ArtL’avènement du cinéma: une exposition au Musée d’Orsay

Art / L’avènement du cinéma: une exposition au Musée d’Orsay
La Place du Théâtre Français, France, 1898, Los Angeles County Museum of Art, Collection of Mr. and Mrs. George Gard De Sylva Photo: LACMA

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L’exposition qui se tient au Musée d’Orsay propose des passerelles entre les différents arts et le cinéma, un regard sur les années 1850-1907, à un moment où les inventions scientifiques et techniques se précipitent, où la vie change et où la photographie, peut-être plus que la peinture, pèse de ses découvertes et de tous les possibles.

C’est dans un tel contexte que le cinéma a apparu, non pas comme un art mais d’abord comme une nouvelle technique pour s’approprier le réel, en comprendre les enjeux. Si la photographie, dont on peut dire qu’elle a aidé au surgissement du cinéma, a emprunté un temps les canons de la peinture afin d’anoblir son statut, elle en a été détournée par le champ même de ses expérimentations. Outre qu’elle servait la science, elle a ouvert à l’idée du mouvement, de la contre-plongée, des vues aériennes, elle s’est appropriée des points de vue inédits, dans une société où tout s’accélérait, révolution industrielle oblige.

Info

Enfin le cinéma!
Jusqu’au 16 janvier 2022
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur
F-75007 Paris
www.musee-orsay.fr

Et là où, par exemple, un peintre comme Caillebotte cherchait à retranscrire le mouvement du vent à travers des draps mis à sécher sur une corde à linge, la photographie s’est emparée également de ce thème de l’invisible et du mouvement, qu’elle a fixé.

Sans compter la reproduction de l’imagerie populaire, les affiches, les colonnes Morris et leurs spectacles, les fêtes foraines avec les lanternes magiques et autres dispositifs, tout était prêt pour que le cinéma apparaisse. Un cinéma dans ses débuts, en noir et blanc, tremblotant, maladroit, qui n’a guère dérangé les artistes, qui n’y voyaient qu’une découverte technique.

Mais le cinéma a évolué et les salles ont apparu, ces salles qui donnaient enfin l’opportunité de voir ensemble et dans des conditions autres que celles des foires et des arrière-salles de cafés, des films, au début sur l’histoire patrimoniale, la mythologie – là encore comme en référence aux canons de la peinture.

L’enregistrement du réel

Montrer les œuvres, photos, peintures, sculptures et films qui résonnent entre eux, permet une perception élargie de ces années-là, où le mouvement devient prédominant – tramway, transformations architecturales, vitrines de magasins, un mode de vie qui découvre la vitesse.

C’est à l’aune d’un cinéma aujourd’hui transformé par ses conditions de réception, home cinéma, streaming, ceux-ci favorisés par une pandémie qui a accéléré ces dites conditions, que nous pouvons aujourd’hui mesurer l’évolution du cinéma.

Penser qu’il fallait à Monet pour saisir les effets de la lumière sur la façade de la cathédrale de Rouen, le temps d’une série de peintures, comme un ouvrage colossal, là où les Frères Lumière ont mis si peu de temps à enregistrer le réel par le film.

Il faut également savoir que le Futurisme, mouvement artistique italien né en 1909 recherchait la vitesse et le mouvement pour témoigner de la beauté du monde. Le temps donné à voir par la photographie et ses possibilités sérielles, ont mené à l’étude de scènes de la vie ordinaire, et intéressé les peintres. Il s’agit de voir la vie autrement que par une image fixe qui sacralise l’instant, tel finalement un badaud.

Ainsi les thèmes évolueront-ils. L’Américain Edward Muybridge (1830-1904) et le Français Etienne-Jules Marie (1830-1904) par la décomposition du mouvement du corps, un cheval au galop, le saut à la perche d’un athlète, par une succession d’images, ont largement influé sur l’avènement du cinéma. Cette chronophotographie a également inspiré Duchamp pour son Nu descendant l’escalier (1912), représentation non naturaliste mais vraie, par la superposition de différents moments de cette descente, qui décomposent le mouvement.

Le corps mis à l’épreuve va inspirer le cinéma et l’on y verra nombre de contorsions, de déformations, qui feront le succès de films comiques. Là où les frères Lumière penchaient du côté de la science, Pathé et Gaumont commercialisent le cinéma. L’objectif étant le spectaculaire, relayant les foires et les „villages indigènes“ des expositions universelles, le cinéma d’alors perpétue les préjugés coloniaux et l’instrumentalisation du corps féminin.

Les premiers films sont accompagnés de discours, à la manière de conférences, dans le meilleur des cas, ou par des bonimenteurs. On sait aussi que les films muets ont des orchestres dans la fosse ou sont parfois synchronisés avec des pistes de phonographes, afin d’entendre des voix célèbres.

La curiosité consiste également à prendre en photo la salle et ceux qui regardent l’écran, comme un lieu nouveau, un archivage de l’histoire du cinéma. L’écran, au début, est encadré, à la manière d’une peinture afin de l’anoblir.

Et pour les films érotiques, les dispositifs de représentation du voyeurisme sont repris à ceux de la photographie. On regarde par le trou d’une serrure, une fenêtre dans un paravent, avec des jumelles, la femme est souvent surprise, regardée à son insu.

Les films d’histoire et ceux de la vie de Jésus-Christ, attirent les foules – on y voit une parenté avec les films d’aujourd’hui. Le cinéma, art pour le nombre, est né. Salles combles, évolution naturelle ou que l’on croyait comme telle, et qui interroge aujourd’hui nos nouvelles manières de regarder les films. Nous voyons à quelle source nous avons été abreuvés, nous qui prenions la salle de cinéma pour une évidence.