ÉDITORIAL: Sociale, l’Europe?

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L’Europe communautaire a-t-elle raté une chance historique en 1993 en manquant de faire l’Europe sociale, ainsi que l’affirme Jacques Delors dans une interview au quotidien parisien Le Monde?/ Danièle Fonck

Le fait est que si, à l’époque, le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi avait été suivi à la lettre, on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais les Kohl, Major, Mitterrand-Balladur, Santer, Dehaene et consorts aux affaires ne voyaient pas l’utilité d’anticiper un nouveau marché qui n’allait pas tarder à émerger avec un autre rapport de forces entre le capital et le travail. Ce manquement est à l’origine de l’une des grandes failles de la construction européenne, à savoir l’absence d’une Europe sociale structurée, contrepartie effective au monde économique et par ailleurs garante d’une coopération entre Etats membres.
La récente crise du secteur bancaire a montré que l’Union était tout au mieux capable d’additionner des mesures politiques nationales. Une insuffisance flagrante dont le prix à payer durera des années. Car un contre-feu dans l’urgence n’est ni une politique ni une vision. Or c’est bien de cela qu’a besoin l’Europe si elle veut atteindre un de ses objectifs premiers, à savoir la mise en place d’une société européenne équitable et juste.

Tout argent, tout ego, tout de suite …

Une société a besoin de repères comme elle a besoin de valeurs. Le tout argent se soldera, demain plus encore qu’aujourd’hui, par des échecs, du chômage, de la pauvreté, de la marginalisation. Des phénomènes qui n’augurent rien de bon.
Pour prévenir, mieux pour stopper cette évolution, force sera de changer de modèle politique. Ce qui revient à dire que la politique doit retrouver son primat et que ceux qui ont l’honneur d’œuvrer aux commandes, car investis de la confiance des électeurs, doivent veiller à mettre un terme à la philosophie du tout argent, tout ego, tout de suite, tout pour un, peu ou prou pour tous.
Un modèle social européen, tel que le conçoit la fondation Delors sera forcément basé sur l’équilibre „entre société et individu, entre le marché et les institutions publiques et des compromis entre capital et travail“. Il faut donc inventer une vraie Constitution européenne, l’actuel traité de Lisbonne, pâle successeur du projet constitutionnel avorté, ne comportant même pas de protocole social!
Où que l’on regarde, le constat est identique. Les banques ont spéculé honteusement; elles ont provoqué un désastre. Elles furent sauvées par les Etats et donc les contribuables et les voilà, à peine six mois plus tard, qui affichent des résultats extravagants et n’ont qu’un désir, voir l’Etat se désengager au plus vite pour agir comme auparavant sans avoir à répondre à une quelconque question gênante.
Et comme le G20 n’a servi qu’à de vaseuses déclarations d’intention, les grands argentiers passent à la caisse comme si de rien n’était, ternissant au passage la réputation des milliers de petits chefs d’entreprise qui se battent pour la survie de leur PME et de leurs salariés en gagnant simplement leur vie correctement. Cela aussi est oublié trop vite.
Ne nous leurrons pas: faute d’Europe sociale dans une économie globalisée, le travail des syndicats sera de plus en plus dur. Car il sera vain, demain, de se battre au niveau national ou régional contre des mesures décidées ailleurs dans le cadre de règles du jeu mondialisées. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire à première vue, ce ne seront pas les menaces voire les actions les plus radicales qui conduiront aux résultats les plus effectifs.
Le dialogue social européen reste à inventer et il devra aller de pair avec un modèle sociétal. Sans quoi la jeunesse sera singulièrement démunie dans les décennies à venir.
En lieu et place, nous assistons à quoi: à une paupérisation croissante des plus fragiles, à un appauvrissement des classes moyennes, à une instruction publique menacée un peu partout et … à l’impunité d’un petit nombre.
Equité que cela?

dfonck@tageblatt.lu