France„Quelle honte!“: tollé à gauche après les propos de Macron sur les réfugiés afghans

La courte allocution prononcée lundi soir à la télévision par le président Macron à propos de la reprise du pouvoir par les Talibans en Afghanistan, présentée comme un tournant historique „qui aura des conséquences majeures pour la communauté internationale, pour l’Europe et pour la France“, a suscité à gauche des réactions largement hostiles. En cause: l’annonce d’une initiative franco-allemande et européenne pour „se protéger contre les flux migratoires irréguliers importants“ qui „nourrissent les trafics de toute nature“.

Le chef de l’Etat a-t-il cru que la terrible crise afghane inspirait avant tout aux Français la crainte de devoir accueillir un flot de réfugiés politiques fuyant la barbarie talibane? Si c’est le cas, c’était sous-estimer, voire mépriser, la sensibilité de l’opinion à cette immense tragédie, et d’ailleurs aussi à ce qu’elle illustre de l’impuissance de l’Occident. M. Macron n’a même pas prononcé dans son discours ce mot de „réfugiés“, qui est pourtant, à fort juste titre, sur toutes les ondes et dans toutes les têtes.

Assimiler le flot, prévisible en effet, des Afghans – et des Afghanes plus encore – qui tentent et tenteront d’échapper au règne de fer et de sang des islamistes les plus radicaux, à des „flux migratoires irréguliers“, auxquels il impute d’avance „des trafics de toute nature“, aura certainement eu un effet glaçant sur ceux des téléspectateurs qui ne se sont pas contentés d’écouter l’homme de l’Elysée d’une oreille vacancière et distraite (ils étaient au demeurant deux fois moins nombreux que précédemment). Mais cette étonnante désinvolture a aussi soulevé un tollé à gauche.

Le candidat à la primaire écologiste Yannick Jadot s’est ainsi déclaré „sidéré“ que M. Macron „considère d’abord les femmes, les hommes et les enfants qui fuient l’enfer des Talibans comme une menace, comme des migrants irréguliers“. Même tonalité du côté de La France Insoumise, pour qui „voilà comment rabougrir la France en une poignée de secondes“, selon la formule du député mélenchoniste Adrien Quatennens.

Laurence Rossignol, sénatrice socialiste et ancienne ministre, a pour sa part dénoncé le „cynisme“ du chef de l’Etat: „Qualifier de flux migratoire irrégulier des êtres humains qui fuient le fascisme des Talibans, des adolescentes futures victimes de viol et des mariages forcés, des femmes journalistes, juges ou maires, demain démises de leurs fonctions, car femmes, quelle honte!“, s’est-elle indignée.

Les réactions sont évidemment moins virulentes à droite sur ce sujet précis, même si l’on y souligne tout de même la nécessité morale de ne pas abandonner à un sort certainement horrible les Afghans qui, comme interprètes par exemple, ont aidé les forces opérationnelles françaises, les organisations humanitaires, les diplomates, les journalistes dépêchés sur place … Mais plus globalement, le discours présidentiel est en général jugé très faible du côté des Républicains, car dépourvu de toute vision géostratégique, de tout souffle politique.

Certes, un hommage appuyé a été rendu aux soldats français, qui sont restés en Afghanistan de 2001 à 2014, et dont 90 y ont été tués. Et M. Macron a fait trois fois référence à „l’honneur“ et aux „valeurs“ de la France. Mais beaucoup sans doute se seront dit en l’écoutant que, justement, leur honneur et leurs valeurs comporteraient d’abord de venir sans réserve en aide aux victimes innocentes de cette guerre perdue contre la barbarie.