De la table grand-ducale au Tour de Luxembourg: l’étonnant parcours de l’artichaut au Grand-Duché

De la table grand-ducale au Tour de Luxembourg: l’étonnant parcours de l’artichaut au Grand-Duché

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L’origine première de l’artichaut est trahie par son nom emprunté à l’arabe. C’est par la Sicile et la Péninsule ibérique qui appartenaient au Moyen Âge au monde arabo-musulman que ce légume a gagné le continent européen.

Antoinette Reuter

Un représentant de la dynastie marchande florentine des Strozzi l’aurait transféré de Naples aux rives de l’Arno. Catherine de Médicis (1519-1589), reine de France née en Toscane, l’a par la suite fait servir à sa table. En dépit de cette publicité royale précoce, la consommation de l’artichaut restera plutôt confidentielle.

Si en Italie on trouve des variétés de petite taille que l’on peut consommer en entier sans trop les apprêter, la préparation des artichauts d’Espagne, produits notamment dans la Rioja, ou encore de Bretagne, plus volumineux demande quelque savoir-faire. Il faut les „tourner“ pour enlever les feuilles extérieures et les débarrasser du „foin“.

Par ailleurs, la légère amertume du légume rebute certains consommateurs. Il n’est de ce fait guère étonnant que la percée de l’artichaut sur le marché luxembourgeois ait été laborieuse et tardive. Si cette plante dérivant du chardon sauvage et donnant de magnifiques fleurs bleues est évoquée dans les rubriques horticoles des quotidiens dès les années 1870, elle reste singulièrement absente des carnets de recettes et des livres de cuisine traditionnels luxembourgeois.

Le „Cynar“ – apéritif ou digestif

Pourtant l’artichaut est bel et bien servi au Luxembourg dès 1900. C’est à la table grand-ducale que l’on le retrouvera, proposé par exemple „à la Colbert“ lors d’un dîner de gala offert à diverses personnalités et „ministres“ (ambassadeurs) des pays étrangers. Voilà l’occasion d’évoquer l’importance de la présence depuis 1890 d’une cour propre au Luxembourg pour l’établissement et le maintien dans la capitale de magasins dits de „délicatesses“. Ces commerces, souvent mis en place par des personnes venues des pays voisins, tels par exemple les Breithaupt, les Dousseau ou les Liez constituent la porte d’entrée de nombreuses nouveautés alimentaires sur le marché luxembourgeois. Ils peuvent se maintenir grâce aux commandes de la Cour avant que ne s’exprime une demande bourgeoise.

Servi chez nous depuis 1900

Paradoxalement c’est sous sa forme liquide que l’artichaut connaît son plus beau succès au Luxembourg. Au cours des années 1950 est créée à Padoue (I) une boisson alcoolisée sur base d’extraits d’artichauts, le „Cynar“. Consommée en tant qu’apéritif par les uns, digestif par les autres, elle connaît au cours des années 1970 un engouement qui n’a rien à envier à celui actuel pour l’Apérol Spritz.

La popularité de la boisson est telle que dans un essai satirique consacré à la fin des haut-fourneaux au Luxembourg, l’écrivain Guy Rewenig suggère qu’au Luxembourg il serait de mise de les éteindre au „Cynar“. La marque atteint sans doute le sommet de la popularité alors qu’au Tour de Luxembourg court sous sa casquette une équipe internationale qui comporte avec Edy Schütz une tête d’affiche grand-ducale.


Un projet du CDMH

Dans les imaginaires collectifs rien ne semble plus incompatible avec le monde végétal – enraciné – que les migrations, mobiles par définition. Le Centre de documentation sur les migrations humaines (CDMH) explore depuis ses origines ces pérégrinations végétalo-culturelles. Jardins ouvriers et diversité étaient une des thématiques mises en œuvre avec les architectes-urbanistes de la Miami University autour du quartier „Italien“ à Dudelange (1996-2006) avec l’appui de la Fondation Bassin minier. Aujourd’hui, le CDMH souhaite s’engager dans une nouvelle étape en mettant à la disposition du public ses ressources à travers une rubrique évoquant les liens entre plantes, assiettes et migrations.
Il n’évoquera donc pas exclusivement la cuisine de tel ou tel pays, mais évoquera les rencontres, les échanges, les redécouvertes aussi. Car des plantes bien de chez nous, tombées en disgrâce auprès du public local au fil des décennies ont été remises au goût du jour par des chefs venus d’ailleurs. Il espère offrir par là un regard inattendu sur l’histoire du Luxembourg, histoire des migrations, mais aussi histoire tout court. Par ailleurs des informations complémentaires seront mises en ligne sur les sites du CDMH et il sera fait au public une offre régulière de rencontre, d’échange ou de découverte.


Quatre textures d’artichaut par Sébastian Suman

Recette pour 2 personnes

Pickles de cœurs d’artichauts violets au citron
– 1 artichaut violet
– jus d’un gros citron
– 1 cc de sucre

Purée d’artichauts, eau de tomate et menthe fraîche
– 4 artichauts violets
– l’eau d’1 grosse tomate bien mûre (ou le jus d’1/2 citron)
– quelques feuilles de menthe fraîche
– 1 cc d’huile d’olive
– sel, poivre

Fond d’artichaut pané chapelure à la graine de chia
– 2 artichauts blancs
– 100 g de chapelure de pain
– 25 g de graines de chia
– 2 œufs
– huile de tournesol
– sel

Feuilles d’artichauts violets frites
– quelques feuilles (du centre) d’artichaut violet
– huile de tournesol

1. Pickles:
Mélanger le jus d’un citron et une cuillère à café de sucre à l’aide d’un batteur jusqu’à dissolution du sucre, réserver. À l’aide d’un couteau bien aiguisé, découper les feuilles de l’artichaut violet jusqu’à obtention d’un cœur d’artichaut aux feuilles claires et tendres en veillant à conserver quelques centimètres de la tige. Détacher quelques feuilles entières (pour les frire par la suite) et frotter au jus de citron. Ôter les sommités des feuilles à l’aide d’une paire de ciseaux. Écarteler le cœur d’artichaut et plonger dans le jus de citron sucré. Réserver.

2. Purée:
Nettoyer les artichauts violets dans une eau légèrement vinaigrée. Cuire à l’eau salée jusqu’à ce que les feuilles se détachent presque seules, puis égoutter et laisser refroidir. Enlever les premières rangées de feuilles de sorte à obtenir un cœur d’artichaut aux feuilles tendres. Ôter les sommités dures des feuilles à l’aide d’une paire de ciseaux et – le cas échéant – enlever le foin. Couper les cœurs en petits morceaux, ajouter une cuillerée d’huile d’olive, l’eau de tomate (ou le jus de citron) et mixer finement. Ramener la purée dans une casserole, saler, poivrer et laisser cuire à feu très doux pendant quelques minutes.

3. Fond d’artichaut pané:
À l’aide d’un couteau bien aiguisé, tourner les artichauts blancs pour ne garder que les fonds, vider le foin à l’aide d’une cuillère (parisienne, si disponible). Frotter avec du jus de citron pour éviter le noircissement. Essuyer les fonds. Battre les deux œufs, ajouter une pincée de sel. Mélanger la chapelure de pain avec les graines de chia. Tremper les fonds d’abord dans l’oeuf battu, puis dans la chapelure. Dans une casserole, chauffer l’huile de tournesol à environ 165 degrés puis plonger les fonds panés. Frire pendant au moins 4 minutes, en retournant les fonds de temps en temps. Déposer sur du papier absorbant.

4. Feuilles frites:
Essuyer les feuilles préalablement frottées au citron, puis plonger dans l’huile de tournesol pendant une petite minute. Sortir et déposer sur du papier absorbant.

5. Dressage:
Déposer un fond pané sur l’assiette. À l’aide d’une poche à douille, déposer la moitié de la purée au centre du fond d’artichaut. Garnir la purée de deux ou trois feuilles frites. Essuyer les pickles d’artichaut violet, puis déposer contre le fond d’artichaut pané. Optionnellement, ajouter quelques graines de chia autour des artichauts.