Techniquement, le dispositif de sauvetage de la réforme a été précisé lors d’un conseil des ministres réuni exceptionnellement dès mardi dans un climat qualifié par un des participants de „crépusculaire“. Une „commission mixte paritaire“, composée de sept sénateurs et de sept députés désignés au prorata approximatif de l’importance respective des groupes, va être réunie dès lundi après-midi, pour tenter de trouver un terrain d’entente entre les deux assemblées parlementaires. Mais comme le Palais-Bourbon a carrément refusé d’examiner le texte, on voit mal par quel soudain revirement il accepterait finalement d’y procéder, sauf si le nouveau texte était radicalement différent de l’ancien.
Autrement dit si, renonçant à vouloir contenter un peu tout le monde, le gouvernement se ralliait franchement soit à la vision de la droite, majoritaire au Sénat, soit à celle de la gauche, sur la question de l’immigration et les nombreux problèmes qu’elle pose. Il perdrait, dans le premier cas, le soutien de l’aile „sociale“ de sa majorité relative, mais pourrait gagner sur sa droite un appui substantiel, et inversement dans le second. Pour l’instant, telle n’est pas du tout la tonalité du discours présidentiel et ministériel.
Si, par un biais ou par un autre, avec ou sans un compromis trouvé par la commission paritaire, et avec ou sans l’appui de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, voire après un nouveau vote du Sénat, le projet de loi revenait en discussion plénière devant les députés, risquerait de toute façon de se poser très vite la question d’un énième recours à l’article 49-3 pour le faire adopter faute de majorité. Mais avec, cette fois-ci, un risque beaucoup plus élevé pour le gouvernement d’être renversé par une motion de censure, maintenant que le tabou du vote de l’extrême droite, de la droite, de la gauche et de l’extrême gauche pour un même texte a été levé lundi.
Dissolution, référendum?
Resterait la solution de l’appel aux électeurs, et cela sous deux formes possibles. La première consisterait à dissoudre l’Assemblée nationale, considérant qu’elle est, dans sa configuration actuelle, c’est-à-dire dépourvue de toute majorité – ni de droite, ni de gauche, ni macroniste – paralysante pour tout pouvoir et incapable d’en soutenir aucun. Mais cette solution est a priori rejetée par l’Elysée et ses supporters, lesquels savent bien qu’un nouveau scrutin législatif risquerait fort de réduire encore le macronisme parlementaire, et donner lieu, au contraire, à un raz de marée lepéniste. Le jeune Jordan Bardella, président du RN, ne s’offre-t-il pas déjà, d’ailleurs, comme „premier ministre de cohabitation“?
La seconde façon de jouer l’opinion (ou du moins ce que l’on croit en savoir) contre les élus serait le recours à un référendum, pour faire valider par le peuple ce qui n’a pu l’être, en tout cas pour l’instant, par les députés. Mais, outre qu’une éventuelle victoire du „oui“ ne réglerait aucunement la question de la majorité parlementaire, il y faudrait, sur un tel sujet de société, une révision constitutionnelle préalable qui dépendrait, elle, des parlementaires …
Au-delà, la crise qui s’est ouverte lundi pourrait bien marquer, sinon déjà la fin de Macron, bien sûr – son échéance reste celle de 2027 – du moins celle du macronisme tel que l’avait rêvé son promoteur en accédant à l’Elysée. Autrement dit, du règne du „en même temps“, consistant à (tenter de) faire fusionner au pouvoir ce qu’il y a de généreux à gauche et de réaliste à droite. Principe séduisant, mais dont la mise en œuvre s’est souvent traduite par une certaine incapacité à prendre des positions univoques et à s’y tenir, de crainte de mécontenter tantôt les uns, tantôt les autres. Et, au final, par un rejet quasi-général là où il espérait au contraire séduite un peu tout le monde, y compris à propos de ce projet sur l’immigration.
Quant à l’ambitieux Gérald Darmanin, qui se voyait déjà en remplaçant de Mme Borne à Matignon, puis, dans trois ans et demi, de leur commun patron à l’Elysée, il peut déjà s’estimer heureux que ce dernier ait refusé sa démission de ministre de l’Intérieur, et serait sans doute bien avisé de revoir à la baisse la suite de ses rêves politiques. Même si c’est là un domaine où, selon la formule consacrée, „on ne sait jamais“ …
De Maart
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