Donnerstag13. November 2025

Demaart De Maart

FranceLes propos de Macron sur Taïwan suscitent l’inquiétude et l’incompréhension

France / Les propos de Macron sur Taïwan suscitent l’inquiétude et l’incompréhension
Le président français Emmanuel Macron à l’université Sun Yat-sen à Guangzhou: Ses propos tenus pendant son retour de sa visite d’Etat en Chine sèment l’incompréhension chez les partenaires occidentaux Photo: AFP/Ludovic Marin

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Les propos tenus par M. Macron devant des journalistes, dans l’avion qui le ramenait de Chine à l’issue de sa visite d’Etat, ont soulevé un tollé chez les Occidentaux, de part et d’autre de l’Atlantique. Le président français y déclarait notamment, à propos de Taïwan, que l’Europe „ne doit pas se laisser entraîner dans des crises qui ne sont pas les siennes“, et qu’il lui faut „se garder de suivre la politique américaine par une sorte de réflexe de panique“.

Décidément, la tournée chinoise du chef de l’Etat aura été, jusqu’à ce vol de retour inclus, bien improductif. Contrats commerciaux mis à part – ce qui, certes, n’est pas rien, en particulier pour Airbus, mais ne constituait pas le cœur politique du voyage – ce dernier semble bien avoir été ce qu’à Berlin l’influent député CDU Norbert Röttgen, très impliqué dans les dossiers diplomatiques, a carrément appelé „un désastre de politique étrangère“, qui „isole de plus en plus Macron en Europe“.

Déjà, en effet, le bilan diplomatique de cette visite d’Etat semblait extrêmement faible par rapport aux attentes de l’Elysée. A aucun moment en effet, le président français n’a obtenu de son puissant hôte Xi Jinping la moindre promesse d’une intervention politique auprès de Vladimir Poutine pour tenter de modérer ses ardeurs guerrières, voire le faire renoncer à poursuivre l’invasion de l’Ukraine. Il y avait d’ailleurs quelque naïveté à l’espérer dans le contexte actuel, après la récente rencontre plus que chaleureuse entre les deux dictateurs.

Mais le pire restait à venir. Sitôt Macron rentré en France, et pour „punir“ la présidente taïwanaise, Tsaï Ing-wen, de sa visite à Washington, Xi Jinping s’est empressé de lancer une très vaste démonstration de force militaire (avec 12 bateaux de guerre dont un porte-avions, et 91 avions) contre Taïwan. Il ne s’agissait certes que de manœuvres simulant un encerclement de la petite démocratie insulaire et prospère que Pékin considère comme sa „23e province“, et ne se cache pas de vouloir envahir un jour.

Le rapport avec l’Ukraine

Le dictateur chinois ne pouvait plus explicitement montrer le peu de cas qu’il faisait des appels à la modération et au dialogue que son visiteur français le pressait de prodiguer à Poutine. Et rappeler au monde qu’il comptait bien, le moment venu, appliquer à Taïwan – avec si possible, doit-il espérer, plus de succès – la brutalité expéditive que son homologue russe tente de déployer contre l’Ukraine.

Personne ne paraît d’ailleurs s’y être trompé en Occident, si tant est qu’il y eût quelque doute que ce soit à cet égard. Sauf Emmanuel Macron, auquel le lien entre les menaces pesant sur Taïwan et la tentative d’invasion frappant l’Ukraine semble rester étranger. Car c’est bien là ce que lui reprochent principalement tant l’opposition française, en dehors des éléments pro-russes aux deux extrêmes de l’échiquier politique, que les partenaires européens et américains de la France.

A Paris, beaucoup de commentateurs relèvent qu’en suggérant aux Etats-Unis de ne pas se mêler des affaires européennes, en particulier en matière de sécurité, le locataire de l’Elysée paraît oublier que la protection de l’Ukraine, pays éminemment européen, dépend de manière prépondérante de l’implication américaine, ce qu’on n’a évidemment pas manqué de lui rappeler aussitôt à Washington. Et qu’il en sera ainsi aussi longtemps que l’Europe ne disposera pas d’une défense intégrée puissante. On redoute en outre, côté français, que M. Macron n’ait ainsi rendu service à Poutine – comme naguère avec ses démarches téléphoniques aussi insistantes qu’infructueuses – mais aussi affaibli sensiblement la position de Paris en Europe de l’Est, et bien sûr à Berlin, Londres, Washington … et Bruxelles.

La France et la zone indo-pacifique

A quoi s’ajoute pour la France une autre raison de ne pas se désintéresser de Taïwan, que M. Macron semble aussi avoir oubliée. Elle se veut, du fait de la présence d’un certain nombre de ses territoires d’outre-mer, et des zones maritimes qui en découlent, une puissance de la zone indo-pacifique. Et elle n’a donc aucun intérêt à voir Pékin y faire la police, ni à laisser aux seuls Américains, sans même parler de l’indépendance taïwanaise, le soin de faire respecter la liberté de navigation dans les eaux internationales de la mer de Chine. Liberté qui, de toute façon, conditionne celle de tout le commerce maritime dans la région: comme l’a rappelé le porte-parole du parti démocrate progressiste de Taïwan actuellement au pouvoir, Hsieh Pai-Fen, „nos amis européens doivent comprendre que la sécurité de la zone indo-pacifique les concerne directement“.

Les réactions politiques et médiatiques françaises aux propos présidentiels sont sans doute d’autant plus vives que ceux-ci ont été prononcés à l’issue d’un voyage officiel perçu comme particulièrement décevant. Et, peut-être plus encore, dans une période où la cote de popularité d’Emmanuel Macron est au plus bas, de sorte que la tentation est grande de considérer que décidément, en ce moment rien ne lui réussit. Sentiment qui semble d’ailleurs gagner jusqu’à certains élus macronistes.

Le chef de l’Etat consacre beaucoup de son temps et de son énergie à l’international; trop, même, disent ceux qui aimeraient le voir s’intéresser un peu plus à la politique intérieure française. Mais s’il compte sur ses activités diplomatiques pour redorer son blason, et l’aider à tourner enfin la page de la crise des retraites, pour l’instant cette stratégie ne semble guère fructueuse.