France / Ministre de la Justice, Dupond-Moretti se heurte à la fronde des magistrats
La fronde des magistrats français contre le nouveau ministre de de la Justice, l’avocat Eric Dupond-Moretti, est en train de prendre une ampleur embarrassante non seulement pour lui-même, même s’il affecte de ne pas s’en soucier, mais aussi pour l’Elysée. Ce qui n’était encore que la rumeur des tribunaux prend désormais un tour public avec, notamment, un appel au chef de l’Etat, constitutionnellement garant de l’indépendance de la magistrature.
Lorsqu’en juillet dernier Me Dupond-Moretti, star fortement médiatisée des prétoires au verbe fracassant, surnommé „Acquittator“ en raison du nombre impressionnant d’acquittements obtenus, fut nommé par le président Macron ministre de la Justice dans le gouvernement de Jean Castex, certains observateurs admiraient l’audace de cette prise. D’autres cependant craignaient que cette idylle politique ne finisse par apporter au chef de l’Etat plus de souci que de contentement.
Cela n’aura pas traîné, même si la crise actuelle entre les magistrats et leur ministre tient en principe moins à la rugosité de sa personnalité et à ses faciles éclats de voix – qu’il semble d’ailleurs avoir appris, au pouvoir, à domestiquer – qu’à des points plus précis. Ce qui met actuellement le feu aux poudres est son intervention à l’encontre de trois magistrats du Parquet national financier (PNF).
„Perte de crédibilité“
Les deux plus hautes autorités judiciaires du pays, la première présidente de la Cour de cassation Chantal Arens, et le procureur général François Molins, cosignent en effet dans Le Monde daté d’aujourd’hui une tribune dans laquelle ils s’inquiètent de l’enquête disciplinaire lancée par le ministre contre trois magistrats du PNF chargés d’une procédure qui, rappellent-ils, concerne aussi directement M. Dupond-Moretti à l’époque où il était avocat. Il s’agirait donc, selon ces très hauts magistrats, d’un véritable conflit d’intérêts „qui ne peut qu’alerter“. A commencer, bien sûr, par le premier magistrat de France: le président de la République lui-même.
L’enquête a été ordonnée par le ministre de la Justice le 18 septembre dernier après la remise d’un rapport de l’Inspection générale du ministère sur le fonctionnement du PNF, mis en cause pour avoir épluché en 2014 les relevés téléphoniques de différents ténors du barreau, dont Me Dupond-Moretti lui-même, pour identifier la „taupe“ qui aurait pu informer l’ex-président Sarkozy et son avocat, ami de l’actuel garde des Sceaux, qu’ils étaient sur écoute dans une enquête pour des soupçons de corruption d’un magistrat. Le procès de cette affaire doit s’ouvrir le 23 novembre.
Cette irritation – pour ne pas dire plus – n’est pas seulement exprimée par la tribune du Monde, mais aussi par des motions votées par les magistrats de différents grades et affectation dans différents tribunaux, dont celui de Metz, mais aussi de Nantes, Marseille, Mulhouse, Grenoble, Clermont-Ferrand, Agen, motions qui évoquent en particulier la „perte de crédibilité“ de M. Dupond-Moretti.
Filmer tous les procès?
C’est dire que l’exécutif peut difficilement s’en tenir à considérer qu’il ne s’agit là que d’un mouvement d’humeur de la part d’une institution vénérable, soucieuse de préserver ses traditions, face à un ministre qui la bouscule sans doute mais pour la faire avancer. Comme il le fait aussi en proposant que tous les procès d’assises soient désormais filmés. Beaucoup de magistrats rappellent que l’accès aux tribunaux est déjà libre pour le public, sauf bien entendu lorsque le huis-clos est prononcé (en particulier pour protéger des mineurs), mais estiment aussi que la présence de caméras risquerait fort d’engendrer une redoutable évolution vers la „justice-spectacle“.
Mais au-delà, il est clair que pour une bonne partie de la majorité, la nomination de Me Dupond-Moretti au poste de ministre de la Justice n’a pas répondu aux attentes suscitées. François Mitterrand avait, en 1981, trouvé un autre grand avocat, Robert Badinter, pour faire souffler un vent nouveau à la Chancellerie (et abolir la peine de mort!). „Terminator“ reste sans conteste un maître de l’éloquence judiciaire – mais cela pourrait bien n’être ni nécessaire, ni suffisant, pour faire un bon ministre de la Justice.
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