Avec elle, la politique et la musique incarnent deux formes d’expressions qui se complètent: les réflexions se juxtaposent aux émotions. Accompagnée par Michel Meis, Arthur Possing, Laurent Payfert et Sveinung Nygaard, Lisa Yasko joue ce dimanche au De Gudde Wëllen. Plus encore qu’un live, l’événement est présenté comme „une déclaration de diplomatie culturelle“. Interview musique et politique.
Tageblatt: Avant d’être membre du parlement ukrainien, vous avez été au département du numérique, de la culture, des médias et des sports et, avec Yellow Blue Strategy, vous avez organisé des événements culturels. La culture a toujours été fondamentale dans votre parcours politique.
Lisa Yasko: J’ai toujours vu la culture et l’art en tant que stratégie d’influences, plus globalement comme du „soft power“. L’art raconte des histoires, mais permet aussi, dans un même mouvement, de créer des liens entre les gens, tout en les reliant eux-mêmes à certaines valeurs ou à leur environnement. J’ai produit des films, j’ai travaillé sur des dossiers, et je souhaite mêler les sujets que j’ai abordés à la politique, car je pense que c’est une façon de donner une dimension humaine à ces thématiques, et de ne pas les ramener strictement à des personnages politiques, qui peuvent parfois être perçus comme toxiques. Tout est en connexion avec mes convictions. À travers l’art, il s’agit aussi bien de guérir des plaies personnelles que de m’ouvrir au monde, en transcendant des faits en rapport avec mon pays et avec l’Europe.
Vous avez notamment produit le documentaire „Crimea: Russia’s Dark Secret“. La culture peut-elle, selon vous, sauver le monde?
Je pense que la culture peut faire beaucoup pour sauver le monde. Elle ne se suffit toutefois pas à elle-même. Et c’est par ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu m’engager en politique. Le principe de combiner les arts et la politique peut alors aboutir à un plus grand changement.
Avant d’être un homme d’État, Tony Blair a été le leader du groupe Ugly Rumours, et Bill Clinton quant à lui joue du saxophone, mais il est tout de même rare que des politiciens fassent de la musique.
En effet. Moi-même je me considère davantage comme une narratrice.
Quel genre de musique écoutez-vous?
En réalité, je n’écoute pas beaucoup de musique. Il y a des chansons qui sont essentielles pour moi, c’est sûr… Appréciant la musique qui raconte des histoires, je mentionnerais le music-hall, en tant que genre. En matière de rock: Queen, Scorpions, Coldplay. Actuellement, l’une de mes chanteuses préférées, c’est Loreen, la Suédoise qui a gagné l’Eurovision en 2023 avec „Tattoo“, une chanson sur l’intensité de l’amour. Je pourrais même ajouter le jazz ou le folk, en ayant une préférence pour les fusions de genres, car j’aime les hybridations.

À travers des exemples tels que le disco ou la house, deux genres importants dans l’émancipation LGBT+, la musique est politique.
Même si je n’écoute pas forcément de house ou de disco, je cautionne ces propos. Et puis c’est très bon pour la démocratie qu’il y ait une diversité des genres musicaux.
Même si des groupes de metal comme Nokturnal Mortum ou une DJ comme Miss Monique ont une notoriété hors de leurs frontières, la musique ukrainienne s’exporte peu. Vous avez créé la start-up Kyiv Music Labs pour aider à sa diffusion: c’est, pourrait-on dire, un acte politique pour la musique, non?
D’une certaine manière, oui. J’ai fondé ce média afin de promouvoir des jeunes artistes, de différents genres, et le média a coïncidé avec la Révolution de la Dignité. D’un côté, il y avait les événements politiques, et de l’autre, un boom artistique. Il me semblait important de le soutenir, donc qu’il y ait une plateforme pour que ces voix soient entendues.
Une bonne partie de votre répertoire est en ukrainien. Que racontez-vous dans vos textes?
Il y a aussi des textes en anglais. Dans „My Soil“, je parle d’une femme qui apporte la lumière, parce qu’il n’y en a plus; c’est symbolique, par rapport à la situation en Ukraine, parce que beaucoup de personnes n’ont pas d’électricité. C’est une vision optimiste du lendemain. Au De Gudde Wëllen, je vais interpréter une chanson sous le nom de „Flowers“ qui, elle, porte sur la signification que l’on peut donner aux fleurs.
En tant que femme politique, vous avez l’habitude d’être sur scène, mais ce n’est pas le même exercice que pour un concert. Entre parler et chanter, qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous?
La musique est plus difficile, parce que je dois lâcher prise. C’est de l’émotion. En politique, vous pouvez vous contrôler, alors qu’en faisant de la musique, vous vous montrez plus vulnérable. Et en politique, ce n’est pas très bon de révéler ses failles; c’est à partir de là que votre adversaire peut plus facilement vous attaquer.
À quoi ressemblera votre live au De Gudde Wëllen?
Il y aura des histoires sur l’Ukraine, l’Europe, la liberté ou la Révolution, mais aussi la question de savoir pourquoi il est important de protéger notre futur. Les morceaux possèdent une tonalité triste et ils peuvent être reliés à différents aspects de l’Ukraine, tels que des faits historiques, mais le tout est traité sur un mode personnel.
Vous serez accompagnée par Michel Meis, Arthur Possing, Laurent Payfert et Sveinung Nygaard.
Oui, je suis très heureuse de participer à ce projet.
Justement, en tant que cheffe du groupe parlementaire multipartite nommé „Ukraine heureuse“, êtes-vous heureuse?
C’est une bonne question. Je pense que c’est délicat de parler de bonheur en ces temps difficiles. En général, je me sens bien, je ne passe pas à côté des opportunités qui me permettent de faire ce que je veux et comme je le veux. Je suis néanmoins en mode survie. Il faut faire attention à tout. La guerre est en cours et ce n’est pas de tout repos. Je compte sur la musique pour m’aider à me rapprocher d’un état de sérénité.
De Maart
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