Contraction d’Engel et de Bartleby, ENGLBRT rappelle, par ses voyelles englouties, un groupe comme PVT (ex-Pivot) ou encore le titre d’un disque de Primal Scream, „XTRMNTR“. Il s’agit du duo composé par Niels Engel et Georges Goerens, nommé Bartleby. Pour les présenter, il faudrait d’abord les séparer.
D’un côté, il y a Niels Engel, l’homme mature du duo, le vieux sage. De formation classique, ce batteur a suivi vingt-cinq ans d’études, au Conservatoire d’Esch-sur-Alzette et de Luxembourg, puis au Conservatoire Royal de La Haye, aux côtés de Stefan Kruger ou Frits Landesbergen. Tentaculaire, Niels a fait s’entrechoquer ses baguettes sur bon nombre de batteries tant pour des ensembles de percussions que de clarinettes. Sans oublier bien sûr la multiplication des jam sessions qui lui ont permis aussi de se faire la main à la batterie et de ne pas la perdre. Si tant est que cela soit possible – dans son cas, le cœur bat tant que la batterie joue.
En face, Georges Goerens, le garçon pop; le chanteur de Seed To Tree, en plus d’en être le guitariste quand ses doigts ne se faufilent pas sur les touches du clavier. Bien connu du Grand-Duché et ayant triomphé à la Rockhal en 2015, le groupe luxembourgeois s’exporte dans divers festivals. Ce n’est pas tout. Tentaculaire autant que son acolyte, Georges, au sein de Bartleby Delicate, élabore des mélopées folk électro gorgées de mellotron et de guitares réverbérées; le mélange pourrait renvoyer à Grandaddy ou Bright Eyes (le chef-d’œuvre „Digital Ash In a Digital Urn“), mais les influences sont plutôt à situer du côté de Big Thief, Bon Iver ou Radiohead. Conséquences: la précieuse reconnaissance d’un collègue folkeux, Tom Rosenthal et une belle poignée de concerts dans toute l’Europe. Avec ENGLBRT, Niels Engel et Georges Goerens reviennent à la maison.
Beaux accords
Leur rencontre a lieu en novembre 2020. Georges Goerens croise Niels Engel qui enregistre les morceaux du dernier projet de Jérôme Klein, au Holtz Studio, chez l’ingénieur du son et producteur Charles Stoltz. Engel propose à Goerens des sessions de jams et là, un dialogue s’opère. Il s’agit plus précisément d’un bel échange musical – ils s’entendent très bien, oui. Très vite, Georges et Niels se rendent compte qu’ils sont des âmes frères. Au passage, il est intéressant de noter combien le champ musical résonne avec celui du coup de foudre, qu’il soit amoureux ou amical: les accords, la même longueur d’onde, l’harmonie. Ils décident alors de se mettre ensemble. Et cette fusion ENGLBRT de rappeler alors une autre contraction, celle du couple Christina Mosey et Maurizio Arcieri, connu sous le nom de Chrisma. La période de pandémie leur laisse tout le temps de conjuguer leur savoir-faire et de creuser la couleur musicale du projet, d’expérimenter à la fois avec la maturité acquise chacun de son côté et comme s’ils repartaient de zéro. C’est parce qu’ils s’accordent qu’ils se complètent. Niels apporte son background académique, une vision intellectuelle – voire théorique – de la musique là où Georges insuffle une spontanéité pop, l’instinct d’aller vers l’essentiel; les deux pôles, en se phagocytant, s’équilibrent.
Entre mai et juin 2021, le duo se coupe du monde et file en résidence au centre culturel Kulturfabrik, et ce quelques mois avant que Georges y travaille en tant que programmateur littérature et performances pluridisciplinaires. Avec leur premier EP „Odes To Everything“ sorti cette année, les deux inséparables trouvent la formule magique: la batterie virtuose et déchaînée d’Engels stimule le délicat songwriting de Georges et ses paroles introspectives, en plus de ses mélodies brumeuses, le tout enrobé d’un soupçon d’électronique. Il y a avec ENGLBRT, comme c’était le cas chez Bartleby, la vie au ralenti, les souvenirs suspendus à un film; après une caresse, des saturations de guitares comme des points de côté qui compressent. On dirait parfois que Georges pleure quand il chante, la batterie est engourdie, les riffs s’emberlificotent, et la voix s’efface au loin, ne laissant que la trace du soupir. Il y a surtout avec ce duo une précision tant rythmique que mélodique, une atmosphère intimiste qui n’empêche pas un déploiement pop puissant – même les morceaux inédits qui seront joués ce soir passeront pour des tubes tant ils en contiennent l’évidence.
Infos
En concert ce lundi à 20.30 h aux Rotondes à Luxembourg-ville, en première partie de Water From Your Eyes.
De Maart
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