AnalyseQuel avenir politique pour Sarkozy après sa condamnation controversée?

Analyse / Quel avenir politique pour Sarkozy après sa condamnation controversée?
Sarkozy avait annoncé qu’il mettait fin à sa carrière politique; mais tous les sondages ont bien montré qu’il restait le candidat potentiel préféré des électeurs LR pour le printemps 2022 Photo: AFP/Anne-Christine Poujoulat

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Après la condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, la droite s’interroge sur une possible candidature en 2022. Entre temps, d’autres rendez-vous avec la justice attendent l’ancien président.

La condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence n’a pas seulement suscité un vif émoi dans la classe politique française, et, pour des raisons plus techniques, dans les milieux judiciaires. Elle est aussi venue bouleverser les plans, ou en tout cas les arrière-pensées, du parti qu’il avait fondé, Les Républicains.

Ces milieux judiciaires, en effet, et singulièrement celui des avocats, s’inquiètent de trois leçons fortes de la condamnation de l’ancien locataire de l’Elysée, sur le plan du droit. D’abord le fait que celle-ci ait été prononcée sur la base d’écoutes de ses conversations téléphoniques avec son avocat, ce dont le ministre de la Justice lui-même, Eric Dupont-Moretti, qui se définit comme un homme de gauche, avait déclaré avant sa nomination au gouvernement qu’il s’agissait là de „méthodes de barbouzes“, terme peu flatteur désignant les moins regardants des agents secrets.

Il y a aussi le fait, qui pourrait faciliter à Sarkozy et ses co-accusés leur défense devant la Cour d’appel, qu’il est illégal de se prévaloir du contenu de telles écoutes lorsqu’elles ne concernent pas l’affaire sur laquelle est menée l’instruction. Or l’enquête au cours desquelles elles ont été réalisées (durant une instruction de six ans!) portait sur un éventuel financement clandestin de la campagne présidentielle de Sarkozy par le dictateur libyen Muammar Kadhafi, et non sur l’affaire Bettencourt pour laquelle l’ex-président avait obtenu un non-lieu, et à l’occasion de laquelle il aurait cherché, selon l’accusation, à monter un trafic d’influence.

Enfin, il est clair que, si condamnable moralement qu’eût été une telle tentative si elle avait bien eu lieu, tel n’a finalement pas été le cas; le tribunal lui-même l’a reconnu. Peut-on infliger une peine de prison ferme sur la base de simples intentions supposées, dont la manifestation a été recueillie dans des conditions juridiquement très discutables? On imagine sans peine quel sort une accusation ainsi construite aurait connu devant n’importe quel tribunal américain ou britannique – quelle que soit par ailleurs la gravité des soupçons. Mais on est en France …

Plus prudent de tourner la page?

L’émotion des juristes y pèse beaucoup moins lourd que les supputations politiques que la décision de la 32e Chambre correctionnelle de Paris a aussitôt ouvertes, et qu’alimentent plusieurs considérations concernant l’avenir et la stratégie de la droite. Certes, Nicolas Sarkozy, battu à la présidentielle de 2012 par François Hollande, et à la primaire de 2017 par François Fillon, avait annoncé qu’il mettait fin à sa carrière politique; mais tous les sondages ont bien montré qu’il restait le candidat potentiel préféré des électeurs LR pour le printemps 2022.

Non qu’il fût le seul possible. Chacun dans son registre, le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ainsi que son homologue de l’Ile-de-France, Valérie Pécresse, et le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, s’étaient déjà déclarés. Sans l’avoir fait encore, le commissaire européen Michel Barnier, qui s’est taillé une image forte à Bruxelles, ou l’ancien ministre et actuel maire de Troyes François Baroin, faisaient figure honorable dans les sondages parmi l’électorat de droite.

Mais Sarkozy restait, et c’est sans doute encore plus vrai aujourd’hui, le postulant préféré d’une famille politique qui se désole – comme la gauche, bien sûr – de la perspective de voir se reproduire un duel Macron-Le Pen au second tour l’an prochain. La question étant désormais de savoir si, pour discutable qu’elle soit juridiquement, sa condamnation d’avant-hier peut l’empêcher de se présenter aux suffrages des Français. Sans doute a-t-il fait appel; mais cette nouvelle procédure, suspensive du premier jugement, risque de prendre de longs mois.

Et entre temps, d’autres rendez-vous avec la justice attendant l’ancien président: l’affaire Bygmalion et l’affaire du possible financement libyen. Certains fidèles veulent croire que l’opinion va voir en lui la victime d’un acharnement judiciaire très „politique“; mais d’autres commencent à se dire qu’il serait peut-être plus prudent de se préparer à tourner définitivement la page Sarkozy.