C’est aujourd’hui que s’ouvre la 74e édition de la Berlinale, le Festival international du film de Berlin, qui durera dix jours. Dix ans après „Timbuktu“, récompensé par sept Césars, dont celui du meilleur film, et nommé à l’Oscar du meilleur film étranger, le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako présente sa nouvelle œuvre, „Black Tea“, une coproduction luxembourgeoise de Red Lion (Vincent Quénault et Jeanne Geiben). Sélectionné en compétition officielle, le film est en lice pour la récompense suprême, l’Ours d’or du meilleur film. C’est le jury présidé par l’actrice, réalisatrice et productrice Lupita Nyong’o (lauréate de l’Oscar de la meilleure actrice dans un rôle secondaire pour „12 Years a Slave“) qui décernera les récompenses lors de la cérémonie de remise des prix du samedi 24 février 2024. Le public luxembourgeois pourra découvrir „Black Tea“ en présence du réalisateur dans le cadre du LuxFilmFest le 8 mars prochain. Le film suit le parcours d’Aya, une Ivoirienne d’une trentaine d’années qui, après avoir refusé d’épouser son promis le jour du mariage, émigre en Asie, où elle travaille dans un magasin d’export de thé aux côtés de Cai, un Chinois de 45 ans. Aya et Cai tombent amoureux. Mais leur liaison pourra-t-elle survivre au poids du passé et des préjugés?
Le Luxembourg est également représenté dans la capitale allemande par le long-métrage d’animation „Fox & Hare Save the Forest“, en compétition dans la section Generation Kplus qui sélectionne un cinéma international de pointe pour jeune public. Réalisé par Mascha Halberstad et coproduit par Doghouse Films (David Mouraire, Pierre Urbain et Emmanuelle Vincent), le film a été réalisé dans les studios de Doghouse à Differdange. Les versions luxembourgeoise et française seront respectivement présentées au public luxembourgeois les 8 et 9 mars lors du LuxFilmFest. L’occasion pour les enfants de cinq à douze ans de découvrir les aventures de Fox et Hare, un renard et une lapine qui tentent de lutter contre l’inondation de la forêt et de leurs habitations. Un film sur l’amitié, mais également les conséquences directes de nos actions sur la planète.
Contexte tendu
La Berlinale s’ouvre dans un contexte politique tendu, après plusieurs jours d’une importante polémique au sein de l’équipe même du festival, mais également du secteur de la culture en Allemagne ainsi que dans les médias internationaux et sur les réseaux sociaux. En effet, cinq membres du parti politique d’extrême droite AfD (Alternative für Deutschland) avaient tout d’abord été conviés à assister à la cérémonie d’ouverture du festival, ce jeudi 15 février, de même que les autres représentants des différents partis politiques allemands. Mais le duo de directeurs à la tête du festival, Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian, sont revenus le 8 février dernier sur leur décision initiale, en justifiant ainsi leur nouvelle et ferme position: „A la lumière des révélations qui ont été faites ces dernières semaines sur les positions explicitement antidémocratiques et sur certains politiciens de l’AfD, il est important pour nous – en tant que Berlinale et en tant qu’équipe – de prendre position sans équivoque en faveur d’une démocratie ouverte. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui écrit à tous les politiciens de l’AfD qui avaient apparemment été invités pour les informer qu’ils n’étaient pas les bienvenus à la Berlinale.“
Le 10 janvier dernier, il avait été en effet dévoilé par le site d’investigation allemand „Correctiv“ que plusieurs responsables du parti d’extrême droite avaient assisté à une réunion en présence de donateurs du parti et de membres de la mouvance néonazie afin de s’entretenir d’un plan de „rémigration“, un projet d’expulsion massive de personnes étrangères ou d’origines étrangères hors du territoire allemand. Ces révélations avaient été suivies dans tout le pays d’importantes manifestations, réunissant selon les organisateurs 1,4 millions de personnes dans la rue pour protester contre l’extrême droite.
Strike Germany
Mais les tensions ne sont pas uniquement liées à la politique nationale. Mi-janvier, le réalisateur Ayo Tsalithaba avait annoncé sur Instagram retirer son film „Atmospheric Arrivals“ de la section Forum de la Berlinale, en soutien au mouvement „Strike Germany“ – „un appel à refuser l’utilisation par les institutions culturelles allemandes de politiques maccarthystes qui suppriment la liberté d’expression, en particulier les expressions de solidarité avec la Palestine“. Depuis le début de la guerre d’Israël contre l’Hamas, l’Allemagne, qui a affiché son soutien pour Israël, s’est vue accusée par de nombreux acteurs et actrices du secteur culturel de réprimer les voix palestiniennes.
Interrogé quant à „Strike Germany“ lors de la conférence de presse du festival, Chatrian affirmait le désir de la Berlinale de demeurer „un lieu d’inclusion et de dialogue“ et citait la présence dans la section Panorama du documentaire „No Other Land“, co-produit par la Palestine et réalisé par un collectif de quatre activistes israélo-palestiniens, ainsi que celle du nouveau film du réalisateur israélien Amos Gitai, „Shikun“, une coproduction d’Israël qui fera sa première mondiale dans la section Berlinale Special. De son côté, Rissenbeeck est également revenue sur le projet „Tiny House“, un espace qui permette aux visiteurs d’échanger, dans un lieu qui se veut à la fois intime et ouvert à tous, au sujet de la guerre qui sévit à Gaza.

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