La décision de la France est justifiée par d’évidentes considérations humanitaires – d’autant plus que l’état sanitaire de nombre de ces migrants recueillis en mer par l’Ocean Viking commençait, pour les quelque cinquante enfants en particulier, à se dégrader dangereusement. Mais si elle est saluée par les organisations qui prennent traditionnellement en charge ces rescapés, et d’une manière générale par les partis de gauche, elle n’en suscite pas moins au contraire de vives critiques à l’extrême droite, et même dans la droite plus modérée.
Marine Le Pen, présidente du groupe du RN à l’Assemblée nationale, a ainsi défendu le choix de l’Italie, assurant qu’à sa place elle „aurait pris la même décision“. „Il faut que ces navires qui mettent en sécurité les migrants récupérés en mer les ramènent à leur port de départ“, a-t-elle ajouté. Eric Zemmour s’est quant à lui rendu à Toulon, où il n’a pas manqué de fustiger cette décision d’accueil. Et Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a accusé M. Macron d’envoyer „un signal irresponsable“, car la France, a-t-il estimé, „continue de céder au chantage des passeurs et des organisations qui se font leurs complices“.
Sans aller jusque là, différents commentateurs soulignent qu’en juin 2018, refusant à un autre navire humanitaire, l’Aquarius, et à ses 629 passagers, le droit d’accoster en France, plus précisément à Marseille, Emmanuel Macron avait au contraire tenu tête au ministre de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, qui venait de les refouler. Il appelait alors à „ne pas céder à l’émotion et aux déclarations d’estrade“, et refusait de „voir les choses par le petit bout de la lorgnette“.
Les avantages du port militaire
Il est vrai que, depuis, la situation politique intérieure française a changé, si en Italie elle a au contraire largement conforté l’extrême droite. Et que le chef de l’Etat – on peut l’imaginer sans mettre en doute pour autant la générosité de ses intentions – n’était sans doute pas mécontent de montrer à la NUPES, dont l’aile la plus modérée, celle du PS, reste ouverte à un certain dialogue, qu’il sait aussi avoir le cœur à gauche, quitte à braver les foudres de la droite.
Le choix du port militaire de Toulon, d’accès quasi impossible aux médias, lui permet en outre de souligner que la situation de ces migrants va rester sous contrôle. D’autant plus que leur nombre reste bien modeste par rapport aux dizaines de milliers de postulants à l’immigration qui, légalement ou non, entrent dans l’Hexagone chaque année. Il est vrai que ce choix a aussi été, très probablement, renforcé par l’offre d’accueil général lancée par les autorités autonomistes corses: il n’était évidemment pas question de les laisser défier Paris en inaugurant ainsi une sorte de diplomatie propre …
En attendant, les relations de Paris avec Rome sont évidemment devenues, en 48 heures, plus que maussades. D’autant que nombre d’éditorialistes, côté français, soulignent combien la fermeté de la nouvelle présidente du conseil italienne, Giorgia Meloni, a été payante, de son point de vue, face à l’esprit finalement conciliant de l’Elysée. Ce raidissement s’est notamment traduit, dès hier matin, par le rétablissement de sévères contrôles à la frontière entre les deux pays, avec le déploiement de quelque 500 gendarmes supplémentaires. Et il aura, laisse-t-on entendre à Paris, des répercussions sur les prochains arbitrages européens.
De Maart
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