Dienstag11. November 2025

Demaart De Maart

PopLa mélodie des aurores boréales: Cesare Cremonini et son nouvel album „Alaska Baby“

Pop / La mélodie des aurores boréales: Cesare Cremonini et son nouvel album „Alaska Baby“
Avec son huitième album, une nouvelle page s’ouvre pour Cesare Cremonini, illustrée notamment par le single „Ora che non ho più te“ („Maintenant que je ne t’ai plus“)

Jetzt weiterlesen!

Für 0,99 € können Sie diesen Artikel erwerben:

Oder schließen Sie ein Abo ab:

ZU DEN ABOS

Sie sind bereits Kunde?

25 ans après „…Squérez?“, l’album de son groupe Lùnapop, Cesare Cremonini revient avec un nouveau disque, „Alaska Baby“. C’est l’occasion de faire un portrait de l’une des plus grandes pop stars italiennes en activité.

C’était il y a un quart de siècle, à la fois hier et une éternité: Lùnapop était un groupe symbolique de la jeunesse italienne. Flash-back. En 1999, le leader du combo, Cesare Cremonini, ne cherche pas à jouer dans la cour des deux Lucio, Battisti et Dalla, non, Lùnapop fait de la britpop en italien; disons de la „it-pop“, pour citer le titre de l’album d’Alex Britti sorti l’année précédente. A la fin des nineties, la mode est aux boys bands – commercialement „intéressants“, artistiquement sans intérêt. Lùnapop seraient trop lisses et édulcorés pour être les frères Gallagher dans une version transalpine. S’agirait-il alors d’un boys band? Ce qui est parfois reproché à Lùnapop, ce n’est pas le fait d’être une bande de post-adolescents montée de toute pièce (au contraire, elle sort pour ainsi dire de nulle-part, sinon des bancs du lycée), mais ce sont plutôt les chansons en tant que telles, aseptisées, calibrées pour les jeunes filles en fleur, séduites par le minois du chanteur. Les textes? „Je te veux“, „Reste avec moi“, „Il y a quelque chose de grand entre nous“, „A l’école ça ne va pas fort et je n’ai pas de fiancée“. Nous sommes loin des paroles de Mogol ou des textes d’un autre Cesare, le grand poète Pavese. Et alors?

Le single „50 Special“, soit un tour de Vespa sur les collines de Bologne, caracole en tête des ventes. C’est pareil pour „Qualcosa di grande“ ou avec „Un giorno migliore“, qui est une espèce de cousin italien, par son architecture, de „Better Day“ d’Ocean Colour Scene. Extrait: „Demain sera un jour meilleur/Tu verras.“ Quand sort le très attendu LP „…Squérez?“, le succès est aussi immédiat qu’un morceau pop réussi. L’année suivante, Lùnapop remporte pas moins de quatre Italian Music Awards, sauf que, dans la foulée, surprise, le groupe se sépare. Reste un album de l’immaturité. Non pas du rock brut de décoffrage joué fort et dans l’urgence, mais de la pop spontanée, avec des ballades au piano („Niente di Più“, „Vorrei“) qui dévoilent un talent de songwriting évident, en tout cas de belles promesses – celle d’un jour meilleur, demain. Cesare Cremonini part en solo et déconstruit l’image de boys band qui, comme l’acné à l’adolescence, pourrait lui coller à la peau.

Cremonini en solo

Lorsqu’il était enfant, Cesare Cremonini voulait être humoriste. Est-ce pour cette raison que ses chansons, même les plus tristes, tirent le moral vers le haut? On y entend le sourire derrière les sanglots. En tout cas, si, pendant que Lùnapop explose, une partie de la critique ne le prend pas au sérieux, son premier LP „Bagus“ (2002) ne fait plus rire personne. Le Bolonais joue dans la cour des grands (auteurs), en conservant son feeling pop à l’anglo-saxonne. Grosso modo, l’équation Lucio Dalla plus les Beatles, sinon Luca Carboni avec la flamboyance de Queen. „Maggese“ (2005) confirme la solidité d’écriture et de composition, il en va de même en s’appuyant sur une chanson, dix, vingt, quand on aime, on ne compte plus; tout ce que l’on sait, c’est que l’on peut compter sur Cesare Cremonini. Les grands morceaux ne manquent pas, ils figurent parmi les plus beaux du patrimoine italien de ce nouveau siècle, de „Sardegna“ à „Il sole“, en passant par „Figlio di un re“ ou „Logico“, voire d’autres encore, „Il pagliaccio“ et „Il comico“, tous deux sur le statut de l’humoriste, en guise de métaphore.

Les disques de Cremonini tordent le cou à toute théorie qui dirait que, ce que l’on gagnerait en années, on le perdrait en génie. En plus, miracle, sa popularité n’est pas décroissante. Comme le vin, il se bonifie avec l’âge. Prenons „Possibili scenari“ (2017), désigné par Cremonini comme son „benedict album“, soit le disque de la consécration. Sa pochette en clin d’œil au Pink Floyd de „The Dark Side Of The Moon“ (1973) fait encore voir la vie du bon côté, à travers un filtre coloré.

Le son est bien massif, du funky-dance „Kashmir-Kashmir“ à „Un uomo nuovo“ façon Kevin Parker poum-tchak de „Current“ (2015), là où „Silent Hill“ lorgne du côté de „Let Forever Be“ des Chemical Brothers. Le drôlatique et dramatique „Al tuo matrimonio“, soit l’histoire d’un homme venu démolir le mariage de celle qu’il aime encore, rappelle le dernier segment de l’hilarant „Les nouveaux sauvages“ (Damian Szifron, 2015). „Nessuno vuole essere Robin“ tape à l’épaule de l’ultra-moderne solitude – avec humour. „La macchina del tempo“ est une chanson d’amour, mais antéchronologique: elle part de la rupture pour arriver au coup de foudre, donc l’optimisme triomphe grâce à une (fausse) happy end. C’est ce disque qui inaugure la première tournée des stades de Cesare Cremonini.

„Alaska Baby“

Cesare Cremonini ne s’arrête pas en si bon chemin: „La ragazza del futuro“, sorti en 2022, le fait monter d’un cran et, rebelote, sur la scène des stades italiens. Sorti vendredi dernier, „Alaska Baby“ est son huitième album. L’auteur en parle comme d’un „premier disque“. Un retour à zéro? Il n’y a ici rien à voir avec la maladresse de la première fois mais si l’on entend par là une forme de vulnérabilité, alors d’accord, c’est une mise à nu dans le froid. Il y aurait l’idée de „se chercher“ tout en se perdant, car Cremonini revient de loin: „Alaska Baby“ résulte d’un long voyage américain, achevé, comme son nom l’indique, en Alaska.

La pochette renvoie, sans le savoir, à celle d’„Une clairière“ de Jérôme Minière. Sauf qu’avec „Alaska Baby“, les teintes contraires se mélangent et s’harmonisent. Le fil rouge, pour rester dans les couleurs, c’est le courage d’aimer. Le single „Ora che non ho più te“ („Maintenant que je ne t’ai plus“) illustre cette nouvelle page qui s’ouvre, blanche comme la neige. Mais la blancheur n’efface pas le passé, Cremonini demeure ce showman de studio. Le spectacle démarre dès la chanson-titre, les mélodies sont denses, complexes, mais à portée d’oreille, les textes profonds, les arrangements soignés, la production maousse, toujours à mi-chemin et en équilibre entre l’orchestration luxuriante et le minimalisme électro.

Il y a aussi une conciliation entre les aînés, via Mike Garson, le mythique pianiste de David Bowie, et la scène italienne actuelle, par Alessio Natalizia de Not Waving ou le groupe EDM Meduza. Du côté des titres légers, citons „Limoni“, où un bout de mélodie rappelle le refrain de „Money“ signé The Drums, et ce, pour contrecarrer l’épaisseur d’un „Acrobati“ agrémenté d’un virage drum’n’bass. Au centre, la prière „San Luca“ est chantée avec Luca Carboni, son voisin bolonais, son papa spirituel, ou son meilleur ami de toujours, voire les trois à la fois. Le climax? „Un’alba rosa“, avec son sublime début piano-voix, et une escalade où les cordes vocales se fondent dans celles de la guitare en lamento, pour parvenir au crépitement non pas d’un vinyle mais d’un feu d’artifice. Et les voix de se confondre bel et bien avec Elisa, sur „Aurore boreali“. De là jaillit une illumination: ce qu’a trouvé Cesare Cremonini dans son périple, c’est la définition visuelle de ses chansons. Ce sont des aurores boréales.