C’était lors d’une séance de questions des élus au gouvernement. Le député mélenchoniste Carlos Martens Bilongo, qui est noir et d’origine congolaise, interpellait les ministres à propos du bateau de l’organisation humanitaire SOS-Méditerranée Ocean Viking venant en aide aux migrants clandestins, qui transporte en ce moment 234 d’entre eux sauvés en mer, et attend de pouvoir les débarquer en Europe.
„Qu’ils retournent en Afrique!“, s’est alors exclamé de son banc M. de Fournas – ou plutôt, selon lui, au singulier: „Qu’il retourne en Afrique!“, car il assure avoir parlé du bateau plutôt que de ses occupants, même si cela, bien sûr, revient au même. Mais le profil personnel de celui qu’il interrompait ainsi dans son interpellation au gouvernement a fait qu’à tort ou à raison, l’Assemblée dans sa large majorité a considéré que c’était de son collègue d’origine africaine qu’il parlait ainsi, avec autant de véhémence que d’indélicatesse, pour ne pas dire plus. Et qu’il s’agissait bien d’un propos raciste.
La stupeur et l’indignation se sont donc aussitôt emparées de tous les bancs sauf ceux du Rassemblement national, et la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, „compte tenu de la gravité des faits“ et de „l’émotion légitime“ suscitée par ces propos, a aussitôt – procédure rarissime – prononcé une suspension de la séance avant de la clore, et annoncé la convocation en urgence du bureau pour décider d’une éventuelle sanction à prononcer contre le député RN.
„Censure avec exclusion temporaire“
Cette réunion n’a en fait eu lieu qu’hier après-midi, et elle s’est soldée par ce que l’on appelle une „censure avec exclusion temporaire“, soit l’interdiction de paraître au Palais Bourbon pendant quinze jours de séance, et la privation de la moitié de son indemnité parlementaire pendant deux mois. Le groupe lepéniste a, sans surprise, voté contre. C’est seulement la seconde fois, depuis le début de la Ve République, qu’une telle mesure est adoptée contre un élu; le premier cas avait été celui de Maxime Gremetz, apparenté communiste, en 2011, dans une affaire beaucoup moins sensible.
Le président Macron lui-même s’est dit „heurté“ par „les propos intolérables“ tenus par Grégoire de Fournas, lequel, de son côté, estime être victime d’une manipulation de La France Insoumise qui cherche, a-t-il dit, „à dénaturer mes propos pour me faire tenir des propos dégueulasses [sic!] vis-à-vis d’un collègue député français de la Nation qui a la même légitimité que moi sur ces bancs“; formulation qui, si elle est sincère (et abstraction faite de sa grossièreté), semble montrer qu’il pourrait bien avoir plus péché par sottise et inconscience, l’une et l’autre extrêmes, que par véritable racisme.
Il n’empêche: presque toute la classe politique et médiatique non extrémiste a exprimé une très compréhensible émotion. Au grand dam de Marine Le Pen qui, dit-on, ne décolère pas contre son encore jeune élu, viticulteur élu du Nord de la région bordelaise, et qui inaugure ainsi bien mal sa carrière politique. Car quelle que soit la réalité des intentions de leur auteur, des propos prêtant autant le flanc à une lecture raciste – et même, s’ils visaient personnellement Carlos Martens Bilongo, scandaleusement raciste – ne peuvent que nuire, le mot est encore faible, aux efforts de „dédiabolisation“ qu’elle poursuit, avec jusque-là un certain succès électoral, depuis de nombreuses années déjà.
De Maart
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