Sonntag21. Dezember 2025

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ForumWhen the levee breaks: Pourquoi le calcul politique de Friedrich Merz fait très froid au dos

Forum / When the levee breaks: Pourquoi le calcul politique de Friedrich Merz fait très froid au dos
 Photo: dpa/Kay Nietfeld

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Le vote de mercredi 29 janvier 2025 au Bundestag allemand, qui a vu l’AfD d’extrême droite s’allier au CDU/CSU de Friedrich Merz pour approuver une résolution approuvant une approche plus dure dans la politique migratoire, a été dénoncé à juste titre comme un appel de phare de la droite classique à l’égard de l’extrême droite néo-fasciste de l’AfD avant les toutes proches élections au Bundestag. Le choc est d’autant plus grand que cette ouverture se produit en Allemagne au lendemain du 80e anniversaire de la découverte de l’horreur concentrationnaire d’Auschwitz. Les réactions outre-Rhin sont donc, de manière compréhensible, vives, et il faut espérer que cette brèche inouïe dans la „Brandmauer“ contre l’extrême droite, ouverte par le CDU, sera sanctionnée dans les urnes.

Il ne s’agit cependant, malheureusement, que d’un exemple de plus de la droite classique abandonnant la doctrine du „cordon sanitaire“ pour s’aménager des options d’alliance avec l’extrême droite. Le philosophe Michel Feher analyse dans un entretien à Esprit (Octobre 2024) qu’en France, „sur le fond, il n’y a déjà plus guère d’obstacles à un programme commun: on l’a vu, le RN s’est délesté de ses mesures sociales et, en qualifiant la gauche d’immigrationniste, le chef de l’Etat a signifié que le temps des digues était révolu“. Ailleurs en Europe aussi, constate Michel Feher „l’union des droites, c’est très tendance (…): l’Italie, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas, mais aussi l’Espagne – certes dans l’opposition et dans les régions – montrent déjà la voie“.

On peut ajouter à ce tableau sombre la composition et le style de la nouvelle Commission européenne, avec la nomination d’un vice-président exécutif issu du parti néo-fasciste italien, une forme d’autoritarisme présidentiel et un discours ouvertement hostile à l’immigration, avec la remise au goût du jour de centres de déportation dans des pays tiers. Le reflet de cette inflexion du PPE au sein de l’exécutif de l’UE est son alliance opportuniste, au Parlement européen, avec les fractions de l’extrême droite pour affaiblir ou vider les politiques de migration, environnementales ou sociales européennes.

Un virage ultra-droitier

Ce mouvement réactionnaire a été amplifié et accéléré par l’élection de Donald Trump et par la politisation des oligarches de la tech, au premier plan desquels figure Elon Musk, qui finance et supporte les partis et politiciens néo-fascistes partout dans le monde – dernier exemple en date l’Allemagne, où Musk soutient activement Alice Weidel et son AfD – tout en s’efforçant par ailleurs à saboter les gouvernements progressistes, comme en Grande-Bretagne, où il „trolle“ Keir Starmer depuis l’été.

La vitesse à laquelle ce virage ultra-droitier a été pris donne le vertige, tout autant que les mesures déjà décidées ou annoncées aux Etats-Unis, qui préfigurent ce qui peut suivre ailleurs en cas d’accession au pouvoir des affidés de Trump: dénonciation de l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, relance des énergies fossiles, gel de l’aide au développement, décision immédiate d’expulsion d’immigrés illégaux, éviction de hauts responsables jugés non alignés à Trump dans de nombreuses agences fédérales, annonce de coupes massives dans la fonction publique américaine, baisses d’impôts pour les plus riches et pour les entreprises, dénonciation de l’accord international sur l’imposition minimale des multinationales. Economiquement, le modèle est celui de la déréglementation, couplé à un protectionnisme accru dans le commerce international, et l’instauration de tarifs sur les produits émanant même des régions jusque-là considérées comme „amies“: l’Europe, le Canada, le Mexique.

De manière très préoccupante, ces dirigeants aux programmes fascisants et anti-sociaux, qui s’attaquent en outre aux libertés publiques, à l’indépendance des juges et à la presse libre, ont électoralement le vent en poupe, comme en témoignent les succès de Milei en Argentine, Trump aux Etats-Unis, Meloni en Italie, Kickl en Autriche, Orban en Hongrie, Fico en Slovaquie … Comme si les démocraties étaient à bout de souffle et n’étaient plus perçues par les peuples comme la meilleure forme de gouvernance pour délibérer ensemble des défis de notre temps.

Le monstre est de nouveau parmi nous

Dans ce contexte, les commémorations du 80e anniversaire d’Auschwitz, les „plus jamais ça“, les avertissements devant la résurgence du monstre fasciste ont cette année une allure un peu étrange: on fait comme si le monstre n’était pas déjà de nouveau parmi nous.

Or, on connaît la suite, qui se matérialise d’ailleurs partout là où les fascistes accèdent au pouvoir: persécution des adversaires politiques, désignation et discrimination de boucs émissaires – les immigrés et les minorités.

Alors oui, le calcul politique de Friedrich Merz, car c’en est un, fait très froid au dos. A-t-il oublié que Hitler a accédé au pouvoir, puis abrogé la démocratie en Allemagne, malgré la tentative de la droite conservatrice de le „cadrer“? Ne voit-il pas que la copie, dans les politiques identitaires nationalistes, n’arrive en fin de compte jamais à dépasser l’original?

Il faut regretter, enfin, l’embarras mou du CSV, dont le chef Luc Frieden aime à s’afficher avec Friedrich Merz, donné jusqu’à peu comme presque certain prochain chancelier d’Allemagne. Est-ce que le CSV, qui se targue de la stabilité du gouvernement conservateur-libéral luxembourgeois, approuve cette ouverture à l’extrême droite? Surtout en Allemagne, pays dont on connaît le passé, qu’on espérait révolu à jamais. Ou alors s’accomode-t-il finalement assez bien de cette option d’alliance à l’extrême droite fasciste, autoritaire, climato-sceptique et anti-sociale opérée par sa famille politique un peu partout en Europe et dans le monde? Il faut espérer que ce ne soit pas le cas, et que ce soit dit haut et fort par les responsables de ce parti.

Franz Fayot est député du LSAP
Franz Fayot est député du LSAP Photo: Editpress/Fabrizio Pizzolante