Ségolène Royal toujours populaire, mais confrontée au risque d’isolement

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Au terme d’une semaine plutôt rude, Ségolène Royal a réuni, ce week-end, quelque 2.000 de ses supporters à Montpellier, au bord de la Méditerranée, pour la 2e édition de sa „Fête de la fraternité“ qui lui avait valu, l’an dernier, de remplir à craquer la grande salle du Zénith, à Paris./ De notre correspondant Bernard...

L’atmosphère aura été, cette fois-ci, moins électrique, même si l’ex (et sans doute future) candidate à l’Elysée séduit toujours ses fidèles.
„Isolée“: c’est sans doute, depuis quelques jours, l’adjectif qui revient le plus souvent pour décrire la situation de Mme Royal après les révélations d’un livre controversé, mais qui semble bien documenté, sur les tricheries électorales dont elle aurait été victime après le calamiteux congrès socialiste de Reims lorsque Martine Aubry l’a emporté sur elle, de 102 voix, pour le poste de première secrétaire du PS. Cette position est évidemment très paradoxale: les journalistes auteurs de l’ouvrage en question lui rendent au contraire justice, et incriminent sa rivale, ainsi – et peut-être surtout – que le clan Aubry et la puissante fédération du Nord, où quelque mille suffrages auraient été „volés“ à Ségolène Royal pour assurer le succès national de la „patrone“ locale.
Mais l’équipe directrice mise en place à la suite de cette élection si discutée a tout fait pour donner le sentiment que c’était „Ségolène“ qui cherchait dans cette affaire une médiocre revanche procédurale, n’hésitant pas pour ce faire à risquer de briser l’unité du parti, tandis que „Martine“ traitait, elle, avec un souverain mépris la remise en cause de son élection, expliquant qu’elle n’avait même pas lu de livre et qu’elle avait autre chose à faire que d’en poursuivre les auteurs devant les tribunaux, comme elle avait été mise au défi de le faire.
Nombre de caciques du PS ont même haussé les épaules sur le thème: „Où est le scoop? Le bourrage des urnes, cela s’est toujours fait chez nous, et en l’occurrence les ’royalistes‘ ne s’en sont pas privés non plus dans les fédérations qui leur étaient acquises, comme, dans le Midi, les départements des Bouches-du-Rhône ou de l’Hérault. Sans parler de l’Outre-mer, en particulier les Antilles.“ Quitte à ne pas bien mesurer l’effet que de telles déclarations peuvent produire sur les militants de base, y compris, bien entendu, les partisans sincères de Martine Aubry. Pour ne rien dire de l’électeur de gauche moyen, qui découvre l’existence de ces menues turpitudes, dont il était jusqu’à présent convenu, au PS, d’accuser exclusivement … la droite!

L’affairedu site internet

Mais la machine a bien fonctionné. Relayé par des médias français qui, toujours versatiles, sont revenus depuis de longs mois déjà de leur fascination forte mais ancienne pour „Ségolène“, le discours de la direction actuelle du PS contre Mme Royal, s’ajoutant à un certain nombre de défections dans son entourage, a ancré dans l’opinion l’idée que celle-ci s’enfonce dans une sorte de bouderie solitaire. Et sa „Fête de la fraternité“ de Montpellier (dans l’Hérault, justement, un département méridional dont la fédération socialiste lui est toute acquise), n’aura pas fait changer d’avis les observateurs.
Il est vrai qu’entre temps, Ségolène Royal a connu une autre déconvenue. La création de son nouveau site internet „Désir d’avenir“, du nom de son association (qui vise à élargir les contours de son courant „l’Espoir à Gauche“ au PS), a été l’occasion d’une autre salve de critiques de gauche, et pas seulement. A la fois parce que sa présentation était jugée ridicule, vieillotte, et trop ressemblante avec ce que font les sectes sur ce terrain („Raël Royale“, l’a pour la circonstance rebaptisée un se ses contempteurs internautes), ce qui ne serait encore qu’un demi et discutable problème.
Mais aussi parce que la maquette, en effet passablement sommaire et ringarde, en a été réalisée par la société de son nouveau compagnon, André Hadjez, qui a facturé de travail … 41.860 euros à Pierre Bergé, le mécène du courant de Mme Royal. Lequel a refusé de payer une note dont le montant représente au bas mot quatre fois le prix d’un travail similaire … réussi. Aubaine pour les adversaires socialistes de Mme Royal que ce soupçon, aussitôt démenti par l’intéressée, mais le mal est fait, d’un „copinage“’ sentimentalo-financier du plus mauvais effet.
M. Bergé, pour autant, n’a pas rompu avec elle, et se déclarait même hier, dans le Journal du Dimanche, toujours aussi prêt à l’aider et à la financer, „elle qui vaut mieux que tous ces éléphants socialistes qui ont organisé sa mise à l’écart“; et aussi à „améliorer son site internet“, mais, précise-t-il, avec „des professionnels“. Inutile de dire que le tout-Paris politico-médiatique, tout particulièrement au PS, a fait des gorges chaudes de site „Désir d’avenir“ en effet assez peu convaincant, suscitant des parodies plus ou moins talentueuses, plus ou moins charitables, plus ou moins spontanées…
Mais, donc, Mme Royal aura abordé sa fête dans un climat sensiblement plus lourd qu’il y a un an, et avec moins de monde autour d’elle même si elle a facilement pu obtenir de l’assistance, à qui elle demandait: „Vous vous sentez isolés, vous?“, un „Non“ massif, mais qui sonnait un peu douloureusement.

Paradoxe:ses idées, pourtant…

Le paradoxe n’est pas seulement que cet appauvrissement au moins provisoire de son oxygène propre survienne au moment où il devient de plus en plus vraisemblable qu’elle a été abusivement écartée de la direction du PS. L’étrangeté de la situation tient aussi à ce que jamais, sans doute, ses idées n’auront été à ce point récupérées par le clan Aubry.
Qu’il s’agisse de la possibilité de primaires ouvertes dans la perspective de la présidentielle de 2012, de la moralisation urgente des mœurs internes du parti (notamment en matière électorale), du non-cumul des mandats ou de l’ouverture d’une réflexion sur une alliance avec la droite démocrate-chrétienne et anti-sarkoziste de François Bayrou, tout ce qu’elle demandait, et qui avait été rejeté avec hauteur par la direction actuelle il y a peu encore, a désormais été inclus dans la ligne officielle du PS.
Face à cette situation, les „ségolénistes“ demeurés fidèles font valoir que ce n’est certes pas la première fois que leur préférée pour l’élection présidentielle se voit vilipendée par l’„establishment“ du PS, et que c’est même pour cela que nombre de Français qui ne sont pas nécessairement des électeurs socialistes voient en elle, et avec sympathie, une personnalité „au dessus des partis“. Mme Royal elle-même n’a-t-elle pas, d’ailleurs appelé lesdits Français, samedi soir à Montpellier, à „dépasser le PS“ pour constituer un rassemblement fraternel et constructif plus large?
Reste que, dans l’implacable logique du système de la Ve République, en principe parlementaire mais qui ne donne pas à l’Assemblée tous les moyens de le faire prévaloir (l’affaire de la non-signature des décrets d’application de la loi sur les tests ADN par le ministre concerné, l’ex-socialiste Eric Besson, l’a confirmé la semaine dernière spectaculairement), en fait présidentiel ou au moins semi-présidentiel mais qui n’ose pas davantage l’assumer, il n’est guère commode de se lancer dans la course à l’Elysée, „mère de toutes les batailles“ comme disait jadis Saddam Hussein à propos d’autre chose, sans l’appui d’un grand appareil de parti. Dans des registres différents, des hommes de talent comme Michel Rocard, Raymond Barre, Michel Jobert, en ont fait l’amère expérience.
Le pari de Ségolène Royal est de réussir à transformer ce qui lui reste de soutien populaire, qui certes n’est pas mince même si l’on n’est plus tout à fait dans la dynamique de 2007, en une structure de combat présidentiel à laquelle le PS, bon gré mal gré, serait bien obligé de se rallier. C’est peut-être encore possible, mais, face à la mobilisation des „éléphants“ qui ne lui ont jamais pardonné d’avoir tant contesté leur (im)puissance, ce n’est pas, pour le moins, gagné d’avance.