Sonntag9. November 2025

Demaart De Maart

Live aux RotondesPortrait de Sprints: un groupe faisant part du patrimoine irlandais du rock

Live aux Rotondes / Portrait de Sprints: un groupe faisant part du patrimoine irlandais du rock
En concert aux Rotondes: Sprints Copyright: Sprints

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De Van Morrison à My Bloody Valentine en passant par Gilla Band, l’Irlande possède un sacré patrimoine rock. Jusqu’à Sprints, qui a sorti, avec „Letter to Self“, l’un des meilleurs disques de l’année. Le groupe joue ce soir aux Rotondes. Focus.

Entre le rock et l’Irlande, c’est une longue histoire. Par-delà la musique traditionnelle irlandaise, intégrée dans la catégorie „celtique“, le rock’n’roll s’y taille une très belle place, dès les années 1960, avec la British Invasion. En groupe au sein de Them ou bien en solo, il y a Van Morrison, qui est le géniteur du classique „Astral Weeks“ (1968), „le disque de rock qui a eu le plus d’importance dans ma vie“ écrit, sans tergiverser, le rock-critic Lester Bangs, en 1979, dans „Stranded“. Dès ces mêmes sixties, apparaît Rory Gallagher, soit le musicien qui, quand on demande à Jimi Hendrix: „Qu’est-ce que ça fait d’être le plus grand guitariste du monde?“, répond là aussi sans tergiversation: „Je ne sais pas, demandez à Rory Gallagher.“

De Friday à MacGowan

Il y a la fusion celtique et rock, qui donne, c’est logique, le rock celtique, mais encore Undertones, qui entremêle coups punk et pommade pop. Citons Gavin Friday, en groupe gothique avec Virgin Prunes ou en tant qu’animal solitaire – sorti cette année, son „Ecce Homo“ est d’ailleurs un retour gagnant. Gavin Friday est un grand ami de The Edge, le guitariste du mastodonte U2, et c’est bien d’Irlande que provient „la bande à Bono“; même si l’on parle, par exemple, au sujet de „Joshua Tree“ (1987), d’„album américain“, Dublin a toujours été une influence essentielle pour le groupe. Mais le combo qui incarne l’alliance entre l’Irlande et le rock, la musique folklorique et le punk, c’est The Pogues: avec eux, les guitares électriques entrelacent le tin whistle (flûte) et le bodhran (percussion). Sinéad O’Connor, autre étoile irlandaise, interprète „Haunted“ des Pogues avec son leader Shane MacGowan. Cette année, Sinéad a été remise au goût du jour, via „L’Amour Ouf“, puisque, dans son film, Gilles Lellouche a inséré sa reprise de „Nothing Compares 2 U“, plutôt que la version originelle de Prince.

L’Irlande abrite également un groupe, aussi radical que gracieux, qui a changé l’histoire du rock: My Bloody Valentine. Du bruit blanc, des mélodies concassées, compressées, et surtout, à l’arrivée, éthérées; une noisy pop fragile, en fait, la définition même, aussi abstraite soit-elle, de la musique liquide. Et puis sur scène, entre les stroboscopes, „You Made Me Realize“ est joué à 130 décibels, soit l’équivalent d’un avion qui décolle, sauf que là le morceau s’étire sur une vingtaine de minutes. Sous les éclats et le fracas, la musique irlandaise vibre, comme un cœur bat. Citons enfin The Cranberries, pour dire que, là encore, le rock étreint la musique celtique, et que, si dans ce contexte, le rock est alternatif, c’est parce qu’il contient une patte irlandaise. Conclusion: il y a un imposant patrimoine rock en Irlande, tout autant qu’un rock irlandais.

Sprints: et l’Irlande reste rock

Depuis le début des années 2010, le bon groupe Gilla Band officie dans le rock entre noise et punk, mais également, et c’est la révélation de l’année pour beaucoup, Fontaines D.C. Leur disque „Romance“ a fait autant de bruit qu’un concert de My Bloody Valentine. Quant à Sprints, il y a de quoi s’attendre à du rock qui court vite; le groupe prend les instruments dans le garage pour livrer un post-punk bien punk. La rage au ventre sort comme si les compositions ne servaient qu’à se purger. On dit parfois d’un film, lorsqu’il contient de belles prouesses visuelles ou autres trouvailles propres au septième art, que „ça ne pourrait pas être autre chose que du cinéma“. Avec sa colère qui bout à l’intérieur et à l’extérieur, Sprint ne pourrait pas être autre chose que du rock. Et avec un pareil héritage musical venant de leur fief, il y avait deux solutions: l’intimidation ou l’émulation. C’est une victoire de la deuxième option.

Couverture de l’album „Letter To Self“
Couverture de l’album „Letter To Self“ Copyright: City Slang

Sorti le 5 janvier 2024, leur premier album, „Letter to Self“, ouvre littéralement l’année; après la fête du Nouvel An, l’ivresse, ou ce qu’il en reste, se confond avec la gueule de bois qui persiste. Avec „Ticking“, le disque, lui, s’ouvre sur la voix rauque’n’roll de Karla Chubb, également à la guitare, qui, par intermittence, se juxtapose à celle de Sam McCann, aussi à la basse. Le timbre escalade les instruments, en répétant la même phrase ad vitam, puis une autre, c’est comme si le vinyle était rayé, et que les mantras ne résonnaient qu’en échos à ses obsessions. La suite est un cocktail industriel et grunge („Shaking Their Hand“), punk et pop, comme Undertones, mais sur une autre ligne, et n’allons pas jusqu’à affirmer qu’il s’agit d’une version hardcore des Cranberries. Par rapport à My Bloody Valentine? C’est moins cotonneux que nerveux, moins dream pop que cauchemardesque, le radicalisme n’est pas le même. D’autres liens avec l’Irlande? Daniel Fox, le bassiste de Gilla Band, produit le disque.

On sent sinon, par éclats, Savages ou Pixies, PJ Harvey et Hole, ainsi que quelques flashs des riot grrrls à la Bikini Kill. Il s’agit de gratter ses plaies, pour arroser le mur du sang: Karla Chubb parle bien d’évacuer ses angoisses („And I can’t sleep“ dit-elle sur „Heavy“). „Letter to Self“ est un titre adéquat, au sens où l’écriture est, par essence, introspective, soit un miroir en mots de ce qui s’agite dans le cerveau. Et la musique de rythmer les souffrances, les baguettes les frappent, autant qu’elles sont balayées d’un revers de main qui frotte les cordes qui grondent, jusqu’à la saturation. Crier sur la musique, ce n’est jamais hurler dans le vide.

Sprints au Luxembourg

Ce samedi, le 14 décembre à partir de 20h aux Rotondes à Luxembourg-ville, plus d’informations: rotondes.lu.