Consentant ainsi, mais bien tard, à l’inévitable. L’évolution de la situation des Français qui étaient restés au Niger après le coup d’État, qu’il s’agisse des militaires ou des diplomates, était prévisible; et cette situation a rapidement confirmé son caractère intenable, sur ce double front.
On comprend bien, certes, le raisonnement qui avait d’abord conduit Paris à s’y refuser: puisque le pouvoir des putschistes n’a aucun fondement légal, et a été établi par la force en renversant le président Bazoum régulièrement élu, seul le chef légitime de l’Etat nigérien est habilité à statuer sur la présence française dans son pays. Le problème étant que ce raisonnement, impeccable sur le plan juridique, a été tenu en échec par la junte militaire. Et qu’il ne pouvait être question, pour la France, de le faire prévaloir par la force, sauf à se lancer dans une guerre qui aurait aussitôt été ressentie comme néo-coloniale, et aurait ruiné ce qu’il pouvait encore rester de crédit à Paris en Afrique. Un (reste de) crédit que le président Macron pensait mieux protéger en refusant de plier bagage qu’en obtempérant aux injonctions de la junte …
A quoi s’ajoutait le fait qu’on a, un temps, espéré du côté français que d’éventuelles dissensions parmi les putschistes, et surtout une intervention militaire de la Cedeao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), laquelle en menaçait très explicitement les nouveaux maîtres du pouvoir à Niamey, pourrait conduire ces derniers à leur chute dans un délai assez bref. Mais il n’en a finalement rien été, l’organisation inter-africaine ne sortant d’ailleurs pas grandie de ses menaces non suivies d’effet, qui se seront finalement révélées n’être qu’un assez pitoyable coup de bluff.
Négociations sur le rapatriement
Pendant ce temps, durant lequel la junte militaire organisait maintes manifestations populaires „spontanées“ contre la présence française, celle-ci devenait de moins en moins tenable. Encerclé dans ses locaux diplomatiques, l’ambassadeur de la France, Sylvain Itté, réduit à s’alimenter, ainsi que ceux de ses collaborateurs qui l’entouraient encore, de rations militaires, et coupé de tous ses contacts habituels, ne servait plus à rien – si ce n’est de symbole, de plus en plus vulnérable, d’autant plus que le nouveau régime lui avait retiré son immunité diplomatique.
De même pour les quelque 1.500 soldats français confinés dans leurs baraquements, devant lesquels, dans la capitale du moins, avaient également lieu des manifestations hostiles, et qui, depuis deux mois, étaient condamnés à une inaction totale à la suite de la rupture de l’accord franco-nigérien de coopération militaire. Certes, à Niamey même, leur situation matérielle, en particulier sur le plan des réserves d’eau, de fuel et de nourriture, restait tenable un moment encore. Mais celle de petits postes isolés, comme à Ayorou ou à Ouallam, devenait plus précaire, outre les risques d’un encerclement toujours possible.
Il devenait donc indispensable de rapatrier ce dispositif, tant diplomatique que militaire; et c’est qu’a annoncé dimanche soir Emmanuel Macron, au détour d’une interview principalement consacrée à d’autres sujets. Le problème étant pour lui qu’en ayant ainsi attendu de ne plus avoir le choix, ce départ des Français, qui aurait pu se faire avec un certain panache peu après le coup d’État, passe maintenant pour une sorte de capitulation. Une capitulation dont Partis va devoir, de surcroît, négocier les modalités avec un régime à qui il dénie, à raison, toute légitimité démocratique. Avec pour ambition d’achever le rapatriement des troupes d’ici décembre: la France avait connu, y compris depuis la décolonisation, des rêves africains plus exaltants …
Les appétits russes et chinois
Car c’est bien la quasi-totalité de la politique française en direction de l’Afrique qui, en quelques années, s’est trouvée démantelée, avec, en point d’orgue de ce processus de désagrégation, la crise actuelle avec le Niger. Et cela en dépit d’un discours assez brillant de l’homme qui venait alors de conquérir l’Elysée, et dans lequel, à Ouagadougou en 2017, il annonçait l’abandon de la „Françafrique“ au profit d’un nouveau partenariat entre Paris et le continent noir. Or ces dernières années, l’Afrique francophone a été le théâtre d’une épidémie de coups d’État militaires: au Mali, en Guinée, en Centrafrique, au Burkina Faso, au Niger, au Gabon … Le phénomène n’est pas nouveau, mais cette accélération aura évidemment eu de quoi bouleverser la donne.
D’autant plus que ces changements de pouvoir, sur place, auront plus d’une fois abouti au départ des diplomates et/ou des militaires français, lesquels avaient pourtant été appelés au secours, littéralement, par différentes capitales. Avec une mention particulière pour Ouagadougou qui se trouvait alors sous la menace directe des colonnes djihadistes. L’intervention française, dont l’opération Barkane, n’aura pas suffi à éradiquer le péril terroriste islamiste, mais du moins permettait-elle de le tenir relativement à distance dans l’immense désert sahélien.
Voici donc désormais ces pays sensiblement moins protégés, alors même que se profile pour eux un autre péril, moins militaire, mais plus politique: ce qu’il faut bien appeler le néo-colonialisme russe, d’abord sous le couvert de Wagner, puis plus ouvertement. Mais aussi les appétits économiques de la Chine, avec qui le continent réalise d’ores et déjà quelque 18% de son commerce extérieur, contre un modeste 4% avec la France, pourtant accusée par les putschistes de Niamey de „piller les ressources de l’Afrique“ …

De Maart
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