FranceL’ombre de la pancarte antisémite plane sur la manifestation anti-pass

France / L’ombre de la pancarte antisémite plane sur la manifestation anti-pass
Au nom de la défense des libertés publiques, les dérapages tendent à se multiplier Photo: AFP/Jean-Christophe Verhaegen

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Minoritaires, les „anti-passe sanitaire“ ne désarment pas et inquiètent l’Elysée. 215.000 personnes ont encore manifesté samedi.

Les manifestations organisées samedi à Paris et dans la plupart des grandes villes de France contre la généralisation du passe sanitaire face au Covid ont réuni, au total, selon l’estimation officielle, quelque 215.000 personnes. Chiffre que contestent les organisateurs, qui assurent que les protestataires étaient sensiblement plus nombreux encore.

Cette querelle d’évaluation est un des grands classiques des lendemains de manifestations. Mais elle a, cette fois-ci, une raison plus spécifique: le samedi précédent, le ministère de l’Intérieur avait dénombré 237.000 participants, ce qui traduirait donc, d’une fin de semaine à l’autre, une légère baisse d’affluence. Hypothèse évidemment insupportable pour les ténors de la lutte anti-passe sanitaire.

Ces derniers auraient pourtant bien tort de se plaindre des estimations officielles: qu’ils aient réussi à maintenir ainsi la pression sur le gouvernement, au cœur de l’été, et de surcroît durant le mythique week-end du 15 août, plus connu d’ordinaire pour son grand chassé-croisé sur les routes, ses records de chaleur et l’encombrement des plages que pour les cortèges protestataires, est en soi un succès tactique pour eux.

Comme les „Gilets jaunes“?

Sans doute l’ampleur de ces manifestations, qui n’ont pas connu de notables débordements de violence, reste-t-elle à relativiser. Selon un sondage de l’IFOP publié hier par le Journal du Dimanche, les Français favorables à ce mouvement, ou qui au moins le trouvent défendable, constituent 34% de la population, chiffre stable par rapport aux deux précédentes enquêtes d’opinion. Et le gouvernement ne se prive pas de rappeler que quand les anti-passe sont un peu plus de deux cent mille à défiler dans les rues, les Français vaccinés ou candidats à la vaccination sont eux, au total, des dizaines de millions.

A quoi s’ajoute le fait qu’au sein de cette mouvance hostile à la mobilisation contre le virus, au nom de la défense des libertés publiques, les dérapages tendent à se multiplier. Il y a d’abord les slogans et mots d’ordre contre la „dictature“, sanitaire ou même clairement politique, dont ils accusent Emmanuel Macron. Les outrances se multiplient: „Halte à la barbarie vaccinale!“ affiche l’un; „Le gouvernement veut avoir le droit de vie ou de mort sur nous!“, proclame l’autre, oubliant que la politique macronienne vise au contraire – comme dans tous les autres pays, d’ailleurs – à protéger la vie et à faire reculer la mort; „Je ne laisserai pas euthanasier mes enfants“, s’indigne une troisième, comme s’il s’agissait de cela. Et qui refuse toute vaccination, contrairement à nombre d’autres manifestants concentrant leur colère sur le seul passe sanitaire, „qui établit une frontière entre deux catégories de Français“, et reconnaissant s’être fait vacciner.

Des slogans antisémites

Mais plus gravement, il y a aussi de la part de certains manifestants, au-delà de ces absurdités surréalistes, même s’il ne faut pas généraliser, des slogans et des affiches antisémites. Avec éventuellement des listes de personnalités présumées appartenir à la communauté juive, brandies pour dénoncer leur éventuel soutien au passe sanitaire. Comme si toute colère d’une partie de la population, pour minoritaire qu’elle soit, était bonne à prendre pour réinstaller dans l’opinion de vieilles idées nauséabondes. Sans qu’il y ait nécessairement un lien avec les manifestations, une stèle à la mémoire de Simone Veil a été profanée quatre fois déjà depuis le début de ce mois, notamment avec des croix gammées.

Sans surprise, c’est dans l’électorat des deux formations populistes d’extrême gauche et d’extrême droite, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon (61%), et le Rassemblement national de Marine Le Pen (49%), qui tendent décidément à se retrouver de plus en plus souvent sur la même longueur d’ondes, que les adversaires du passe sanitaire sont les plus nombreux. Deux familles politiques dont Emmanuel Macron n’a évidemment aucun soutien à attendre dans la course à l’Elysée de l’an prochain, mais qui tentent manifestement de constituer autour d’elles un vaste rassemblement de tous les mécontents.

C’est au demeurant la pente, bien compréhensible, de toute opposition. Le problème pour le chef de l’Etat est qu’à huit mois de l’élection présidentielle, il voit surgir un mouvement qui, si minoritaire soit-il, est en train d’asseoir son existence. Et qui n’est pas sans rappeler celui des Gilets jaunes, lequel a pourri la première moitié de son quinquennat: des causes à l’origine relativement ponctuelles finissent par exacerber l’hostilité populaire globale à l’égard de la classe politique. Dans son ensemble, certes; mais c’est inévitablement celle qui est au pouvoir qui en pâtit le plus.

HTK
17. August 2021 - 9.36

"La stupidité humaine et l'univers sont sans limites.Pour l'univers je ne suis pas encore sûr." ( A.Einstein )