„Hi Now Hello“ remonte à l’enfance, non pas l’album, mais son titre. L’anecdote est aussi touchante que cocasse. Florence Besch, alors attachée à un précieux compagnon, son walkman, a prononcé d’un coup „Hi Now Hello“ sur une cassette, par-dessus une chanson. On imagine la Luxembourgeoise vouloir s’immiscer dans ladite chanson pour se lancer dans un duo imaginaire. Ce titre, „Hi Now Hello“, c’est aussi une manière polie de dire bonjour à la musique. Florence est passée de l’autre côté de l’audio; ce sont désormais les auditeurs qui peuvent poser leur voix par-dessus ses chansons. Cela a été le cas au „Gudde Wëllen“ le jeudi 19 octobre. Il ne s’agissait pas de Florence and The Machine, mais bien de Florence et ses musiciens. Durant sa prestation intimiste, la Düsseldorfoise d’adoption a joué de l’indie-folk ou, pour la paraphraser, de la dream grunge, les cordes en avant, parfois au détriment des notes de synthés enveloppants. Ce voyage entre les murs a démontré la qualité du songwriting de Florence Besch; ses morceaux sensibles peuvent être fredonnés juché sur un tabouret de cuisine ou affalé dans le sable pendant l’été indien.
Après un EP prometteur en forme de faux adieu, „Bye Bye Blinders“, „Hi Now Hello“ révèle, depuis la première guitare électrique de l’artiste, une évidente fluidité, comme si Florence Besch avait fait cela toute sa vie. Florence a pris son temps pour aller vers le synthétique, tant dans la brièveté de ses vers que dans la texture sonore. Si la Luxembourgeoise écrit, compose et interprète des chansons soyeuses, dont le haut niveau nous place en apesanteur, elle sait aussi regarder la réalité dans les yeux.
Engagements et apaisements
Écrite à l’occasion de la Journée internationale des femmes, „Decisions“ est une chanson sur l’émancipation féminine. Si, en écoutant Florence Besch, on peut penser à Julia Jacklin ou Beach House, pendant longtemps, l’artiste a écouté surtout des artistes masculins; en manque de timbres féminins sur lesquels sa voix pourrait faire écho, il lui paraissait alors presque inconcevable d’être interprète. „I’ll Be Your Mirror“ chantait Nico, et Florence Besch a trouvé petit à petit son reflet à travers des femmes telles que la chanteuse allemande du Velvet, à laquelle peuvent s’ajouter Joni Mitchell, Kate Bush, Courtney Love, Dido, jusqu’à Björk. Sans oublier la révélation Alice Phoebe Lou dont Florence a adopté la démarche, se faisant la main à la guitare et la voix dans les rues et les bars.
„Hi Now Hello“ s’inspire aussi du quotidien et de ses symboliques. Ainsi, les pâtes fusilli peut renvoyer à la boucle de la vie, de même qu’un spaghetto plié en huit aurait pu dessiner le signe de l’éternité. Sur de puissantes notes de basse, „Feeling Sick“ aborde la santé mentale. Le clip montre des mains qui freinent tout élan, tels des fantômes parasites qui paralysent: ce sont les pensées négatives qui empêchent de vivre. Mais la composition, pleine d’entrain, permet de dégager ces mains.
Grâce au dynamisme de la rythmique et à une voix veloutée, la musique de Florence Besch peut procurer une grande relaxation, si l’on ajoute l’utilisation du kalimba, l’instrument idiophone d’Afrique subsaharienne lié notamment à la méditation. À ce propos, sa „Lullaby For The Fried Man“ apaise et justifie à elle-seule le qualificatif de dream pop – ou dream grunge. Là où le punk est un défouloir pour le corps, la dream pop peut faire office de massage au cœur. Et les histoires de musique finissent bien quand l’amour triomphe: il y avait „Lovely Little Lovesong“ dans „Bye Bye Blinders“, la dernière piste de „Hi Now Hello“ s’intitule „Lovesong“. Cette chanson est aussi belle qu’une lettre qui se termine par „Je t’aime“. On a alors envie de pleurer, de bonheur.

Tu as commencé à jouer de la guitare et à chanter très jeune: tu étais prédestinée à devenir musicienne et chanteuse.
Florence Besch: J’ai eu ma première guitare électrique à onze ans, puis j’ai reçu une guitare acoustique. Au début, je faisais des reprises; c’est quand je suis partie vivre en Allemagne que j’ai commencé à jouer et à écrire des chansons. Mais j’ai toujours chanté. Il m’est impossible d’imaginer une vie sans musique.
„Feeling Sick“ parle de dépression et du droit de ne pas toujours aller bien. C’est une réaction à la société régie par l’apparence, les réseaux sociaux?
„Feeling Sick“ parle de la santé mentale en général. C’est une chanson qui cherche l’espace pour soi-même, pour pouvoir être honnête, accepté, en sécurité. C’est aussi une réaction à l’idée qu’il faille toujours aller bien, être souriant, mais sans forcément lier tout cela aux réseaux sociaux, plutôt à la réalité quotidienne.
D’après toi, la musique peut-elle fonctionner en tant que thérapie?
Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose dans ce monde qui puisse faire office de thérapie à part la thérapie elle-même. La musique, pour moi, c’est comme manger, boire de l’eau, respirer – sans la musique, il me manque quelque chose d’essentiel.
„Decisions“ a été écrite à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Tu poses la question: „Why care for everyone but me?“. Écrire, composer, chanter, c’est une réponse à cette question, non?
En effet, écrire de la musique est un soin personnel. Cela serait génial si les hommes pouvaient faire un pas en avant et s’occuper de leurs problèmes, du ménage, des enfants, des personnes âgées, des relations, des amis; s’ils pouvaient être actifs plus souvent et pas seulement réactifs.
Peux-tu m’en dire plus à propos du texte de „Microman“?
„Microman“, c’est l’homme ignorant, tourné vers le passé, qui vit comme un roi. L’homme toxique moyen, accepté et célébré par la société pendant trop longtemps, responsable de la misère qu’il critique.
Une de tes chansons s’intitule „The Screaming Lady“: qu’est-ce qui te donnerait envie de crier aujourd’hui?
La haine, la brutalité et l’ignorance de l’être humain.
Dream pop, c’est un terme qui colle bien à ta musique, par rapport aux sonorités, mais aussi aux paroles.
Peut-être dream pop, peut-être dream grunge? Sans rêve, il n’y a pas de passé ni de futur. Le monde des rêves est sans fin.
Düsseldorf, où tu vis, est une ville emblématique pour le krautrock et la musique électronique avec des pionniers comme Kraftwerk, Neu! ou DAF. Quel est ton rapport à l’électro?
Je ne suis pas fan du genre, mais je n’ai rien contre. C’est bien pour danser et c’est important pour le développement de la musique.
L’album s’achève sur „Lovesong“: quelle est ta chanson d’amour préférée?
„Because the Night“ de Patti Smith et „True Love Will Find You in the End“ de Daniel Johnston. Ces deux chansons honorent l’amour d’une façon différente, mais elles me font ressentir profondément ce sentiment. L’amour est toujours la réponse.
De Maart
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