FranceLa candidature de Christiane Taubira accroît la confusion à gauche

France / La candidature de Christiane Taubira accroît la confusion à gauche
Christiane Taubira a affirmé vouloir répondre „aux colères“ face aux „injustices sociales“ Photo: AFP/Geoffroy van der Hasselt

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Christiane Taubira avait promis de clarifier sa position à la mi-janvier et a officialisé samedi sa candidature à la présidentielle – au risque de la gauche encore davantage.

Après un mois d’un faux suspense qui avait depuis longtemps cessé de mobiliser les médias, mais qui continuait d’exaspérer les candidats de gauche à la présidentielle, l’ancienne ministre de la Justice de François Hollande, Christiane Taubira, s’est officiellement déclarée, samedi à Lyon, candidate à l’Elysée. Mais dans des conditions qui ne semblent devoir ramener ni clarté ni unité à gauche.

„Je ne me présenterai pas pour ajouter simplement un nouveau nom à la liste des candidats“, avait déclaré Mme Taubira en annonçant qu’elle „envisageait“ de concourir. Un mois plus tard, le résultat est cependant clair: le nombre des postulants de cette famille politique est désormais passé à neuf, en comptant les représentants de toutes ses nuances, dont deux pour la seule mouvance trotskiste.

Il est vrai que l’ancienne ministre subordonne son engagement définitif au fait de sortir vainqueur de la „primaire populaire“ organisée par deux amis, Mathilde Imer et Samuel Grzybowsli, pour rassembler le „peuple de gauche“ face aux divisions entre partis, et imposer enfin l’union à ces derniers. Le problème étant que cette démarche basiste, qui rassemble pour l’instant environ 250.000 personnes inscrites pour participer à ce scrutin sur Internet, semble étrangement incohérente, pour ne pas dire absurde.

Car les „candidats“ qu’elle prétend mettre en lice ont à peu près tous fait savoir qu’ils ne s’y présenteraient pas, qu’ils n’y croyaient pas, que le système leur semblait complètement biaisé et qu’ils ne tiendraient aucun compte de son résultat, autrement dit qu’ils maintiendraient leur candidature respective. Chacun avait pour cela une bonne raison.

Jadot: „Une forme de tromperie“

La socialiste Anne Hidalgo, si contestée que soit sa gestion de maire de Paris, a été investie par son parti. De même pour le communiste Fabien Roussel. Le Vert Yannick Jadot s’est déjà soumis à une vraie primaire, d’ailleurs difficile puisqu’il ne l’a remportée que d’un cheveu, et considère la „primaire populaire“ comme „une forme de tromperie.“ Jean-Luc Mélenchon, qui est en tête des intentions de vote de la gauche avec environ 8 à 9% (soit dit en passant, cela représente le double, voire le triple, de Mme Taubira dans les sondages), fait campagne depuis plus d’un an et ne voit pas pourquoi s’arrêter là.

Seul l’ancien ministre Arnaud Montebourg, qui plafonne obstinément autour de 1 à 1,5%, songerait, dit-on, à se retirer en faveur de son ancienne collègue du gouvernement. En principe au nom de l’unité de la gauche, mais surtout pour s’éviter une humiliation.

C’est dire que cette pseudo-primaire a toutes chances de plébisciter Christiane Taubira, mais que l’affaire risque, sauf surprise, de ne guère bouleverser la donne. Même si l’un des slogans de ses organisateurs affirme crânement: „Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin“ …

A défaut de conquérir l’Elysée …

L’ex-garde des Sceaux n’est pourtant pas sans qualités, outre que le fait d’être une femme et de venir de l’outre-mer, en l’occurrence de Guyane, donnerait évidemment à son élection, pour l’instant plus qu’hypothétique, un éclat particulier à gauche. C’est une oratrice brillante et cultivée, et une femme qui a dû faire preuve d’un caractère bien trempé pour s’imposer „dans un univers politique dominé par les hommes blancs“, soulignent ses thuriféraires.

Mais c’est aussi un personnage à l’ancrage de gauche variable, même s’il semble en ce moment très solide. Elle a ainsi participé à l’opération lancée par François Mitterrand contre Michel Rocard aux élections européennes de 1994, aux côtés de Bernard Tapie qui faisait alors figure de patron de choc. L’année précédente, elle avait voté l’investiture au gouvernement Balladur. Et lors de la présidentielle de 2002, sa candidature, divisant – déjà ! – les voix de gauche, avait contribué à l’élimination de Lionel Jospin pour le second tour, permettant une réélection facile de Chirac face à Le Pen.

Les sondages des prochains jours, sans même attendre la consultation, prévue du 27 au 30 janvier, devraient permettre de mesurer si, malgré le scepticisme ambiant, la nouvelle candidate (la neuvième à ce jour, donc, pour cette seule famille politique!) est en passe de gagner son pari: à défaut de conquérir l’Elysée, du moins de prendre la tête des gauches.