La première ministre française Élisabeth Borne a présenté sa démission au président Macron, qui l’a acceptée, a-t-on appris hier en toute fin d’après-midi par un tweet du chef de l’Etat (une procédure d’annonce d’ailleurs sans précédent, et dont la désinvolture a surpris). La nomination d’un nouveau premier ministre n’a pas été faite dans la foulée, contrairement à la tradition, certaines tractations semblant se prolonger à l’Elysée.
Cette démission, dont Mme Borne s’arrange d’ailleurs pour signaler dans sa lettre à M. Macron que c’est celui-ci qui la lui avait demandée, illustre la dégradation des rapports entre les deux têtes de l’exécutif, mais aussi, voire surtout, celle du climat interne au groupe parlementaire macroniste et au gouvernement. Et cela tout particulièrement après l’adoption de la réforme législative de l’immigration avec le concours du Rassemblement national, qui a embarrassé, voire choqué, l’aile gauche de la Macronie, certains ministres allant même jusqu’à menacer de démissionner (même si, finalement, un seul l’a fait).
Naturellement, et comme il est de tradition en de semblables circonstances, cette démission a donné lieu à un échange de compliments, de bons vœux et d’amabilités. „Madame la première ministre, chère Élisabeth Borne, votre travail au service de notre Nation a été chaque jour exemplaire. Vous avez mis en œuvre notre projet avec le courage, l’engagement et la détermination des femmes d’État. De tout cœur, merci!“, lui a écrit le président.
De son côté, Mme Borne s’est exprimée en ces termes: „Je me suis attelée à faire adopter, dans des conditions inédites au Parlement, les textes financiers dont la réforme des retraites, la loi relative à l’immigration et plus de cinquante lois qui répondent aux défis de la France et aux préoccupations des Français“. Ajoutant qu’il lui semble „plus que jamais nécessaire de poursuivre les réformes“.
L’Élysée n’avait pas encore fait connaître, hier soir, le nom du nouveau premier ministre qu’entendait nommer le chef de l’Etat, précisant même que pour l’instant, „Mme Borne va assurer, avec les membres du gouvernement, le traitement des affaires courantes jusqu’à la nomination du nouveau gouvernement“. Mais le nom le plus souvent évoqué est celui du jeune ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, qui a pour lui, à 34 ans et après un beau début de parcours politique, de nombreux avantages s’il s’agit d’incarner un renouveau politique, un nouveau dynamisme gouvernemental.
La vraie question
Il a cependant aussi un très paradoxal handicap: celui d’avoir réussi, plutôt bien pour l’instant, à faire passer en six mois d’exercice un nouveau souffle dans ce secteur éducatif, perçu comme mal en point à son arrivée. Serait-il, dans ces conditions, bien raisonnable de le dessaisir de ce si délicat et volumineux dossier après seulement un semestre? Ou même de le lui faire cumuler avec la charge toujours écrasante de Matignon, surtout en ce moment?
Et puis il lui faudra, de toute façon, obtenir la confiance du Parlement. En principe sur une traditionnelle „déclaration de politique générale“ au sujet de laquelle La France Insoumise a déjà annoncé – que ce soit M. Attal ou un autre qui succède à Mme Borne à Matignon, et quelle que doive être la composition de la prochaine équipe ministérielle, voire son programme – son intention de déposer une motion de censure. Le changement de premier ministre, et d’un certain nombre d’autres membres du gouvernement, ne paraît guère de nature à régler la très épineuse question de l’absence d’une majorité au Palais-Bourbon, sauf à imaginer qu’Emmanuel Macron ait finalement trouvé la formule magique parlementaire qui lui permettrait d’élargir enfin à son profit ladite majorité.
Tout cela à quelques mois d’élections européennes qui, à en croire les sondages, s’annoncent extrêmement difficiles pour le pouvoir, dont la liste de candidats est pour l’instant devancée de 12 points par celle du Rassemblement national, qui culmine à 31% contre 19. L’état de grâce du nouveau locataire de Matignon, si tant est qu’il se manifeste, risque donc d’être de relativement courte durée.
Quant à la popularité du chef de l’Etat, elle ne donne pas pour l’instant de signe tangible de redressement. Mais les nominations à venir permettront peut-être d’affiner le pronostic – après une longue période d’incertitude, voire de scénarisation des hésitations présidentielles, qui avait notamment été marquée, la semaine dernière, par l’annulation pure et simple du conseil des ministres.
De Maart
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