FranceLe „Ségur de la santé“ va tenter de répondre au malaise des soignants

France / Le „Ségur de la santé“ va tenter de répondre au malaise des soignants
Dans l’opinion publique comme dans la classe politique, le consensus en faveur de la grande famille des soignants est désormais immense Photo: AFP/Stéphane de Sakutin

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Le premier ministre Edouard Philippe a lancé hier un vaste forum sur l’avenir de la médecine en France, baptisé „Ségur de sa santé“ par référence à l’adresse parisienne du ministère qui en est chargé, et pour tirer les leçons de l’épidémie de Covid-19. Hausse des salaires, refonte du temps de travail, révision de la gouvernance des hôpitaux: „Nous irons vite, nous irons fort“, a promis le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Ce grand débat, qui doit durer sept semaines, et dont le chef de l’Etat avait pris l’engagement en mars, au plus dur de la crise, aura lieu – reste de confinement oblige – en visioconférence, avec quelque 300 responsables syndicaux et autres représentants des soignants. Il sera coordonné par l’ancienne secrétaire générale (1992-2002) de la CFDT Nicole Notat, figure très respectée du monde syndical et entrepreneurial.

Le gouvernement, qui n’a cessé de courir – en vain – après le malaise du monde hospitalier depuis le début du quinquennat, donc déjà bien avant l’irruption de l’épidémie, avait commencé à ouvrir plusieurs chantiers dans ce domaine. Trois plans ont été publiés en deux ans, chacun suscitant plus de déception que de satisfaction de la part du milieu concerné: il y a eu cette grève d’un an d’une centaine de services d’urgences, et un malaise qui s’est traduit par une hémorragie du personnel de l’hôpital public.

„Rien ne sera plus jamais comme avant“

La crise du coronavirus, et la façon très courageuse dont les soignants de tous grades et de toutes spécialités ont su y faire face en mettant entre parenthèses leurs fiefs salariaux et autres, ont conduit le gouvernement à remettre l’ouvrage sur le métier, bien au-delà de l’attribution de primes; et à plus forte raison de médailles du 14 juillet, initiative passablement maladroite psychologiquement! Et le pouvoir met aujourd’hui la barre très haut: „Nous bousculerons les corporatismes, les habitudes, les inerties. Nous serons transgressifs s’il le faut, et rien ne sera plus jamais comme avant“, a promis M. Véran.

Dans le quotidien Libération d’hier, plusieurs centaines de praticiens ont publié un „manifeste des soignants“ qui, dans la perspective de l’ouverture de ce „Ségur de la santé“, résumait les grandes questions qu’ils se posent. Parmi elles: va-t-on augmenter les salaires du personnel soignant de tous niveaux, et cesser de considérer la santé comme un gouffre pour les deniers publics? Mais aussi: rééquilibrera-t-on le pouvoir au sein de l’hôpital entre gestionnaires et personnel médical, et renoncer à vouloir faire de l’hôpital était une entreprise, au sens le plus commercial du terme, comme c’était la mode ces dernières années?

Autres interrogations auxquelles le forum animé par Nicole Notat va devoir chercher, et si possible trouver, des réponses: les médecins auront-ils un droit de veto sur la politique de leur établissement? Et va-t-on se donner les moyens d’une réelle coordination entre l’hôpital et la médecine de ville? Il y aura aussi la grave question des personnes âgées dépendantes, qui ne devraient plus, insistent les soignants, rester trop souvent cloîtrées dans des lieux sans moyens, dont certains EHPAD. Et comment systématiser la prévention, dont la pandémie de Covid-19 a révélé, en France, les insuffisances?

Qui va payer, et comment?

Dans l’opinion publique comme dans la classe politique, le consensus en faveur de la grande famille des soignants, dont les Français ont acclamé la vaillance et le dévouement tous les soirs depuis deux mois, était déjà fort auparavant; il est désormais immense.

Mais les hausses de salaires qui s’annoncent, et sans doute plus encore la rénovation en profondeur du système hospitalier, sans parler d’autre aménagements de Santé publique (dans le secteur de la médecine de ville en particulier), vont évidemment coûter beaucoup d’argent, dans une période où l’Etat a déjà dû dépenser sans compter, au sens propre de l’expression.

La question suivante pourrait donc bien être, pour le gouvernement et pour les contribuables, de savoir qui va payer, quand, et comment. Et cela alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait dépasser les 40 milliards d’euros cette année, sans espoir de retour dans le vert, selon ses propres dirigeants, avant … 2033.