Telle est pour l’instant la question que se pose avec perplexité la classe politico-médiatique française, dans l’attente d’une annonce de la composition du gouvernement que devra conduire ce plus jeune premier ministre de l’histoire de la République. Et cela, même si l’accueil de l’opinion, y compris à droite, est positif, selon un sondage réalisé dans la foulée de sa nomination, qui lui accorde 53% d’opinions favorables. Il est vrai qu’en juillet 2022, dans des circonstances analogues, Mme Borne en avait obtenu 57 …
Pour le président Macron, qui pouvait juger son second quinquennat en mauvaise posture – même si un tel constat n’a pas d’influence sur l’élection de son successeur en 2027, puisque, constitutionnellement, lui-même ne peut se représenter – il était tentant, lui qui avait été le plus jeune président de l’histoire de France, de nommer un fidèle qui en serait, lui, le plus jeune chef de gouvernement. Si l’effet de surprise, ce que l’on appelle souvent en France „l’effet waouh!“, a été érodé par les longues tractations qui ont suivi l’annonce de sa décision, il demeure tout de même partiellement.
C’était d’autant plus important pour l’Elysée qu’au-delà de ce rajeunissement de la vie publique, tout indique que l’adversaire n°1 qu’aura à affronter l’exécutif dans les mois et les années qui viennent sera un homme encore plus jeune, et bon débatteur lui aussi: Jordan Bardella, le président du Rassemblement national de Marine Le Pen, âgé, lui, de 28 ans. Les sondages donnent actuellement, pour les élections européennes de juin, la liste macroniste largement devancée par celle du RN. L’une des tâches prioritaires de Gabriel Attal, même s’il n’est évidemment pas question de l’annoncer ainsi, sera donc de tenter d’inverser cette tendance.
Autre avantage pour Macron: Attal pourrait bien donner une sorte de „coup de vieux“ à un certain nombre de dirigeants de l’opposition, à commencer par Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Mais aussi, en mineur, et point seulement au regard de l’âge, à certains „barons“ de la majorité comme Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou Eric Dupont-Moretti; ou encore, hors du gouvernement, François Bayrou ou Richard Ferrand; voire au secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, qui a ferraillé jusqu’au bout contre la nomination du nouveau premier ministre.
Survivre à „l’enfer de Matignon“
A l’inverse, ce dernier présente, pour le chef de l’Etat, certains risques. Il y a d’abord que „l’enfer de Matignon“, comme on l’appelle souvent, non sans raison, use beaucoup et vite son titulaire. Ce carrefour de toutes les décisions techniques, sous l’autorité présidentielle, suppose de consacrer un temps, une énergie et un entregent considérables à régler des conflits entre ministres, entre régions, entre administrations, entre ténors de la majorité … Il faudra au jeune Attal, sans forte expérience gouvernementale, réussir à y survivre. Car la nécessité de nommer un troisième titulaire en cinq ans, sans être une nouveauté absolue, ressemblerait fort à un constat d’échec présidentiel.
Certes, la jeunesse d’Attal ne le prive pas d’une grande souplesse relationnelle et d’un vrai sens du contact, qui lui seront d’un précieux secours. Mais il sera mis à rude épreuve, et devra faire preuve de beaucoup d’autorité sur ses aînés. Dès hier par exemple, Gérald Darmanin ne s’est pas privé, alors que la liste des nouveaux ministres restait encore secrète, d’assurer à la télévision qu’il allait rester à l’Intérieur. En outre, si Matignon réussit trop bien, c’est l’Elysée qui, paradoxalement, peut en pâtir: M. Macron risque de voir sa popularité largement dépassée par celle de son protégé.
Mais surtout, les problèmes qu’a quittés la précédente première ministre demeurent. L’ouverture d’esprit et l’affabilité de Gabriel Attal, même si elles sont perçues dans l’opposition modérée comme plus favorables au dialogue que la rigueur austère de Mme Borne, suffiront-elles à convaincre une partie au moins de la droite, et/ou de la gauche, à rejoindre la majorité présidentielle, pour la transformer enfin en majorité parlementaire? Sauf ouverture spectaculaire dans la composition du nouveau gouvernement, rien n’est moins sûr.
De Maart
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