Dans le climat actuel de crise agricole qui ne faiblit pas, son discours était évidemment très attendu, mais c’est aussi, très largement, sur la forme qu’allait prendre son intervention solennelle, devant un hémicycle rempli, qu’était guetté le nouveau chef du gouvernement: une intervention sans surprises majeures et suivie d’un débat, mais non d’un vote de confiance, ce qui a suscité le dépôt d’une motion de censure par la gauche.
S’agissant des revendications agricoles, au demeurant, M. Attal s’est davantage contenté de déclarations d’amour au monde rural que d’annonces précises susceptibles de répondre à la colère paysanne. Même si, par exemple, l’anticipation des versements de la PAC, qu’il a promise pour „avant le 15 mars“, ou encore le lancement d’un plan pour la viticulture devraient aller doit au cœur, ou au moins au portefeuille, des intéressés. Mais le détail des nouvelles propositions qu’il compte faire a été renvoyé à „dans quelques jours“.
Dans à peu près tous les autres domaines – c’est la loi du genre – le premier ministre, passant en revue les différents domaines de l’action publique, a multiplié les promesses et les projets, en un vaste catalogue dont, de leur côté, les oppositions saluaient chaque nouvel élément par des huées et les élus macronistes par des applaudissements. Mais ce que l’on retiendra sans doute le plus de cette déclaration de politique générale, ce sont trois observations globales.
La première est qu’elle a commencé par une évocation d’un quart d’heure, non des projets du gouvernement, mais des atouts et des handicaps de cette „France millénaire qui est“, a assuré M. Attal, „un pays à nul autre pareil“ et non „une puissance moyenne qui se résignerait au déclin“. Un peu de baume au cœur des élus ne saurait nuire, certes; mais le premier ministre en a tout de même fait beaucoup dans ce registre.
„Comme l’a dit le président …“
Peut-être s’agissait-il, il est vrai, dans son esprit, de compenser par un ton solennel et des envolées vaguement gaulliennes l’effet produit par sa jeunesse, inédite dans une telle fonction. Mais d’un autre côté, il s’est aussi employé à afficher ladite jeunesse, allant jusqu’à citer son année de naissance (1989), comme pour mieux souligner combien la France et le monde avaient changé avant et depuis. A l’appui de ce constat d’évolution des mentalités, il a aussi cité – fait sans précédent à la tribune du Palais-Bourbon – son homosexualité.
Seconde observation: si M. Attal a davantage évoqué des progrès à venir mais sans annoncer des projets de loi dont le parlement serait prochainement saisi, c’est qu’il devait à chaque pas de son discours tenir compte du fait qu’aujourd’hui comme hier, et sans doute point davantage demain, le courant macroniste ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Plusieurs fois, il a même évoqué explicitement, au contraire, la voie réglementaire et non parlementaire pour faire passer dans les faits telle ou telle réforme.
En troisième lieu, ce qui aura aussi marqué hier après-midi, c’était la référence constante au locataire de l’Elysée. „Comme l’a dit le président de la République“, „selon la volonté du président de la République“, „sous l’autorité du président de la République“, revenaient dans son propos comme une litanie. Visiblement, le premier ministre aura tenu à bien marquer que, contrairement à ce qu’avaient pu faire jadis Laurent Fabius vis-à-vis de Mitterrand ou Jacques Chaban-Delmas par rapport à Pompidou, lors de leur propre déclaration de politique générale, il n’oubliait à aucun instant qui était, dans sa nouvelle aventure, le seul vrai „patron“.
Le problème étant qu’à force de se réclamer toujours du locataire de l’Elysée – lequel avait d’ailleurs en partie vidé de substance l’intervention de M. Attal en tenant quelques jours plus tôt sa propre conférence de presse, voire en en tenant une nouvelle au même moment à Stockholm sans craindre d’aborder, contrairement à l’usage, des sujets de politique intérieure – le premier ministre aura parfois semblé tenir à nouveau, près de huit ans après l’élection de M. Macron, le discours que celui-ci avait tenu lui-même à l’époque. Et cela au risque de souligner tout ce qui, depuis, n’a pas (encore) été fait.
De Maart
"Comment voulez vous gouverner un peuple qui produit 400 sortes de fromage?" (Charles de Gaulle)