L’extrême droite devant les macronistes

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La campagne pour les élections européennes s’achève officiellement ce vendredi soir en France, 24 heures après un ultime „grand débat“ télévisé entre les principales têtes de liste.

De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

Telles que les instituts de sondages ont tenté de quantifier les intentions de vote, celles-ci mettaient jeudi le Rassemblement national légèrement devant La République en Marche du président Macron, à l’issue d’un duel qui aura dominé – et perverti – la campagne. Mais au-delà de ces pronostics, toujours susceptibles de surprises de dernière minute, le parti de très loin majoritaire dans l’électorat français semble bien devoir être, une fois de plus pour ce type de scrutin, celui des abstentionnistes. On s’attend en effet à ce que nettement moins d’un électeur sur deux, comme d’ailleurs plusieurs autres fois précédentes, aille voter.

Il est vrai que, cette année, plusieurs facteurs – outre les incertitudes ouvertes par le Brexit, les aléas de la conjoncture internationale et la montée des populismes – se seront conjugués pour compliquer les enjeux et décourager les bonnes volontés – sans même parler de la masse de ceux qui, souvent par ignorance plus que par réelle hostilité à la construction européenne, tiennent pour mineurs les enjeux d’un tel scrutin.

Pour ou contre Macron

Il y a, d’abord, d’un point de vue strictement français, le fait que ces élections surviennent après des mois d’une crise sociale qui a beaucoup secoué le pays: celle des „gilets jaunes“, bien sûr. Même si elle semble aujourd’hui à peu près terminée, elle a polarisé l’attention publique sur de tous autres sujets, et, dans une certaine mesure, elle continue de le faire. A telle enseigne d’ailleurs que plusieurs listes se réclament de ce mouvement contestataire, fût-ce avec des pronostics de succès dérisoires. L’idée s’est ainsi imposée que l’Europe est sans doute un thème estimable, mais que, pour l’heure, „ce n’est pas le sujet“. A quoi s’est ajoutée la discutable stratégie d’Emmanuel Macron (Tageblatt du 13 mai) consistant à opposer sans cesse la liste qui le soutient, rassemblant des candidats de son parti et du MoDem centriste, censée incarner le „progressisme“, à tous les autres, autrement dit l’ensemble d’une opposition très composite puisqu’elle va de l’extrême droite à l’extrême gauche, et qualifiée de „nationaliste et populiste“, donc rétrograde. Ce n’est certes pas toujours faux! Mais on avait tout de même connu l’homme de l’Elysée plus nuancé dans ses analyses …

Cette présentation manichéenne d’un combat du bien contre le mal n’aura pas peu contribué à transformer cette consultation européenne en référendum pour ou contre lui, dans une France où il compte – pour l’instant en tout cas – beaucoup plus d’adversaires que de supporters, lesquels peinent, dans ce contexte, à se mobiliser. Ce qui pourrait bien écarter un certain nombre de suffrages de la liste la plus clairement pro-européenne, que conduit au nom des macroniens l’ancienne ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau.

Et cela, comble du paradoxe, au profit de celle des lepénistes, qui est, à en croire les sondages, en mesure – et elle seule – d’infliger au chef de l’Etat une humiliation personnelle en arrivant en tête, fût-ce d’un point ou deux. Et qu’avouent vouloir choisir des électeurs qui ne sont pourtant ni d’extrême droite, ni anti-européens, mais qui veulent apporter un désaveu à Emmanuel Macron.

Beaucoup de listes fantaisistes

Autre cause, paradoxale si l’on veut car elle semblerait de prime abord susceptible d’élargir au contraire la palette des choix possibles des électeurs, et donc d’en mobiliser davantage: la multiplication des listes (nationales, puisque l’on a mis un terme à l’existence des „grandes circonscriptions“ européennes), au nombre de … 34. Le combat proprement politique s’en est trouvé dilué; et cela d’autant plus que parmi ces si nombreuses listes, une bonne moitié semblent pour le moins fantaisistes, ce qui, volontairement ou non, rabaisse et discrédite un peu le débat européen.

On n’en finirait pas de les citer toutes. Mais il y a à l’évidence très peu de Français disposés à apporter leurs suffrages, si estimables que puissent être à l’occasion leurs promoteurs, au „Parti Pirate“ (contrairement à leurs homologues tchèques), à celui de „La Ligne claire“, ou encore celui de la „France royale au cœur de l’Europe“, de „La Reconquête“, „Allons Enfants“, „Décroissance 2019“, „A voix égales“, „Neutres et Actifs“, „Espéranto“, ou du „Parti animaliste“. Sans parler des dissidences écologistes, communistes, gilets jaunes …

Pour rester sur le terrain proprement français, ce qui aura aussi marqué cette campagne est l’éclatement de la gauche, parmi laquelle les écologistes „officiels“ et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, tirent – petitement, autour de 8% des intentions de vote – leur épingle du jeu. Cependant que le PS, conduit par une personnalité extérieure, Raphaël Glucksmann, se sera jusqu’au bout demandé s’il réussirait à passer la barre des 5% de suffrages nécessaires pour avoir des élus. Quant à la droite traditionnelle, conduite par François-Xavier Bellamy, les sondages ne lui accordent, au mieux, que 14% des voix. Que les héritiers de l’UMP, promise à l’Elysée il y a deux ans, y voient l’heureuse amorce d’une reconquête de l’opinion en dit long sur la dégringolade dont ils commencent tout juste à émerger.

Bref, le sentiment se sera une fois de plus imposé dans l’Hexagone que, renouvellement du Parlement européen ou pas, on parlera de l’Europe une autre fois. Mais quand?