Il n’aura pas rempli la salle comme il le fait régulièrement dans de nombreux pays européens. Néanmoins, il y avait une cinquantaine de spectateurs venus écouter le sociologue français Didier Eribon, lors de sa halte à Luxembourg mercredi soir. Il venait y présenter „Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple“, publié en mai 2023. En parallèle, „Retour à Reims“, son premier livre de „sociobiographie“ – mot qu’il préfère à autobiographie – paru en 2009, auquel „Vie, vieillesse et mort …“ constitue comme une suite, continue à connaître de nouvelles traductions (en hongrois et en finlandais en octobre, 25 langues au total) et de nouvelles adaptations au théâtre, après celle inaugurale de Thomas Ostermeier en 2017. Ainsi, à la mi-octobre, dans le même théâtre Nowy de Varsovie, il assistait un soir à une adaptation de sa première œuvre biographique sur les planches (par Katarzyna Kalwat), tandis que le lendemain, il présentait la dernière.
Attention, glissement
Avec „Rückkehr nach Reims“, Didier Eribon a passionné l’Allemagne, qui y a redécouvert la pertinence du concept de classes sociales et celui de classisme qui va avec. A l’occasion de son retour dans sa ville natale à la mort de son père, après trois décennies d’absence, il s’y dépeignait comme un homme ayant fui son milieu populaire et le déterminisme, excédé par l’homophobie de son père et le racisme de sa mère. Il s’y rendait notamment compte qu’il avait davantage déserté par honte sociale que pour vivre librement sa sexualité.
C’est un sentiment de gratitude pour sa mère ouvrière – qui, paradoxalement a travaillé dur pour l’aider à faire des études et donc à s’éloigner intellectuellement d’elle – qui traverse „Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple“. Dans ce texte presque aussitôt traduit en allemand („Eine Arbeiterin: Leben, Alter und Sterben“), il raconte le choix difficile de placer sa mère en maison de retraite. Il s’y indigne notamment de la fatalité du syndrome du glissement, qui font des huit premières semaines de l’entrée en ces lieux, une période de risque d’un dépérissement rapide … En fait, c’est d’un „suicide conscient“, facilité par le manque de personnel et les restrictions en ces lieux, dont il s’agit, a-t-il expliqué.
Didier Eribon veut, par son livre et ses interventions, porter les voix et plaintes de ces résidentes et résidents qui n’intéressent jusqu’alors personne. Il en veut notamment pour preuves le silence des programmes politiques sur ces questions, comme le fait que très peu de monde, y compris parmi les militantes féministes, ne connaissent le livre de Simone de Beauvoir, „La vieillesse“.
De Maart

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