FranceLe ras-le-bol des enseignants contre la politique sanitaire à l’école

France / Le ras-le-bol des enseignants contre la politique sanitaire à l’école
Plusieurs milliers d’enseignants ont défilé en France jeudi, jour de grève dans l’Éducation nationale, pour protester contre la valse des protocoles sanitaires Photo: AFP/Clement Mahoudeau

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La France a connu hier une importante grève des enseignants, largement soutenue par les parents d’élèves, ainsi que par toute l’opposition, extrême droite comprise. En cause: un grave manque de moyens des établissements face au coronavirus et une gestion gouvernementale de la crise considérée comme erratique avec en particulier d’incessants changements de dernière minute dans les protocoles sanitaires.

Cela faisait plusieurs semaines que la tension montait entre les syndicats de l’Éducation nationale et le ministre en charge de ce département particulièrement délicat, Jean-Michel Blanquer. La journée de jeudi en a marqué le coup d’envoi officiel, même si l’animosité d’une bonne partie du corps enseignant à l’égard de son ministre semble avoir commencé très peu après sa nomination, en 2017.

Lui-même avait cherché à changer de ministère à la faveur du remaniement de 2020, ayant des vues sur celui de l’Intérieur qui devait finalement échoir à un autre postulant, Gérald Darmanin. Il lui était notamment reproché un comportement ressenti comme hautain, froid et technocratique, s’agissant en particulier de différentes réformes dont celle du baccalauréat. Mais c’est clairement la crise sanitaire qui a exacerbé ces tensions, et sa formule sarcastique, „On ne fait pas grève contre un virus“, n’a évidemment rien fait pour calmer le jeu.

Fréquents changements de dernière minute

D’autant plus que le ministre s’est acharné à maintenir les écoles ouvertes le plus possible, ce qui pouvait recevoir le soutien des enseignants mais supposait évidemment, en contrepartie, une multitude de contraintes. Tout particulièrement depuis l’apparition du variant Omicron, d’une contagiosité encore inégalée. Ces contraintes auraient été mieux admises si elles avaient été moins fluctuantes, et annoncées en temps voulu par les voies administratives normales, plutôt que d’être claironnées la veille pour le lendemain au hasard d’une interview dans la presse écrite ou à la télévision.

Ces changements fréquents, et souvent de dernière minute, le gouvernement les justifie par l’évolution de la pandémie, elle aussi brutale et aléatoire. Mais ils n’auront pas peu contribué à exaspérer nombre de parents d’élèves, et à les mobiliser aux côtés des enseignants.

Avec une mention spéciale pour le dernier dispositif, consistant à exiger de tous les élèves d’une classe où l’un d’entre eux a été déclaré positif de subir trois tests de dépistage en quatre jours: le jour J, puis à J+2, puis à J+4, et cela alors même que d’interminables queues se forment devant les pharmacies pour aller subir un tel test – ce qui fait perdre chaque fois une journée de travail tant aux enfants qu’aux parents.

Un accès de fièvre qui tombe mal

Tardivement conscient de ce fort mécontentement, le gouvernement s’attendait à une mobilisation des protestataires encore nettement plus nombreuse, puisqu’il avait tablé sur quelque 75% de grévistes, chiffre d’ailleurs revendiqué hier soir par les syndicats. La réalité, tout en restant impressionnante, semble finalement avoir été moindre: on n’en a officiellement compté que 38,5% dans le primaire, et 24% dans le secondaire. Ce qui reste tout de même la plus forte mobilisation syndicale dans l’enseignement durant le quinquennat de Macron, après celle de 2019 contre la réforme des retraites.

Reste que cet accès de fièvre, qui s’est aussi traduit par un ensemble de manifestations, tombe bien mal pour l’exécutif à moins de trois mois de l’élection présidentielle. Le gouvernement affichait hier sa volonté de faire bloc autour de Jean-Michel Blanquer, dont la démission, assure-t-on dans les coulisses du pouvoir, n’est aucunement à l’ordre du jour. Il n’empêche: le premier ministre Jean Castex est venu „chapeauter“ Blanquer, hier en fin d’après-midi, pour recevoir les représentants syndicaux au ministère de l’Éducation.

Et juste avant le conseil des ministres d’avant-hier a eu lieu un accrochage entre ce dernier et son collègue de la Santé, Olivier Véran (dont on a d’ailleurs appris qu’il venait d’être détecté positif au Covid). Blanquer protestait contre le manque de solidarité à son égard alors que – explique son entourage en un intéressant aveu – lui-même „trouve injuste qu’on lui fasse porter le poids de décisions prises ailleurs“. Chez Véran, ou carrément à l’Elysée?