/ Awunnerwahlrecht: le chemin pour y arriver

(Jens Wolf)
Le pronostic de la future commissaire européenne, journaliste du Luxemburger Wort à l’époque, ne s’est pas vérifié. Le 26 septembre 1987 elle y écrivait qu’aucune personne raisonnable ne peut être en faveur du droit de vote (communal) des étrangers, cela mettrait le pays à feu et à sang. Le Luxembourg s’est paisiblement et lentement ouvert à la participation politique des étrangers aux plans communal et européen, comme une lettre à la poste.
Depuis le traité de Maastricht, le Luxembourg a abandonné certaines des dérogations y obtenues en ouvrant le droit de vote communal actif et passif à tous les résidents.
La perspective du „Awunnerwahlrecht“ sur le plan national ouvre un débat essentiel sur la légitimité des organes démocratiques de notre société.
Rappelons aux nostalgiques de la souveraineté étriquée que le Grand-Duché a élargi son champ d’action comme membre de l’Union européenne. A défaut de cette dimension, ses industries sidérurgiques et financières n’auraient pas pu connaître le développement qui a été respectivement est encore le leur et les retombées de bien-être sur sa population (et sur ses frontaliers).
Les décisions politiques sont partagées entre le Krautmaart et Bruxelles/Strasbourg. La législation communautaire prévalant, la majorité des lois luxembourgeoises découlent de règlements et directives européennes. Or, c’est précisément sur un des deux législateurs de l’UE, à savoir le Parlement européen et ses six élus du Luxembourg, que les „étrangers communautaires“ ont déjà une influence puisqu’ils sont admis comme électeurs pour ce scrutin. Dès lors l’accès de tous résidents au droit de vote pour la Chambre des Députés est une suite logique: permettre la transposition des directives européennes en droit national par des députés mandatés par un électorat au moins aussi large que celui qui a choisi les membres du Parlement européen.
Pour la cohérence du débat à venir sur le „Awunnerwahlrecht“ il y aurait lieu de faire e.a. un bilan des scrutins communal et européen déjà ouverts. Avec 17% d’inscrits non-luxembourgeois pour les élections communales de 2011 et 12% pour les européennes de 2014, le moins que l’on puisse dire que ce n’est pas la ruée. Il est regrettable qu’aucune analyse sérieuse n’ait encore été faite de cet état des choses. C’est dire que cela arrange quelque part nos politiques: le principe est acquis, l’évolution lente ne bouleversera pas les rapports de force et on renverra à des campagnes de sensibilisation afférentes. En effet, on ne connait pas de campagnes de sensibilisation dans d’autres Etats membres.
Alors qu’au Luxembourg, l’intéressé doit aller s’inscrire dans sa mairie, en Belgique c’est par courrier que l’électeur potentiel est contacté, courrier accompagné d’un formulaire à remplir et à renvoyer par la poste avec une photocopie de la carte d’identité. Cette façon de faire aurait rendu superflus les efforts de nombreuses communes luxembourgeoises pour ouvrir leurs bureaux un samedi pour s’inscrire!
La sensibilisation pour les européennes de l’année passée se faisait dans un cadre abstrait où il n’était pour ainsi dire pas question de politique: ni des politiques de l’Union européenne, ni du cadre institutionnel dans lequel se situe le Parlement européen, ni de partis politiques et d’options politiques. Un simple acte administratif, promu sans conviction!
Personnellement je suis d’avis qu’il n’y aura de percée qu’à partir du moment où les partis politiques auront intégré des non-Luxembourgeois à tous les niveaux. Combien d’étrangers dans les instances dirigeantes des partis politiques à l’heure actuelle?
Des pas restent à franchir pour satisfaire aux exigences de l’article 19 du traité de Maastricht pour ce qui est d’un accès au vote aux mêmes conditions que les nationaux. Nous n’y sommes pas encore, l’inscription des Luxembourgeois se faisant d’office et sans la moindre période de séjour. C’est ainsi qu’un Luxembourgeois ayant vécu par exemple 30 ans à New York et revenant au Grand-Duché deux semaines avant les élections pourra y participer! Le Luxembourgeois allant habiter de l’autre côté de la frontière en Allemagne sera surpris d’avoir une convocation pour les élections communales, sans avoir fait la moindre démarche. Il est vrai que le vote n’y est pas obligatoire.
La cohérence avec l’ambition du droit de vote national voudrait que les scrutins communal et européen soient facilités. Concernant la durée de résidence requise pour les municipales, la Chambre des Députés avait adopté une motion présentée par le député Camille Gira en janvier 2011 décidant de rediscuter les dispositions relatives au délai de résidence en vue de le réduire. La motion est restée sans suites à ce jour.
Deux aspects, à priori formels, mais lourds de sens, par rapport au référendum. D’une part la question concernant le „Awunnerwahlrecht“ connait des formulations légèrement différentes selon les langues. Si en français on parle de résidents non-luxembourgeois“ en allemand et en luxembourgeois il est question des concitoyens étrangers (auslännesch Matbierger). Si la formulation germano-luxembourgeoise me plait davantage, on ne peut pour autant parler d’une traduction fidèle pour un texte soumis à des centaines de milliers d’électeurs! D’aucuns souhaitent que le référendum soit l’occasion d’un vaste débat sur la révision de toute la constitution. Encore faudrait-il connaître l’état actuel des travaux parlementaires, les divulguer, les vulgariser! Vaste chantier!
En cohérence avec un „Awunnerwahlrecht“ une réflexion devrait porter sur la formulation actuelle de l’article 32: „La puissance souveraine réside dans la Nation“. Ne serait-ce pas le „peuple“ vivant, travaillant et décidant ensemble qu’il faudrait consacrer dans pareil article?
Serge Kollwelter
(Article initialement publié dans l’édition du 14 mars 2015 du Tageblatt.)
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