La musique permet de remplir la tête de vibrations, autant que de se vider l’esprit. Se déhancher, c’est tout oublier, y compris la fin du monde. Quand le Titanic est en train de couler, l’orchestre continue de jouer. Jusqu’à la fin. Dans le cas de Getdown Services, on parle de „disco apocalyptique“ ou bien „post-apocalyptique“, soit le reflet d’une civilisation en décrépitude où il est déjà trop tard. Plus concrètement, Getdown Service, c’est la formation de Josh Law et Ben Sadler, deux copains comme cochons depuis l’enfance, sinon des frangins malgré eux, pour paraphraser la comédie d’Adam McKay sortie en 2008.
Ricanement bête

Quand on écoute l’excellent „Crisps“ (2023), on ne voit pas les yeux rieurs. Ce qui n’empêche pas de deviner le regard goguenard. Dans le rock se côtoient plusieurs formes de sarcasme. D’un côté, il y a le ricanement bête et méchant, potache et adolescent, voire outrancier, façon Beastie Boys. De l’autre, il y a l’éclat de rire rentre-dedans, acerbe, éruptif, dangereux, disons punk à la manière de Fat White Family. Si le duo Getdown Services fait l’idiot, pour faire allusion cette fois-ci au disque culte d’Iggy Pop sorti en 1977, il est très politisé. Il s’agirait presque d’une compensation à l’austérité. Alors Getdown Services, qualifiés par ailleurs de groupe „post-Brexit“, se marrent à propos des hipsters, critiquent la gentrification, exècrent le capitalisme. S’il y a du millième degré, il est à lire au premier. L’humour est alors un masque de la gravité.
S’il y a bien, chez Getdown Services, un côté sale gosse proche de Sleaford Mods, celui-ci est, d’emblée, contrebalancé par le groove bouillonnant d’un James Murphy. Autrement dit, il y a la spontanéité cabossée et la sauvagerie des ultimes punks, qui se retrouvent mixées à une érudition geek propre à LCD Soundsystem – Murphy figurant, quant à lui, parmi les derniers grands post-modernes. On y trouve la discipline du nerd qui, s’il danse mal, sait faire danser? L’érudition, heureusement, n’annule pas toujours l’inventivité ni l’innovation. Côté pile, le punk; côté face, la dance music. Getdown Services reprennent, en fait, le flambeau d’un genre hybride et revigorant qui s’était un peu essoufflé avec le temps – la dance-punk.
Alors Getdown Services, qualifiés par ailleurs de groupe ,post-Brexit‘, se marrent à propos des hipsters, critiquent la gentrification, exècrent le capitalisme. S’il y a du millième degré, il est à lire au premier. L’humour est alors un masque de la gravité.
Dans la grosse pomme, il y a Yeah Yeah Yeahs, Liars, selon les humeurs, The Rapture, Radio 4, pourquoi pas Clap Your Hands Say Yeah, sous influence Talking Heads. En Angleterre, Metronomy, Hot Chip … Citons un groupe oublié: Infadels, responsable du très bon „Girl That Speaks No Words“. Il y a le choix: soit pogoter en discothèque, soit danser comme en club dans une salle punk? Il n’y a pas d’autres choix que celui de danser.
Groove disco et esprit punk
Entre le milieu et la fin des années 1970, deux genres, a priori antagonistes, redonnent du peps à la musique: le punk et le disco. Blondie fera le grand écart, d’autres formations suivront, le post-punk mêlera parfois le groove disco à l’esprit punk. Résultat: si le punk et le disco sont deux parallèles, contrairement aux règles mathématiques, elles finiront par se croiser, jusqu’à même se confondre. Dans les années 2000, la dance-punk renvoie, en particulier, à une ville: New York. Tout en haut des gratte-ciels? LCD Soundsystem. Pourquoi le projet de James Murphy (et les productions de son label DFA) est-il au sommet? Parce qu’en plus de sortir des super morceaux, le New-yorkais ne fait pas que concilier rock et électro, il fait sonner le rock comme de la house-techno, et vice-versa. Mais il n’y a pas que lui.

Alors que James Murphy chante „Daft Punk is playing at my house“, le duo français casqué constitue une grande influence pour Getdown Services. Il y a là un pont, étymologique, à dresser, puisqu’il s’agit d’un groupe électro avec „punk“ dans le nom. Josh Law et Ben Sadler vont plus loin dans la french touch (seconde vague): ils mentionnent Sebastian ou Breakbot. Et, en même temps, ACDC ou ZZ Top. Dans ce mélange de disco-house et de hard rock, on peut alors penser à Heartbreak, un autre duo anglais remarquable – écoutez „Lies“, leur album „metalo-disco“ paru en 2008. Enfin, il va de soi aussi, au rayon french touch, que la musique de Justice est autant imprégnée d’électro que de hard rock, voire de heavy metal.
Entre électronique et électrique, Getdown Services délivrent des lives féroces et funs. Les deux acolytes ont une tendance à s’exhiber torse nu, avec leurs moustaches qui cachent le haut de leur bouche, par où sortent des voix monotones et des propos virulents. Et drôles donc. Si la new wave, c’est parfois danser et pleurer en même temps; la dance-punk, c’est parfois danser et, simultanément, s’esclaffer. Jusqu’au psyché „Loosen Your Belt“, un titre apaisant, surtout après s’être bien brisé les os en se frottant peau contre peau.
En concert
Le 14 novembre à partir de 20.30 h au „De gudde Wëllen“ à Luxembourg-ville. Billets et détails sur deguddewellen.lu.
De Maart
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