Dienstag11. November 2025

Demaart De Maart

ExpositionUne visite à Paris: Un réalisme flamboyant avec Ribera au Petit Palais

Exposition / Une visite à Paris: Un réalisme flamboyant avec Ribera au Petit Palais
„Saint Jérôme et l’ange du Jugement dernier“ par Ribera Photo: Archivio dell’arte/Luciano et Marco Pedicini

Jetzt weiterlesen!

Für 0,99 € können Sie diesen Artikel erwerben:

Oder schließen Sie ein Abo ab:

ZU DEN ABOS

Sie sind bereits Kunde?

Cette première rétrospective française de l’œuvre de Ribera (1591-1652), „Ribera. Ténèbres et lumière“ est un moment fort, qui conjugue la flamboyance d’un style au réalisme cru d’une époque. Ribera, considéré comme l’héritier du Caravage, a peint l’ombre et la lumière avec une audace et un sens du détail, mêlant au clair-obscur dramatique la force tranquille de la cruauté.

La visite, selon un ordre chronologique, nous permet de nous plonger au cœur de l’Italie du Caravage. Ribera, né de famille modeste, près de Valence, quitte l’Espagne, et arrive à Rome vers 1506-1606, il est âgé de quinze ans. Il s’établira définitivement à Naples, alors possession espagnole, en 1616. Il est très vite reconnu par l’aristocratie locale, sa carrière est fulgurante, les commandes se multiplient, aussi bien à Naples qu’en Espagne, où il ne retournera jamais.

À la croisée des chemins

L’Italie du Caravage, celle du XVIIe siècle, occupe une place prépondérante dans l’art. En 1563, l’Eglise catholique redéfinit dans un texte important la question des images. Le dogme se renouvelle à travers celles-ci, ce qui a pour conséquence l’abandon des légendes et des traditions médiévales, au profit d’une nouvelle iconographie plus claire. L’Eglise réaffirme le culte de la Vierge, des saints, des reliques. Plusieurs courants artistiques apparaissent. Le réalisme, proche du peuple, des fidèles, que l’on appelle le caravagisme. Et un renouveau d’ordre mystique, baroque, avec des envolées d’anges, des extases, des visions. Ribera se trouve à la croisée des chemins, entre cruauté, gestuelle théâtralisée, et vision extatique, il sera l’un des principaux artistes de l’âge baroque.

Le tableau „Apollon et Marsyas“
Le tableau „Apollon et Marsyas“ Source: MiC/Museo e Real Bosco di Capodimonte; photo: L. Romano

Ribera, appelé „Lo Spagnoletto“ (le petit Espagnol) en raison de sa petite taille, marié à la fille de l’un des peintres les plus importants de Naples, soutenu par le pouvoir, règne pendant quarante ans sur la scène artistique. Comme le Caravage, qui ne désirait peindre que le réel, Ribera peint sans artifice, dans un dépouillement qui renforce le spectaculaire, des scènes violentes. Vérité des corps, lambeaux de chairs, violence des tortures, regards et corps en bascule, tournés vers nous, tandis que les bourreaux ricanent, dépouille blanche et statuaire du Christ, chevelure flamboyante de Marie-Madeleine, la Vierge dans l’ombre lors de la mise au tombeau. Ici s’agite un théâtre d’ombre et de visions, d’extase et de cruauté, un univers à la fois humain et divin, un combat entre le Ciel et la terre, entre la légèreté et l’opacité des pulsions humaines. „C’est une furie de pinceau, une sauvagerie de touche, une ébriété de sang dont on n’a pas idée“, écrivait Théophile Gautier (Collection de tableaux espagnols, La Presse, 24 septembre 1837).

En contrepoint des effrois

„Le Pied-bot“
„Le Pied-bot“ Source: Grand Palais RMN (musée du Louvre); photo: Michel Urtado

Ce réalisme, Ribera le met au profit des petites gens, qu’il peint de manière monumentale, en les magnifiant. Une société de la marge éclate au grand jour. Pour l’une de ses œuvres les plus connues, „Le Pied-bot“ (1642, huile sur toile), un jeune garçon, au pied-bot, sourit, le visage tourné vers nous. Rendre hommage au peuple napolitain, Ribera y excelle – parallèlement, il honore des commandes religieuses prestigieuses. Il donne une âme aux invisibles, la misère est mise en scène, au même titre que la sainteté, les personnages sont traités de manière aussi rigoureuse et dépouillée, avec parfois des ciels d’un bleu azuréen. Ce bleu si léger et vaporeux, tranquille, fait exception dans l’œuvre de Ribera, metteur en scène de l’ombre et des huis-clos, cadrages au plus près, d’où émergent des corps violentés, des tentures pourpres, des gestes et des rires étincelants de dureté. Deux paysages, les seuls de l’exposition, sont d’un calme insolite, d’une tranquillité qui invite à la contemplation, comme après les batailles des hommes, lorsque le Ciel redevient enfin clair.

Pour revenir à la splendeur des humbles, Ribera traitera de manière identique et avec force, „Sainte-Marie L’Égyptienne“ (1641), une femme au torse à moitié dénudé, au visage décharné, tourné par-delà le monde. Magnifique peinture de l’ascèse, que cette Marie, prostituée d’Alexandrie, qui s’est convertie et a vécu en ermite dans le désert de Palestine pendant quarante ans. Cette radicalité extrême contraste avec la douceur de „Saint-Sébastien“ (1651), peint par Ribera un an avant sa mort. Une douceur fait vibrer l’espace, tandis que le visage tourné vers le Ciel semble tranquille.

Ribera n’a pas pour autant abandonné son souci du réel et du détail. Ainsi quelques œuvres méditatives et apaisées viennent en contrepoint d’un univers tumultueux, habité par la foi et la représentation des effrois. La fable antique joue également d’un registre plus apaisé, ainsi de „Vénus et Adonis“ (1637), où la sensualité et l’harmonie règnent de manière royale. Ainsi balance-t-on, au gré des visions, entre extase, contemplation, violence et tranquillité. Une époque se joue là, celle du caravagisme et du baroque, des points de bascule opèrent, dans un théâtre d’émotions. Une grande et magnifique exposition, un joyau dans son écrin!

Ribera. Ténèbres et Lumière

Jusqu’au 23 février 2025
Petit Palais (avenue Winston Churchill, 75008 Paris), plus d’infos: petitpalais.paris.fr