Né en 1999 à Luxembourg, Antoine Pohu fait partie des nouvelles figures prometteuses de la littérature d’expression française. Également engagé dans les domaines du théâtre et de la critique, il développe une œuvre à la croisée de l’intime et du social, souvent nourrie de sa formation en histoire et en arts du spectacle à Bruxelles. Ses romans explorent les territoires du désir, de la solitude, de l’identité et de la mémoire, avec une sensibilité marquée pour les questionnements contemporains de la jeunesse. Il interroge notamment les marges intérieures, ces zones floues où l’on cherche à se dire, à se reconnaître.
La littérature de Pohu
Dans „La Quête“ (éditions Op der Lay, 2020), Antoine Pohu propose un récit aux accents de conte initiatique, où un jeune écrivain en devenir entreprend une double exploration: celle du monde et de lui-même. En revenant dans l’orphelinat de son enfance – un lieu empreint de mémoire et de résonances symboliques – il part sur les traces d’une énigmatique figure, la Bête. Ce retour aux origines devient le point de départ d’un voyage intérieur, où se mêlent réflexion sur l’existence et interrogation sur la puissance de l’écriture. „Parfois la nuit se tait“ (Capybarabooks, 2023) est un roman au rythme feutré dans lequel l’auteur suit le parcours de Daniel, un jeune pianiste de jazz qui explore Bruxelles à la faveur de la nuit.
Le monde nous éclate autour des oreilles, mais on y fait face, avec toute notre force, tous nos rires, toute notre joie. Avec tous nos désirs.
A travers ses errances urbaines, entre lieux intimes et scènes musicales, se dessine une quête intérieure, faite de doutes, de rencontres incertaines et de silences. La ville, avec ses contrastes et ses replis, devient un miroir de l’état d’âme du narrateur, tiraillé entre le besoin d’ancrage et le désir de fuite. Le style de Pohu se distingue par sa musicalité discrète et son attention aux détails, à l’image du jazz que joue Daniel. Il donne à lire une nuit intérieure, peuplée de sensations diffuses, de pensées non dites, de relations fragmentées. Loin d’un récit linéaire, „Parfois la nuit se tait“ propose une forme ouverte, où la narration épouse les mouvements du doute, de la rêverie, de la mémoire.
Un monde en mutation
Dans „Après nos désirs“, Max et Alessa, deux jeunes adultes sur le point de terminer leurs études, se retrouvent à un carrefour de leur existence. Ils sont confrontés à un monde en mutation, où les repères traditionnels semblent vaciller. Leur relation, à la fois amoureuse et amicale, devient un espace d’expérimentation et de réflexion sur leurs désirs, leurs aspirations et leurs angoisses existentielles.
Le premier chapitre, à la fois symptomatique et programmatique, début in medias res, par une scène intimiste au cours de laquelle le lecteur fait la connaissance – selon le procédé classique de l’exposition – du „je“ narrateur (Max) en train de lire et de penser à Alessa, qui rentre de soirée, à Bruxelles, sentant „l’alcool, les cigarettes et l’amour“.

Dans ce récit, l’auteur met en scène une atmosphère festive qui joue un rôle central dans la dynamique du texte. Cette ambiance de fête, omniprésente ou évoquée avec insistance, ne se réduit pas à un simple décor joyeux: elle agit comme un révélateur des désirs, des tensions, mais aussi des illusions des personnages. L’atmosphère festive se traduit d’abord par des éléments concrets: musique, lumières, rires, corps en mouvement. Elle évoque un espace de liberté, de transgression et de relâchement où les conventions sociales semblent suspendues. Dans cet espace, les protagonistes se livrent plus facilement à leurs envies, à leurs pulsions, ce qui confère à la fête une dimension quasi cathartique. Les barrières tombent, les identités vacillent, et le désir – thématique centrale du roman – s’exprime sans filtre.
Un certain nombre d’auteurs personnages interviennent dans ce roman, tels que Violette et Raph, compagnons de fête et de route, de déambulations, d’excès et de tranches d’existence faisant plonger les protagonistes dans les méandres de l’être et le lecteur dans les ondulations métaphysiques et comportementales d’un groupe de jeunes gens dévorant la vie et dévorés par elle. Nous assistons ainsi au „miroir qui crée des démultiplications“ permettant au narrateur de s’inventer une double vie qu’il compartimente, comme un appartement haussmannien.
Loin du désespoir
Ce roman n’est pas un récit spectaculaire, mais du presque rien, du très humain, qui s’attache aux fêlures discrètes. Pohu excelle à rendre cette densité des choses simples: un regard, une nuit d’attente, une parole manquée. „Après nos désirs“ est un roman à la fois intime et universel, qui interroge avec finesse le désir, l’identité, la solitude et la possibilité d’être au monde sans se perdre. L’auteur y déploie une écriture sensible, qui touche juste sans jamais forcer l’émotion. C’est une œuvre de silence et d’échos, qui résonne longtemps après la dernière page.
Par ailleurs, „Après nos désirs“ est un roman générationnel, sans jamais tomber dans le manifeste. Il parle d’une jeunesse qui doute, qui tâtonne, qui cherche à aimer sans mode d’emploi. On y sent une difficulté à s’ancrer, à s’attacher, à être pleinement là. Les relations sont souvent éphémères, les corps se croisent sans toujours se rencontrer vraiment. Mais loin du désespoir, le roman ouvre aussi à une forme de tendresse désabusée, un regard lucide sur le temps qui passe et sur les cicatrices qui nous façonnent.
De Maart
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