la question cruciale demeure: la guerre est-elle terminée? En tant que personne ayant passé cinq ans dans les prisons du régime, je dis que la véritable guerre oppose le régime au peuple iranien, et qu’elle se poursuivra jusqu’à la chute du régime et l’établissement d’une république démocratique. Le régime ne craint pas les bombes étrangères, il craint la jeunesse qui, malgré la répression et les exécutions massives, rejoint la lutte et décide d’œuvrer à sa chute. Surtout maintenant, après cette guerre, il est clair qu’aucune guerre extérieure ne renversera ce régime.
Nous avons combattu en Iran. Nous n’avons demandé ni armes ni argent … Seulement que l’on ne confère aucune légitimité ni aucun soutien à ce régime. Il est comme un arbre rongé par les termites, dont les racines mises à nu ne sont maintenues qu’au moyen de cordes attachées par des gouvernements étrangers.
Deux faux récits
Aujourd’hui, dans son état le plus faible, le régime iranien et ses lobbyistes occidentaux propagent deux faux récits pour empêcher le changement: d’abord, que le régime est invincible et que tout changement mènerait au chaos; ensuite, que le renversement du régime plongerait l’Iran dans le même destin que l’Irak ou la Libye. Par conséquent, ils avancent qu’il n’existe aucune alternative et qu’il faut privilégier un engagement avec le régime plutôt qu’avec l’opposition. Or, la réalité de l’Iran contredit ce discours.
L’histoire iranienne montre qu’à la différence de pays comme l’Irak, la Libye ou la Syrie, l’Iran jouit d’une cohésion nationale, culturelle et sociale profonde. Depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, l’Iran n’a jamais été colonisé et, malgré sa diversité ethnique et religieuse, son tissu social est demeuré intact. Des groupes ethniques comme les Kurdes et les Azéris font partie intégrante de la nation et, contrairement à leurs homologues ailleurs, n’ont pas cherché la sécession. Les minorités religieuses — sunnites, bahaïs et autres — ont coexisté avec la majorité chiite pendant des siècles, formant une mosaïque historique unique.
En revanche, pendant plus de quatre décennies, le régime au pouvoir a tenté de détruire cette cohésion par la répression, la division et l’exportation du fondamentalisme. Aujourd’hui, le régime a perdu sa légitimité politique et religieuse. Même ses bases traditionnelles — clergé et bazar — ne le soutiennent plus. Une économie effondrée, une corruption systémique et les sanctions internationales ont poussé le peuple au bord de l’explosion.
Détermination à changer
Depuis décembre 2017, plusieurs soulèvements nationaux ont montré la détermination de la société iranienne à changer. Femmes et jeunes ont conduit ces protestations. Rien qu’en 2024, plus de 3.000 manifestations ont été recensées dans tous les secteurs — enseignants, retraités, ouvriers et étudiants. Mais la seule envie de changement ne suffit pas. Ce qui distingue l’Iran, c’est la présence d’une force organisée et expérimentée, prête à mener cette transformation: le CNRI.
Le CNRI fut le premier à révéler les sites nucléaires secrets de l’Iran et ses intentions de fabriquer une bombe atomique en 2003. Depuis, il a fait plus de 100 révélations sur les activités nucléaires du régime. La résistance a construit non seulement un vaste réseau à l’intérieur du pays, mais a aussi obtenu une légitimité internationale sans précédent. Le plan en dix points du CNRI — qui appelle à une république laïque, à l’abolition de la peine de mort, à l’égalité des sexes et aux droits des minorités — a été approuvé par plus de 4.000 parlementaires, des dizaines d’anciens chefs d’Etat et des centaines d’institutions internationales.
Les unités de résistance, branche de terrain du CNRI à l’intérieur de l’Iran, ont mené plus de 3.000 opérations contre des centres de répression du régime l’année dernière, en plus de milliers d’actions symboliques telles que l’affichage d’images de dirigeants de la résistance et des graffitis de protestation. Ces actions ont profondément affaibli le régime tant sur le plan psychologique que sécuritaire.
Au niveau régional, le régime a perdu ses atouts stratégiques majeurs: la mort de Nasrallah et l’affaiblissement du Hezbollah au Liban, les revers militaires des Houthis au Yémen, la pression sur les milices en Irak et la chute d’Assad en Syrie ont détruit sa profondeur stratégique.

Dans de telles circonstances, persévérer dans l’apaisement ou recourir à la guerre ne ferait que prolonger la crise. La Troisième voie — changement par le peuple iranien et sa résistance organisée — est la seule voie réaliste, pratique et légitime pour parvenir à la liberté, à la démocratie et à une paix durable en Iran et dans la région. Cette voie n’exige ni intervention militaire étrangère, ni fonds ou armes étrangères: elle repose sur le sacrifice et l’organisation d’un peuple qui, depuis 46 ans, a payé le prix de la liberté de sa vie.
Aujourd’hui, plus que jamais, cette Troisième voie n’est pas seulement possible — elle est essentielle.
De Maart
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