Le chef de l’Etat s’est déjà exprimé à différentes reprises sur le combat contre le coronavirus, depuis cette première allocution sur le sujet, en mars, ponctuée de sa fameuse formule: „Nous sommes en guerre.“ Qu’il estime devoir y revenir ce soir, compte tenu de l’évolution de la situation, n’a donc rien de vraiment surprenant. Mais on lui prête l’envie, pour ne pas dire la nécessité, de corriger personnellement le discours officiel dans ce domaine. D’abord – et c’est bien ce qui inquiète les professions qui risquent d’en faire prioritairement les frais – pour aller plus loin dans les mesures techniques à imposer pour freiner la propagation du virus.
Le Conseil de défense d’hier semble ainsi avoir convaincu le président Macron de demander à son gouvernement la mise en place, dans les zones les plus contaminées comme Paris et sa région, mais aussi d’autres grandes métropoles régionales, d’un véritable couvre-feu. Autrement dit de mesures d’interdiction de circulation la nuit (par exemple à partir de 22 ou 23 heures), pour les voitures comme pour les piétons, sauf bien entendu pour certains cas prioritaires. L’objectif étant en fait de limiter les soirées privées, secteur où l’Etat ne peut légiférer mais où le virus circule beaucoup. La remise en place du télétravail et une nouvelle fermeture seraient également envisagées.
Un recadrage doublement nécessaire
Mais la question que tout le monde se pose avec le plus d’anxiété dans l’attente de l’intervention présidentielle est celle d’un retour au confinement de l’ensemble de la population, de jour comme de nuit, non pas sans doute pour l’ensemble du territoire français mais du moins dans les villes qui ont déjà basculé dans l’état d’urgence sanitaire, ou vont bientôt le faire selon toute vraisemblance. „Rien ne doit être exclu quand on voit la situation dans nos hôpitaux“, a d’ailleurs averti Jean Castex lundi.
Autre raison pour laquelle Emmanuel Macron croit devoir reprendre la parole sur le sujet – et sur quelques autres: l’impression persistante, dans l’opinion, d’une série d’hésitations, d’à-peu-près, de volte-face et de contradictions dans la parole gouvernementale à propos de la lutte contre le coronavirus. Autant d’approximations qui entretiennent une sorte de flou officiel, et qui, loin de rassurer, accroissent l’inquiétude. Le moment semblait donc venu, pour le chef de l’Etat, de recadrer ses troupes et de délivrer aux Français un message enfin univoque et clair.
Reste que cette volonté élyséenne de retracer le cap traduit aussi une certaine forme d’échec. Non pas tant dans la lutte contre la pandémie que dans la gestion de ses ministres – à commencer par le premier d’entre eux. Jean Castex avait été nommé, cet été, en remplacement d’un Edouard Philippe dont la popularité commençait à agacer l’Elysée, pour incarner une nouvelle phase du quinquennat de M. Macron. Pour le moment, dans ces circonstances il est vrai difficiles, le nouveau locataire de Matignon, de gaffe en gaffe, peine à convaincre, c’est même un euphémisme. De ce point de vue, l’intervention présidentielle de ce soir pourrait bien chercher aussi à corriger, plus qu’une politique sanitaire, une erreur de casting.
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