France / Valéry Giscard d’Estaing laisse un héritage réformateur et européen

Valéry Giscard d’Estaing est mort mercredi soir du Covid-19 (Photo: AFP/Thierry Zoccolan)
„Homme de progrès et de liberté“, „un réformateur“: Le troisième président de la Ve République Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), qui modernisa dans les années 70 la vie politique avant de voir son mandat fracassé par la crise économique, est mort mercredi soir du Covid-19, entouré des siens dans sa propriété d’Authon dans le Loir-et-Cher, à l’âge de 94 ans.
L’ancien président Valéry Giscard d’Estaing est mort dans la nuit de mercredi à jeudi „des suites du Covid“, a annoncé sa famille. Il était âgé de 94 ans. Son septennat, aux débuts résolument modernistes, avait été l’occasion de plusieurs importantes réformes de société. Associé au chancelier Schmidt, il avait par ailleurs relancé la construction européenne. Emmanuel Macron lui a rendu hommage hier soir à la télévision.
Quand il est élu président de la République le 19 mai 1974 avec 50,41% des suffrages (soit environ 400.000 voix de plus que François Mitterrand), Valéry Giscard d’Estaing n’est pas un nouveau venu sur la scène politique française, tant s’en faut. La surprise ne vient pas de ce qu’il soit parvenu au sommet – il y travaille manifestement depuis longtemps, et avec autant d’énergie que de talent – mais qu’il y soit parvenu si tôt: le voici, à 48 ans, le plus jeune locataire de l’Elysée que la Ve République ait connu à l’époque.

Cette position de benjamin surdoué brûlant les étapes, il l’a précédemment occupée comme parlementaire, puis comme ministre. Tout jeune engagé dans l’armée de libération de De Lattre en 1944, puis reçu à l’Ecole polytechnique et ensuite à l’ENA, il est entré au Palais Bourbon à 29 ans, comme député du Puy-de-Dôme, en Auvergne, puis au gouvernement à 36, comme secrétaire d’Etat, puis ministre des Finances, sous la férule du général de Gaulle.
Réformateur, ‚Président moderne‘, architecte des grands changements sociétaux, européen convaincu. Valéry Giscard d’Estaing a marqué l’histoire comme très peu d’autres. Mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et au peuple français
Il faut dire que ce jeune homme pressé est né, comme disent les Anglais, „avec une cuiller d’argent dans la bouche“. Son père Edmond Giscard était un économiste connu, membre de l’Institut; ses grand-père et arrière-grand-père maternels avaient été ministres de la IIIe République. Elevé dans une famille très aisée de la grande bourgeoisie, il allait épouser, en 1952, Anne-Aymone de Brantes, avec pour témoin de mariage la veuve du prestigieux officier sous lequel il avait servi, la maréchale de Lattre de Tassigny.
Changer la société
Mais trêve de beau monde à particules: voici l’encore quadragénaire Giscard d’Estaing qui, en mai 1974, s’installe à l’Elysée – et fait dater de sa victoire l’arrivée d’une „nouvelle ère de la politique française“, pas moins. Il a dû, pour cela, après avoir rompu avec de Gaulle en 1969, se réconcilier avec Pompidou, et balayer au premier tour le gaulliste orthodoxe Jacques Chaban-Delmas paralysé par les manœuvres de Jacques Chirac (qui en sera récompensé par le poste de premier ministre), puis battu au second l’autrement redoutable François Mitterrand. Et VGE arrive au pouvoir avec de grandes ambitions réformatrices, dont les premières années de son règne vont donner un aperçu impressionnant.

Cette volonté modernisatrice se manifeste au premier chef sur les sujets de société. L’avortement est ainsi dépénalisé dès 1974, avec une loi historique portée par une jeune et brillante ministre issue de la société civile: Simone Veil. Le divorce par consentement mutuel est lui aussi légalisé l’année suivante. La majorité civique et donc électorale est abaissée de 21 à 18 ans, mesure qui profitera à plus de deux millions de jeunes.
Mais ce souci de „regarder la France au fond des yeux“, comme avait dit Giscard, joint à une évidente méconnaissance de la psychologie profonde des Français, l’amènera aussi à certaines erreurs qui vont, année après année, ternir son image. S’inviter à dîner chez l’habitant au motif de mieux comprendre les motivations populaires n’aura certainement pas été une bonne idée. Serrer la main d’un détenu en prison sous l’œil des caméras partait d’un bon sentiment, mais manquait à coup sûr de simplicité et de spontanéité. Même remarque pour l’invitation faite aux éboueurs de la rue qui passent devant l’Elysée de venir partager son petit déjeuner.
Quant à la condescendance qu’il affiche à l’égard de son premier ministre Jacques Chirac, invité un été au fort de Brégançon avec son épouse, elle n’aurait pas peu contribué, dit-on, à convaincre le futur président du RPR qu’il était temps de rompre. Ce qu’il fait en août 1976 au profit d’un Raymond Barre dont la chaleur humaine ne sera pas, en dépit de ses qualités intellectuelles, la qualité première. VGE tend alors à se replier sur sa seule UDF (Union pour la démocratie française), et son carré de fidèles: Michel Poniatowski, Jean Lecanuet, Michel d’Ornano …
„Au revoir“
Il est vrai que la politique internationale, et singulièrement européenne, lui offre des terrains qu’il affectionne finalement davantage que la politique intérieure. Son amitié personnelle forte avec Helmut Schmidt va profiter fortement à la construction communautaire, en particulier avec la création du Conseil européen. Les grands sommets de ce qui deviendra le G7 l’attirent. L’Afrique le passionne, et point seulement pour les safaris.

C’est pourtant d’Afrique que viendra un des éléments de sa chute de 1981, avec l’affaire (pourtant mineure, voire minable, mais dévastatrice) „des diamants de Bokassa“. A quoi devaient s’ajouter les effets successifs de deux chocs pétroliers, en 1974 et en 1979, qui allaient provoquer à la fois une inflation sévère et une hausse spectaculaire du chômage, atteignant le niveau jusqu’alors inconnu d’un million de sans-emploi, largement triplé par la suite …
En lançant aux Français son fameux „au revoir“ à la télévision, VGE suggérait qu’il n’avait pas dit son dernier mot. De fait, son âge l’autorisait à rêver d’un retour, et d’un autre avenir que celui de vieux sage. C’est pourtant, y compris à propos du projet de constitution européenne malmené par les électeurs, celui qui l’attendait. Mais sa mort, après celle de Mitterrand puis de Chirac, marque plus que la fin d’un destin: celle d’une époque.
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