La déconstruction de l’école publique (II)

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La réponse face aux difficultés ne peut en aucun cas consister en un nivellement vers le bas, mais elle doit apporter une aide appropriée aux plus vulnérables. Cela a évidemment un coût et il me semble que c’est là où le bât blesse.

Même si les recommandations de l’OCDE soulignent la nécessité d’investir dans l’école publique, elles insistent également sur une comparaison entre le coût et l’efficacité du système éducatif des différents pays. Une efficacité mesurée à l’aune de ses propres critères évidemment! Nous l’avons vu précédemment, ces critères ne tiennent pas compte du temps consacré aux apprentissages de langues étrangères.

Par ailleurs, il y est fortement insisté sur l’implication des parents dans la réussite scolaire de leurs enfants. Cette recommandation largement diffusée et reconnue comme le facteur le plus important pour la réussite scolaire des enfants a engendré au Luxembourg les nouveaux bilans, remaniés à plusieurs reprises et les entretiens trimestriels avec les parents.
Lors de ces entretiens les parents sont souvent invités à soutenir leurs enfants dans leurs apprentissages.

Le rôle des parents

A l’opposé de l’école primaire du passé où les parents n’étaient guère sollicités, sauf quand leur enfant rencontrait des difficultés majeures, mais où ils étaient souvent plus disponibles pour demander aux enfants ce qu’ils avaient appris dans la journée, révisant ainsi les cours sans s’en apercevoir, l’école fondamentale d’aujourd’hui exige de plus en plus la participation de parents de moins en moins disponibles. Cela est évidemment source de conflits et de mécontentement de part et d’autre.

L’école publique doit ainsi faire face à des demandes très diverses de la part des parents, mais elle dispose de moins en moins de moyens pour y faire face.
Dans cette situation les écarts entre les performances et les compétences des élèves se creusent encore un peu plus. Le maître mot pour y répondre est la différenciation.
Ainsi donc chaque élève travaille à son rythme, sauf qu’à la fin du cycle 4, la sélection pour la poursuite des études dans l’enseignement secondaire se fait sur des critères qui sont les mêmes pour tous.

Les parents les plus avisés se renseignent donc assez tôt sur les chances de réussite scolaire de leurs enfants.
Cela commence souvent dès le cycle 1. Si les réponses de l’école ne sont pas satisfaisantes, si l’école mentionne de surcroît des difficultés à répondre aux besoins particuliers des différents élèves, ces parents s’en trouvent vite alarmés et cherchent des solutions ailleurs. Surtout s’ils ont des moyens pour payer des cours complémentaires ou une école privée. Avec un subventionnement généreux, complété par des droits d’inscription adaptés aux moyens du public visé par cette offre scolaire, ces écoles privées sont en mesure d’offrir un encadrement plus complet et un enseignement plus efficace s’adressant à un public plus homogène.

Un avantage aux écoles privées

Au cours d’une quinzaine d’années, tous les instruments ont été mis en place pour offrir aux écoles privées un avantage dans la concurrence avec l’école publique qui avant les années 2000 était trop performante pour permettre le développement d’une offre privée. Dorénavant, il s’agit surtout de motiver les parents qui le peuvent à investir dans les études de leurs enfants!
Apprendre ensemble, dans des lieux fréquentés par toutes les classes sociales, rencontrer les mêmes enseignants, cela crée des liens et une histoire commune. Cela permet de se comprendre au-delà des inégalités sociales qui nous font vivre souvent dans des univers différents. Tout porte à croire que cela n’est plus désiré.

Un certain mode de gouvernance qui regarde avec satisfaction ou impuissance les écarts se creuser, considère probablement le délabrement de l’école publique comme une nécessité.
Le système scolaire dans son ensemble deviendra de cette façon probablement plus efficace selon les critères de l’OCDE, puisqu’il n’investit dans les enfants que ce qui est nécessaire pour ce qu’on attend d’eux en terme d’employabilité, faisant dès le fondamental le tri entre ceux qui auront à connaître toute la complexité du monde et ceux destinés aux tâches plus répétitives. Le tout permettant au passage d’ouvrir à la marchandisation l’éducation des enfants des classes les plus aisées.

Reste à savoir jusqu’à quand les classes moyennes continueront à soutenir cette politique, qui à moyen terme fera d’eux les grands perdants.

La déconstruction de l’école publique (I)

Monique Adam, présidente de la Fédération générale des instituteurs luxembourgeois (FGIL)