Cette colère paysanne n’a pas encore pris un tour dramatique, certes: il s’agit pour l’instant de blocages d’autoroutes (dont le grand axe du Sud-Ouest de l’Hexagone, entre Bayonne et Toulouse) et de ronds-points, de manifestations de tracteurs dans des villes de province et en particulier devant les préfectures, dont les abords sont copieusement recouverts de fumier. Et la France, qui se pique d’être restée une grande nation agricole, connaît périodiquement de telles poussées de fièvre dans le monde rural. Pourtant, cette fois-ci, tout incite à prendre très au sérieux l’exaspération et la détresse de ses agriculteurs; d’autant plus que celle-ci se traduit par quelque 180 suicides par an, soit à peu près un tous les deux jours!
Les motifs en sont nombreux et divers ; c’est surtout leur accumulation qui pousse les agriculteurs à la colère, mais aussi au désespoir, même si cela ne se traduit heureusement pas toujours par d’aussi tragiques extrémités. Le premier étant sans doute que les hausses tarifaires en tous genres, auxquelles tous les Français et toutes les entreprises sont confrontées, ne retentissent pas de la même façon sur des budgets familiaux et des revenus d’exploitation très modestes – bien des petits cultivateurs doivent vivre avec quelques centaines d’euros seulement par mois – que pour des familles urbaines plus aisées, ou des entreprises, même petites ou moyennes, mais disposant d’une certaine trésorerie, de moyens d’ajustement de leurs dépenses et de facilités bancaires. Le prix du matériel agricole, en particulier, a connu depuis deux ou trois ans une hausse vertigineuse, sans parler du carburant.
Autre cause majeure de la colère du monde paysan, sur laquelle, de son côté, surfe le Rassemblement national: la prolifération des normes, européennes (avec, notamment, les mises en jachère obligatoires) mais aussi purement françaises, qui entravent la production, souvent au nom de l’écologie, sans que leur utilité saute aux yeux. Et cela d’autant plus qu’un certain nombre de produits dont l’usage est désormais proscrit en France, en particulier des pesticides, sont parfaitement autorisés à des concurrents étrangers – sans parler des très coûteuses normes sociales françaises par rapport, là aussi, à des producteurs d’autres pays, notamment l’Espagne et, désormais, l’Ukraine.
La pression des normes … et de la paperasse
En outre, la passion normative et paperassière de l’administration française, se plaignent les agriculteurs, fait que la gestion des innombrables bordereaux, questionnaires et autres déclarations tend désormais à prendre un temps de plus en plus important sur celui qui devrait être consacré au travail (un grief qu’expriment aussi, très massivement, les médecins). Ici encore, avec un sentiment d’inutile complexité.
Mais le cœur du problème reste bel et bien l’argent. En France, la petite agriculture familiale n’a que bien rarement mené à la fortune, mais elle a longtemps permis à ceux qui la pratiquaient de vivre et de faire vivre leurs enfants. C’est de moins en moins le cas, de sorte qu’aujourd’hui, ces derniers sont de plus en plus réticents à reprendre la ferme paternelle. D’autant plus que le milieu agricole dont s’enorgueillissait la France ne se sent plus entouré de la même affectueuse considération, comme du temps où il faisait d’elle la deuxième exportatrice alimentaire mondiale.
Tout se conjugue donc pour entretenir cette sorte de morosité exaspérée du monde paysan. Un signe qui ne trompe pas: les organisations syndicales concernées envisagent, si rien de concret n’est fait entre-temps, de bouder, fin février, le pourtant sacro-saint Salon de l’Agriculture, grande fête annuelle des campagnes françaises …
De Maart
Man denke nur an die Butterknappheit in den Regalen der Supermärkte vor zwei Jahren. Die Großketten gaben den Bauern die Schuld,aber die hängten Schilder in die Regale. "Es herrscht kein Buttermangel.Es herrscht Preisdumping der Ketten." So ist das. Bauern sollten von ihrer Arbeit leben können und zwar hier und nicht in Bangladesch.