Les témoignages des ONG, mais aussi d’Israéliens, de Palestiniens sont glaçants. Gaza est anéantie et sous peu il n’y aura plus rien à protéger. C’est un choix politique et militaire du gouvernement israélien de détruire la vie de pauvres gens qui sont nés au mauvais moment au mauvais endroit. Je pars du principe que la toute grande majorité de ces personnes n’ont rien avoir à faire avec les terroristes du Hamas, avec le terrible attentat du 7 octobre 2023 et le fait que de nombreux otages israéliens n’ont pas encore été libérés.
Ce texte est ma réaction au sentiment d’impuissance que je ressens et qui m’habite quand je vois cette violence. Je suis fatigué devant tant de haine. Nous sommes beaucoup à l’être. Je me défends contre la tentation du silence. Je ne veux pas détourner mon regard, comme il m’arrive de vouloir le faire. Comment ne pas ressentir de la compassion pour toutes les victimes, quelles qu’elles soient, et de la colère face aux auteurs de tant de barbaries. Il m’arrive d’imaginer de quoi sera fait l’avenir pour les Palestiniens et les Israéliens. Un monde de personnes porteurs de handicaps, envahies de douleurs et traumatisées psychologiquement par les actes qu’ils ont commis ou subis, par les conséquences des deuils qu’ils ont vécus. Personne n’en sortira gagnant.
J’ai lu et écouté dans différents organes de presse les propos de notre ministre des Affaires étrangères lors d’une conférence de presse. J’ai lu le rapport de la réunion qu’il a eue à la Commission des Affaires étrangères à la Chambre des députés et tout récemment j’ai écouté le débat en plénière dans cette même enceinte avec le premier ministre.
Manque de courage et de détermination
Il me faut citer Abraham Lincoln qui une fois avait dit que „parfois, il vaut mieux donner l’impression d’être incompétent en se taisant plutôt que de parler pour dissiper définitivement les derniers doutes à ce sujet“. Je remplacerai „être incompétent“ par „manquer d’engagement“. S’il est des silences qui sont assourdissants, il est des propos qui expriment un manque de courage et de détermination: les deux sont honteux. J’entends qu’il nous faut attendre! Attendre quoi? Et combien de temps est-il déjà passé à attendre. Le Luxembourg fait partie des pays qui n’ont toujours pas reconnu la Palestine, alors que 159 pays l’ont déjà fait. Et quelle est la responsabilité des gouvernements précédents?
Ce pays qui est le mien s’engage sur de nombreux plans pour le respect des droits humains même si j’estime que c’est insuffisant. Mais il donne ici une image méprisable en matière de politique étrangère et de respect du droit international. En italien, il existe un proverbe, „tante chiacchere, niente fatti“, qui veut dire: „Beaucoup de bavardages, pas de faits.“ Monsieur Sergio Mattarella, le président de la République Italienne, était en visite officielle dans notre pays il y a peu. J’ai lu les propos qu’il a tenus lors de la fête nationale italienne du 2 juin au Quirinal, en présence de la présidente du Conseil des ministres, du ministre des Affaires étrangères italien et du corps diplomatique accrédité en Italie.
Sans le nommer, il a épinglé le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et son gouvernement les accusant de ne pas respecter le droit humanitaire international. Il a parlé des attaques sanguinaires et inhumaines du 7 octobre 2023. Je partage son point de vue que les manifestations de plus en plus fréquentes et virulentes d’antisémitisme, toujours présentes, sont aussi les conséquences des semences de rancœur et de souffrance qui sont disséminées par le gouvernement israélien. „Il est inhumain d’affamer un peuple“, a-t-il martelé et a demandé à l’armée israélienne d’autoriser enfin l’accès à l’aide humanitaire, permettant aux organisations internationales d’opérer dans la bande de Gaza. Il a fait un vibrant appel au cessez-le-feu et au respect du droit international. Évoquant les colonies israéliennes qui s’implantent en Cisjordanie et qui érodent les territoires attribués à l’autorité palestinienne, il a souligné que „les Palestiniens ont le droit de vivre chez eux à l’intérieur de frontières sûres“. La reconnaissance de la Palestine et la sécurité d’Israël sont intimement liées.
Je doute que son passage au Luxembourg ait modifié de quelque façon que ce soit l’attitude du gouvernement luxembourgeois. Les papotages avec des effets de manches, les stratégies avancées par notre ministre des Affaires étrangères sont en l’état actuel de la poudre de perlimpinpin et en fin de compte rien d’autre que l’expression d’une grande froideur face aux drames en cours, un manque de courage et une invitation à l’indifférence: elles noient le sens des droits humains qui risquent de fil en aiguille de s’épuiser. Cela m’est insupportable. Sur les réseaux sociaux qui souvent prennent la forme d’une déchèterie verbale, il m’arrive de lire des propos insultants, d’une méchanceté et bêtise inimaginables et puis il y a aussi ceux et celles qui débattent pour clarifier s’il y a un génocide qui est en cours.
„La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime“
On attribue à Kurt Tucholsky cette phrase qui dit que la mort d’une personne est un drame et celle d’un million une statistique. Moi je m’intéresse à Ismaël et Nour, à Arielle et David. Aux bébés auxquels on a dû amputer les jambes, à la mère et au père qui ont perdu leurs enfants, aux vieillards ensevelis sous les décombres, à ceux et celles qui meurent de faim ou sont pris en otages. En fin de compte les agresseurs se ressemblent tous dans leur inhumanité.
J’ai eu la chance, lors d’une conférence qui avait lieu à Sienne en Italie il y a de nombreuses années, d’entendre Elie Wiesel et Rita Levi-Montalcini, une figure emblématique du féminisme, et tous les deux ardents défenseurs des droits humains. Il était question de l’Holocauste, du devoir de mémoire et de la paix. Cela m’avait beaucoup touché. Dans le discours qu’Elie Wiesel a tenu le 10 décembre 1986 lorsqu’il a reçu le prix Nobel de la Paix, il disait qu’il s’était „juré de ne jamais se taire quand des êtres humains endurent la souffrance et l’humiliation où que ce soit“. Et encore: „Nous devons toujours prendre parti. La neutralité aide l’oppresseur, jamais la victime. Le silence encourage le persécuteur, jamais le persécuté.“ Le comité Nobel avait déclaré que M. Wiesel était un messager de l’humanité, qu’il portait un message de paix …

„Petits“, des nains comme nous le sommes, nous devrions imaginer monter sur les épaules de géants comme le furent Elie Wiesel, Rita Levi-Montalcini ou l’est Sergio Mattarella pour garder nos convictions, faire entendre notre voix, protéger notre courage. Et il est d’autres géants, des femmes, comme des hommes, qui sont à même de nous inspirer. J’en connais beaucoup. J’estime que la Déclaration universelle des droits humains est le carrefour des rêves de l’humanité pour créer plus de justice et faire de la dignité humaine de tout être humain la pierre angulaire de notre vivre-ensemble au niveau planétaire. Cette dignité n’est pas négociable. Et la patrie de nos valeurs, c’est la planète.
Alors Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre des Affaires étrangères (et aussi de l’action humanitaire!), je n’attends rien de moins que vous contestiez par des faits que j’ai tort dans les critiques que je vous adresse. Je ne vous en demande pas plus. Arrêtez d’attendre. „Se non ora quando“ – si „ce n’est pas maintenant, ce sera quand“?
De Maart
Bravo a l auteur de ce forum.
Mit seinem hervorragenden Artikel triff Gilbert Pregno wahrscheinlich den derzeitigen Gemütszustand ganz vieler Mitmenschen passgenau. Ich, für meine Teil ,möchte mich jedenfalls mit seinen Überlegungen, welche ich absolut teile, solidarisieren.