Dans la langue de Shakespeare, l’expression „brain rot“ est défini en ces termes: „The supposed deterioration of a person’s mental or intellectual state, especially viewed as the result of overconsumption of material (now particularly online content) considered to be trivial or unchallenging“, ce qui désigne, en d’autres termes, la détérioration supposée de l’état mental ou intellectuel d’une personne, considérée surtout comme le résultat d’une surconsommation de matériel (essentiellement numérique de nos jours) considéré comme trivial ou non stimulant.
En effet, le premier emploi enregistré de ,brain rot‘ a été trouvé en 1854 dans le livre intitulé ,Walden‘ d’Henry David Thoreau. Il relate ses expériences de vie simple dans le monde naturel.
Les experts de l’OUP ont relevé le fait que la fréquence d’utilisation de ce terme, qui n’est cependant pas nouveau, a augmenté de 230 pour cent entre 2023 et 2024. En effet, le premier emploi enregistré de „brain rot“ a été trouvé en 1854 dans le livre intitulé „Walden“ d’Henry David Thoreau. Il relate ses expériences de vie simple dans le monde naturel. Dans ses conclusions, l’auteur critique la tendance de la société à dévaloriser les idées complexes, ou celles qui peuvent être interprétées de multiples façons, au profit des idées simples, et considère que cela témoigne d’un déclin général de l’effort mental et intellectuel.
Producteur d’une boucle dopaminergique, le „brain rot“ est le résultat de la prise d’une véritable drogue administrée sciemment par les géants de la tech, qui mettent par ailleurs leurs enfants dans des écoles sans numérique, sachant qu’il est le lieu de cette prise de drogue légale – ce qui constituera un jour un scandale dépassant celui de l’amiante et du tabac. Par ailleurs, ce pourrissement cérébral n’est pas sans lien avec l’impact négatif que l’on observe sur la culture et la démocratie, qui demandent du temps, du recul, des efforts et de l’esprit critique. Allons-nous réellement vivre les mêmes mésaventures que les héros de la comédie satirique et de science-fiction „Idiocracy“ (réalisée par Mike Judge et sortie en 2006)?
Binge-watching
Cette détérioration de l’état mental dû à une surconsommation de vidéos et de contenus sur les réseaux sociaux dont la qualité – si tant est qu’on puisse employer ce terme – est moindre, voire nulle. Le pourrissement du cerveau – terme saisissant si on le rapproche de l’image de la décomposition des corps, est la résultante du phénomène connu sous le nom de „binge-watching“ (expression qu’on pourrait traduire en français par „visionnage boulimique“), c’est-à-dire d’une consommation effrénée et ininterrompue entre autres de séquences vidéo courtes („shorts“). Le binge-watching est sans aucun doute devenu, pour le public contemporain, un moyen courant et divertissant de consommer des contenus médiatiques, tels que des séries télévisées.
Ce phénomène, fréquent depuis une douzaine d’années, est similaire à des addictions comportementales telles que celle liée aux jeux vidéo, à internet ou l’utilisation excessive (donc problématique) des médias sociaux. Ce comportement très immersif procure une gratification immédiate et peut donc conduire à une perte de contrôle de soi et au fait de passer beaucoup plus de temps – à regarder des séries télévisées ou à enchaîner le visionnage de contenus – que ce que la personne souhaitait à l’origine. Les recherches menées sur les conséquences négatives y afférentes montrent le lien entre ce type d’activité sédentaire et la négligence au travail ou dans les relations sociales, le manque de sommeil, la procrastination au coucher, le surpoids ou l’augmentation de la consommation d’aliments malsains, ce à quoi s’ajoute la baisse des performances en milieu scolaire.
L’expression „brain rot“ a pris une nouvelle signification à l’ère numérique, en particulier au cours de l’année 2024. Ayant dans un premier temps gagné du terrain sur les plateformes de médias sociaux – en particulier sur TikTok parmi les communautés de la génération Z et de la génération Alpha – le pourrissement du cerveau est désormais plus largement utilisé, notamment dans le journalisme traditionnel, dans un contexte de préoccupations sociétales quant à l’impact négatif de la surconsommation de contenu en ligne.
„Brain rot“, qu’on utilise pour décrire à la fois la cause et l’effet de ce phénomène, se réfère au contenu de faible qualité et de faible valeur que l’on trouve sur les médias sociaux et sur l’internet (et donc sur la culture virale qu’il véhicule) ainsi qu’à l’impact négatif que la consommation de ce type de contenu peut avoir tant sur un individu que sur l’ensemble de la société.
„Brain rot“ vs Neuralink?
En termes que l’on peut raisonnablement qualifier de propagandistes, la start-up „Neuralink“ (avec à sa tête Elon Musk) se fixe comme projet civilisationnel, pour les décennies à venir, de créer une interface cérébrale généralisée pour rendre leur autonomie aux personnes dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits aujourd’hui et libérer le potentiel humain demain. Quel danger un tel projet présente-t-il?
Notamment que la fusion de l’intelligence humaine et de l’intelligence artificielle voulue par Musk serait autant une artificialisation de l’humain qu’une humanisation de la machine. A cela s’ajoutent d’autres risques tels que ceux liés aux questions portant sur la protection de la vie privée et à la sécurité des données. En effet, les implants cérébraux de Neuralink collecteraient une quantité importante de données sur l’activité cérébrale d’un individu. Cela soulève des questions quant à l’accès à ces données et à leur protection. Par ailleurs, s’agissant de potentielles inégalités sociales, si les implants Neuralink deviennent largement utilisés et bénéfiques, il existe un risque de créer des inégalités d’accès à la technologie fondées sur le prix.

Le cerveau humain abrite environ 86 milliards de neurones, des cellules nerveuses reliées entre elles par des synapses. Ainsi, chaque fois que nous voulons bouger, sentir ou penser, une minuscule impulsion électrique est générée et envoyée incroyablement rapidement d’un neurone à l’autre. Si l’on met Neuralink en regard du phénomène de „brain rot“, l’on est en droit de se demander comment mettre raisonnablement en perspective ce qui semble être aporétique, comment croire à „un avenir radieux“, pour reprendre le titre du dernier roman de Pierre Lemaitre? En effet, comment imaginer que, d’un côté, l’on „pourrisse“ un cerveau que, de l’autre, l’on veut par ailleurs améliorer / contrôler par l’implantation cérébrale de puces (avec comme dommage collatéral la fin du libre arbitre?)?
Aujourd’hui, une conversation plus large et plus sérieuse sur l’impact négatif potentiel d’une consommation excessive de ce contenu sur la santé mentale, en particulier chez les enfants et les jeunes, prend de l’ampleur. Au début de l’année 2024, un centre de santé mentale aux Etats-Unis a même publié des conseils en ligne sur la façon de reconnaître et d’éviter le „pourrissement du cerveau“. Serions-nous face à un serpent qui se mord la queue numérico-neuronale?
De Maart
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